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Cosmétique, la CAPL a la tomate dans la peau

Le | Cooperatives-negoces

La Coopérative Agricole Provence Languedoc a créé une joint-venture avec un laboratoire de recherche pour valoriser ses drèches de tomates. L’initiative attire l’attention de géants du cosmétique, et pourrait permettre de valoriser les revenus des agriculteurs.

Cosmétique, la CAPL a la tomate dans la peau
Cosmétique, la CAPL a la tomate dans la peau

La fontaine de jouvence jaillirait-elle d’un légume ? C’est en tout cas l’espoir porté par Phenix en Provence, la joint-venture créée par la Coopérative agricole Provence Languedoc, CAPL, et Inaturals, un laboratoire indépendant de recherche d’ingrédients naturels pour le marché de la cosmétique.

« Un biostimulant pour la peau humaine »

L’objectif de cette nouvelle société : utiliser les drèches, des co-produits issus de la transformation en sauce des tomates bio du Panier Provençal, une usine appartenant à la CAPL. « La peau de la tomate comporte des molécules appelées triterpènes, uniques à ce fruit et qui lui permettent de se protéger naturellement des pathogènes, de la déshydratation, des intempéries et des rayons UV, explique Leila Falcao, présidente de Inaturals et de Phénix en Provence. Ces molécules sont capables d’activer les défenses naturelles d’un autre organisme vivant. C’est comme un biostimulant pour la peau humaine ! »

Plus de 200 000 € investis dans des expérimentations R&D depuis quatre ans

La docteure en Science des aliments se penche sur la tomate en 2018, à la demande d’agriculteurs de la région Paca qui lui suggèrent de trouver une façon de valoriser cette culture, alors en crise. « BPIFrance a financé les premières expérimentations, pour un montant de 30 000 euros, explique-t-elle. Des premiers essais ont été faits en laboratoire sur des explants de peau humaine inflammée (1). Les résultats étaient incroyables : les rougeurs diminuaient de 50 % en 10 minutes, et disparaissaient totalement au bout de 2 heures. »

La chercheuse établit alors un premier contact avec la CAPL pour assurer son approvisionnement en matières premières, mais la coopérative est en pleine acquisition de Provence Tomate, devenue par la suite le Panier Provençal. Intéressée par le projet, la CAPL temporise et se consacre au redressement de l’outil industriel. Leila Falcao met alors la main à la poche pour réaliser deux expérimentations cliniques, sur des panels de 20 femmes, pour un montant total dépassant les 200 000 €. Les résultats sont au rendez-vous, et la chercheuse dépose une demande de brevet en 2020. Une troisième expérimentation est en cours.

1,5 M€ pour équiper l’usine d’un séchoir

« Nous étions alors prêts à nous engager, et nous avons créé une société à 50/50 pour exploiter ces découvertes, indique Patrice Florentin, directeur général de la CAPL. Nous avons contracté un prêt de 1,5 M€, cautionné par la coopérative, pour installer un séchoir, un trieur et un broyeur en fin de ligne de production, au sein de l’usine du Panier Provençal. » L’usine sera opérationnelle fin 2022, en prévision de la campagne 2023. Phenix en Provence s’est déjà engagé à fournir une tonne de principe actif à son distributeur, Sollice Biotech (Toulouse), dès la première année, 3 tonnes en 2024 et 4 tonnes en 2025.

Une tonne de principe actif nécessite 1 500 tonnes de tomates fraîches, mais heureusement, le Panier provençal est le leader français de la transformation de tomates, avec une récolte à 88 000 tonnes en 2021, soit 60 % du marché de la sauce tomate française et 80 % de la transformation française bio. Phenix en Provence a d’ores et déjà élaboré plusieurs produits : un principe actif hydrosoluble, une eau de distillation de la tomate et une huile de pépins de tomate. Ils ont été présentés aux professionnels à l’occasion du plus grand salon d’innovation cosmétique, In Cosmetics, début avril à Paris. Phenix en Provence a été approchée par deux géants du cosmétique : L’Oréal et Estée Lauder.

La cosmétique pour augmenter le revenu des agriculteurs

Un premier contact encourageant pour l’initiative provençale, qui correspond aux attentes d’un public en recherche d’authenticité et de circuits courts. « L’histoire que l’on raconte est belle et vraie, avec une usine zéro déchets, au milieu des champs », s’enthousiasme Patrice Florentin, qui espère, à termes, pouvoir rémunérer les agriculteurs au moins 5 à 10 % de plus grâce à l’exploitation de ces co-produits, d’ici à 2024.

De quoi faire tourner la tête des adhérents, qui « n’osent pas croire que cela puisse rapporter autant d’argent, mais sont très emballés, confie Patrice Florentin. C’est surprenant : ce qui embellit les gens est plus valorisé que ce qui les nourrit. » En attendant, la coopérative voit plus loin que la tomate, et imagine déjà des cosmétiques à base de co-produits de la pomme, de Provence, elle aussi.

(1) Les explants sont des fragments de peau humaine utilisés en laboratoire

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Cosmétique, la CAPL a la tomate dans la peau - © D.R.
Cosmétique, la CAPL a la tomate dans la peau - © D.R.

L’usine du panier provençal, à Tarascon. © CAPL/Panier provençal[/caption]