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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis

Le | Cooperatives-negoces

Les distributeurs de l’Ouest se sont retrouvés pour la 37ème édition du Space à Rennes, dans une ambiance positive, tirée par la bonne collecte en production végétale et des cours en hausse en production animale. Toutefois, des inquiétudes demeurent sur l’inflation, la hausse des coûts de production, le recrutement et le renouvellement des générations d’agriculteurs, ou encore séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires. Les coopératives et négoces n’ont pas manqué d’interpeler les élus sur les problèmes qu’ils rencontrent. Tour des stands.  

Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis
Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis

« Les marchés sont bien orientés, nous avons une collecte de céréales en hausse de 10 % cette année, et celle d’automne s’annonce bonne », reconnaît Olivier Chaillot, président de Terrena. Dans l’Ouest de la France, les signaux sont au vert aussi bien sur les productions végétales qu’animales. De quoi redonner le moral aux éleveurs qui sont allés à la rencontre de leurs distributeurs à l’occasion de  la 37ème édition du Space, le salon des productions animales, qui s’est tenu à Rennes du 12 au 14 septembre 2023. « Après une mauvaise année 2022, cela va mieux, la filière porcine s’est remplumée », reconnaît Bernard Rouxel, nouveau président de la Cooperl. « La conjoncture est globalement bonne, même s’il y a des sujets de tension, ajoute Denis Ernotte, directeur de la communication d’Eureden. Une partie de la collecte a été chez nous touchée par les pluies qui ont fait baisser la qualité des blés. » Les cours sont également dans un équilibre fragile. « Nous avons des interrogations sur les prix du lait et du porc », reconnaît Arnaud Degoulet, président d’Agrial. « Nous sommes au Space pour répondre aux interrogations de demain : les coûts de production qui n’ont jamais été aussi élevés, les normes, les besoins d’investissement, la recherche de repreneurs, ou encore l’inflation », ajoute Bernard Rouxel.

L’inflation perturbe les relations dans la chaîne alimentaire

Un autre point auquel est particulièrement confronté un certain nombre de coopératives de l’Ouest possédant des filiales agroalimentaires : l’inflation. « Elle a des impacts sur les volumes commercialisés notamment en viande et plus particulièrement sur le porc », indique Arnaud Degoulet. « La grande distribution se positionne en défenseur du pouvoir d’achat et accuse les industries agro-alimentaires de se faire de l’argent sur le dos de la chaîne alimentaire. Nous ne confirmons pas cela », insiste Rémi Cristoforetti, directeur de Le Gouessant. Les coopératives restent toutefois confiantes sur les démarches de qualité. « Les marques distributeurs, MDD, prennent de la place mais la montée en gamme de qualité est une attente, insiste Bernard Rouxel. Les ventes de nos porcs sans antibiotiques n’ont pas baissé. » Arnaud Degoulet en est persuadé : « Nous sommes au bout de l’alimentation bon marché. C’est sur l’alimentation plus haut de gamme qu’il faut désormais argumenter. »

La séparation de la vente et du conseil, « une erreur »

La séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires était également au cœur des discussions plus politiques. « Nous sommes contents que le dossier soit réouvert », ne cache pas Denis Ernotte. « Cette séparation est une erreur, renchérit Arnaud Degoulet. Le niveau de conseil donné aux agriculteurs a beaucoup baissé et nos techniciens ne savent plus comment faire pour accompagner les adhérents. Les ventes de phytosanitaires ne représentent que 1 % de notre chiffre d’affaires : nous ne sommes pas phyto-dépendants ! »


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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
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Arnaud Degoulet, ancien président d’Agrial, Stéphane Travert, député de la Manche, et Bernard Guillard, vice-président d’Agrial qui prendra la présidence de la coopérative fin septembre.[/caption]

Agrial affichait un optimisme. « Si en 2022, la coopérative a connu des difficultés sur sa branche légumes, les ajustements réalisés ont porté leurs fruits », explique Arnaud Degoulet, président d’Agrial. La complexité persiste toutefois sur la filière cidricole dont les volumes baissent de 0,5 % par an. « La consommation de cidre a été divisée par deux en vingt ans, poursuit-il. Or, les variétés utilisées sont spécifiques, ce qui complexifie la réorientation des exploitations. Nous nous lançons dans le Cider, le cousin anglosaxon du cidre, dont les volumes progressent mais de manière encore insuffisante pour combler les pertes en cidre. » Agrial a réalisé une grosse collecte de céréales, à 1,4 million de tonnes. « Nous avons pris des parts de marché, mais cela pose le problème du stockage, explique-t-il. Nous avons dû stocker un peu partout, car la vente n’est pas très dynamique, beaucoup d’acheteurs sont attentistes. La collecte de maïs et tournesol s’annonce bonne : nous allons être amenés à réfléchir à notre politique de stockage. »

 


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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
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Olivier Chaillot, président de Terrena[/caption]

Les problématiques d’installation sont un axe fort de la politique actuelle de Terrena. « Tous les collaborateurs présents au Space sont mobilisés pour accueillir de nouveaux agriculteurs, explique Olivier Chaillot, président de Terrena. Nous avons démarré un travail en septembre 2022 qui montre que nous avons perdu 3 à 4 % des volumes en bovins par an depuis cinq ans, et 2 % en lait. Mais nous ne sommes pas fatalistes : nous avons des clients et les écoles agricoles sont remplies. Nous devons accompagner davantage les nouveaux adhérents, et mieux communiquer avec les élus pour stopper les problèmes d’acceptabilité sociétale des bâtiments d’élevage. »

 


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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
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Denis Ernotte, directeur de la communication d’Eureden[/caption]

Eureden s’inquiète de l’enjeu de l’irrigation. « Nous avons besoin d’eau pour sécuriser la production. Or, nous avons du mal à faire aboutir les dossiers de retenues collinaires, explique Denis Ernotte, directeur de la communication d’Eureden. Pourtant, nous ne sommes pas sur des mégabassines. Nous récoltons l’eau de ruissellement en hiver, et non dans les nappes. »

Avec la hausse des cours, des agriculteurs ont été tentés de convertir en céréales leurs surfaces en légumes, une activité majeure pour Eureden avec 1200 hectares. « Nous avons augmenté les prix payés aux producteurs pour maintenir la production, poursuit-il. Nous avons également fait de la pédagogie pour rappeler l’importance des légumes dans la rotation. »


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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
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Caroline Vignon-Nogues, responsable communication et marketing, Alexandre Prince, responsable du service agronomie, et Rémi Cristoforetti, directeur de Le Gouessant[/caption]

Le Gouessant mettait en avant sa politique « d’agriculture plurielle et durable », avec un enjeu sur les installations et la prise en compte des attentes sociétales. Les coûts de l’énergie inquiètent toujours. « Notre facture a augmenté de 15 M€ en 2023, explique Rémi Cristoforetti, directeur de Le Gouessant. Nous travaillons sur la sobriété énergétique. » La coopérative accuse le coup sur la filière bio. « Nous avons déclassé la moitié de nos poules pondeuses bio en plein air, reconnaît-il. En porc, nous avons repositionné des élevages en label rouge. Nous croyons au développement de l’élevage en Bretagne, mais avec un lien plus fort au sol et un renforcement du bien-être animal. »

Le Gouessant mise sur la diversification des exploitations. « Par exemple, nous voulons développer la pomme de terre, ajoute-t-il. Nous en collectons aujourd’hui 27 000 tonnes, soit le double d’il y a cinq ans. Nous voulons atteindre 35 à 40 000 tonnes d’ici 4 à 5 ans. »

 


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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
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Bernard Rouxel, nouveau président, avec Patrice Drillet, ancien président de la Cooperl[/caption]

« C’est aux éleveurs de passer des messages positifs sur leurs métiers pour attirer des repreneurs, indique Bernard Rouxel, nouveau président de la Cooperl. Nous devons être beaucoup plus positifs sur l’image que l’on donne. Les fermes vendues au bon prix trouvent des repreneurs ! »

La Cooperl, qui a démarré depuis peu sur le bio, a arrêté les conversions. « Nous avions 1500 truies en bio, nous n’en avons plus que 1200 », indique-t-il. La coopérative continue de travailler sur le bien-être animal, et entend sensibiliser les éleveurs à l’arrêt de la caudectomie. « Nous réfléchissons, avec nos clients de l’aval, sur des allégations sur le bien-être animal dans son ensemble, et non sur une seule pratique », explique Bernard Rouxel.


 

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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.

Sébastien Blot, directeur de la coopérative Garun-Paysanne[/caption]

« Nous montons sur la partie végétale, avec 190 000 tonnes collectées en 2023, explique Sébastien Blot, directeur de la coopérative Garun-Paysanne. Nous étions à un peu moins de 100 000 tonnes il y a cinq ans. Cette hausse d’activité a conduit à l’embauche de trois techniciens production végétale cette année, pour arriver à une équipe de onze personnes sur ce secteur. Notre but est de consolider cette activité. Nous travaillons sur une offre de services en outils d’aide à la décision. En 2024, nous devrions proposer des visites de champs, et travailler sur les techniques alternatives. »


 

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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
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Vincent Bernard, délégué régional de négoce Ouest[/caption]

« Les entreprises vont bien, explique Vincent Bernard, délégué régional de Négoce Ouest. La collecte s’est passée relativement rapidement sauf en Normandie et à l’extrême pointe de la Bretagne, où il y a eu des problèmes de qualité des blés pour ceux récoltés après le 14 juillet. La récolte de maïs se profile comme un bon cru. Tout le monde manque de place pour stocker. La logistique sera le nerf de la guerre pour la collecte d’automne. Chaque centimètre carré qui peut accueillir du grain en accueillera ! »


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Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.
Au Space, les distributeurs face à leurs futurs défis - © D.R.

Nelly Lemasson, nouvelle responsable communication de la Cavac[/caption]

« Au Space, nous mettons l’accent sur la dotation élevage, mise en place en 2022, avec une aide à l’installation de 15 000 euros, explique Nelly Lemasson, nouvelle responsable communication de la Cavac. En 18 mois, un million d’euros ont été mobilisés et nous avons accompagné 118 exploitations, dont 60 % en bovins viande et lait et 30 % en petits ruminants. C’est au-delà de ce que nous avions prévu. Cela donne de l’espoir ! »