Éric Barbedette, Actura, « Les stocks actuels en appro devraient impacter la prochaine campagne »
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Actura clôturera son exercice 2022/23 en septembre 2023. Déjà, Éric Barbedette, directeur général, prévoit une nouvelle hausse du chiffre d’affaires, à 580 M€ (1). Interrogé par Référence agro, il revient sur ses relations avec les fournisseurs, quelque peu chahutées ces derniers mois, évoque le dossier semences et la construction de la future usine du groupe et se questionne sur l’intérêt du e-commerce.
Référence agro : Après deux campagnes atypiques dans le monde de l’appro, comment se présente le bilan de l’exercice en cours pour Actura ?
Eric Barbedette : Ces deux dernières années, l’activité d’Actura a connu une croissance favorable. Si, sur l’exercice 2021/22, la progression de notre chiffre d’affaires est essentiellement due à l’évolution de notre activité - via l’entrée de nouveaux adhérents et notre gain de part de marché dans toutes les régions - pour la campagne 2022/23, l’essentiel de la croissance sera dû à l’inflation. Pour autant, notre périmètre d’activités continue de se consolider, grâce notamment à la croissance des entreprises du réseau. Nous comptabilisons désormais 141 adhérents : 132 négoces et 9 coopératives.
RA : Les mouvements au sein de votre réseau restent-ils d’actualité ?
EB : Oui, d’une année à l’autre, il y a toujours des mouvements. Dernier en date, celui du négoce Cosset qui entre dans le périmètre de Cavac et qui, conformément à nos statuts ne peut pas rester membre associé du réseau Actura. Les entreprises qui frappent à la porte restent nombreuses mais notre objectif n’est pas la course à la taille. Nous recherchons avant tout de la cohérence entre nos différents adhérents. Au-delà de la sécurisation de leur appro, nous leur proposons aussi une offre logistique, un appui réglementaire et accompagnons les transmissions internes ou facilitons les cessions entre structures. Dans un monde agricole en pleine évolution, les entreprises doivent se transformer. Nous sommes là pour les accompagner en leur proposant par exemple d’aller plus loin dans la mutualisation et de contribuer à leur performance globale.
RA : Quels sont les marchés actuellement les plus dynamiques ?
EB : Notre chiffre d’affaires a davantage augmenté en grandes cultures qu’en cultures spécialisées qui, à l’instar de la vigne, connait une campagne phytos en recul du fait d’une pression maladies moindre. Les stocks en distribution sont donc attendus en hausse : cela devrait quelque peu redessiner la dynamique de la campagne à venir. Les biosolutions, elles, connaissent une belle progression depuis deux campagnes. Si la hausse du prix des engrais a profité à certains biostimulants l’an passé, il semblerait que cette année, le marché se tasse un peu. Notre objectif est d’atteindre 10 M€ de chiffre d’affaires pour ce marché en 2023.
RA : La physionomie des campagnes passées a-t-elle fait évoluer la relation avec les fournisseurs ?
EB : Oui, effectivement. Suite aux retards de livraison, aux ruptures d’approvisionnement et aux quotas rencontrés la campagne passée nous avons, cette année, anticipé pour sécuriser nos volumes auprès des fournisseurs. Mais certaines entreprises ont, semble-t-il, profité du contexte pour consolider leurs marges ! D’autres poussent encore la distribution à anticiper leurs achats. Mais aujourd’hui, tout le monde a du stock : cela devrait impacter la campagne à venir. Car désormais, avec des taux d’intérêt en forte hausse, stocker coûte cher. Ajuster au mieux nos prévisions, s’appuyer sur la performance de nos outils logistiques, nous permet de réduire l’impact au niveau des comptes d’exploitation. C’est un réel atout.
RA : Sentez-vous un désengagement des fournisseurs sur le marché français ?
EB : Les firmes phytosanitaires se doivent de délivrer une performance financière en ligne avec les objectifs qu’elles se sont fixées avec leurs actionnaires. La France pèse effectivement moins qu’elle n’a pesé mais notre pays, comme le continent européen d’ailleurs, reste un marché important pour ces entreprises, bien que les contraintes réglementaires y soient plus grandes qu’en Amérique ou en Asie. Ces marchés restent de grands consommateurs de produits de protection des plantes. À nous d’être conscients de ce que l’on représente à l’échelle mondiale. Mais cela ne nous empêche pas de faire pleinement jouer la concurrence surtout quand certaines firmes continuent d’augmenter leur prix ! Nous n’avons plus la capacité à absorber l’inflation. Notre rôle premier consiste à sécuriser l’approvisionnement de nos adhérents et maintenir leur performance. Dans un contexte d’effet ciseau, nous devons faire évoluer le mode de fonctionnement avec nos fournisseurs afin de dégager des synergies ou des économies d’échelle permettant d’améliorer la compétitivité de l’agriculture française.
RA : Où en est votre projet de construction d’usine dédiée aux semences ?
EB : Le dossier avance et fait partie intégrante de notre plan stratégique Horizon 2030. La première étape, actée en août 2022, passe par la multiplication et la production de semences en partenariat avec Valfrance, afin de consolider des volumes dans leur unité. Dès l’an prochain, nous tablons sur un volume de production de 90 000 quintaux de semences de céréales à paille, contre 60 000 q et 13 000 doses de blés hybrides aujourd’hui. La deuxième étape sera la construction de notre propre usine, en grande région Centre, via notre filiale Agrasem. Ce site devrait entrer en fonctionnement en 2026 avec l’objectif de travailler entre 400 000 et 500 000 qx de semences de céréales à paille, mais aussi des semences d’autres espèces hybrides comme le maïs, le colza, le tournesol et des fourragères. Cette usine sera complétée par une plateforme logistique regroupant l’intégralité de notre activité semences.
RA : Vous intéressez-vous au sujet du e-commerce ?
EB : Nous avons échangé avec plusieurs start-up qui souhaitaient intégrer notre réseau mais au final, aucun accord n’a été conclu car le modèle actuel ne nous convient pas. Même si je suis persuadé de la nécessité de faire évoluer la relation avec les agriculteurs, notamment via le digital pour la rendre plus fluide, les formats proposés aujourd’hui ne permettent pas de pleinement l’améliorer. Tout en restant en veille et à l’écoute de tous les acteurs du marché., nous faisons aujourd’hui de la digitalisation de notre réseau, l’un des axes majeurs de notre stratégie.
RA : En 2022, vous évoquiez la nécessité de faire évoluer le réseau Etamines. Qu’en est-il ?
EB : Effectivement, sept ans après son lancement, une V3 du réseau Etamines se prépare pour cet automne. Grâce à nos essais dédiés à l’innovation sous toutes ses formes, nous avons acquis une réelle légitimité en interne mais aussi en externe auprès des firmes, des instituts techniques et des pôles de compétitivité. Nous travaillons d’ailleurs avec Terres Inovia dans le cadre du projet AdaptaCol2. L’enjeu est aussi d’accompagner des start-ups dans le développement et le déploiement de leurs solutions. Le dossier biosolutions est bien évidemment au cœur des plateformes expérimentales avec la mise en œuvre de notre concept SDCE, Solutions de déplafonnement ou de contribution environnementales.
RA : Autre projet à venir ?
EB : Nous préparons la publication de notre premier rapport RSE pour la fin de l’été. Cette démarche se veut inclusive, évolutive et dynamique pour impliquer chaque collaborateur et chaque activité du groupe en relation avec les parties prenantes.
Actura en chiffres
- Exercice 2020/21 : 431 M€
- Exercice 2021/22 : 547 M€, avec un CA consolidé groupe à 677 M€
- Projection pour l’exercice 2022/23 : 580 M€ dont 435 M€ en phyto, 115 M€ en semences, 16 M€ en agroéquipement, 10 M€ en biosolutions et 4 M€ autres. Projection pour le CA consolidé groupe : 714 M€.
- 141 adhérents
(1) Chiffre d’affaires achat réseau