Tendance fongicides blé, le biocontrôle de mieux en mieux installé en T1
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Sur le terrain, le constat est clair : le T1 fongicide, sur blé, est en pleine évolution. Sans aller jusqu’à prôner l’impasse, les prescripteurs et conseillers suggèrent de remplacer les solutions de synthèse par du biocontrôle. Firmes et distributeurs témoignent de cette évolution.
« Les variétés sont globalement plus résistantes aux maladies ciblées par le T1 fongicide sur blé. Et comme ce fut le cas cette année, le climat retarde les invasions de pathogènes, de fait, le T1 n’est plus systématique. » En deux phrases, Fabrice Verlet, responsable production végétale chez 110 Bourgogne, résume une tendance de fond. Ces dernières années, les pertes évitées par le T1 sont limitées, selon certains opérateurs, dont Arvalis-Institut du végétal, qui invitent à faire évoluer les stratégies fongicides. Selon l’institut technique, le gain de rendement d’un T1 se limite à 1,8 q/ha. Dans les faits, un hectare sur deux ne reçoit plus de T1 via un produit de synthèse, contribuant à ce constat : 44 % des blés ne reçoivent plus que deux passages fongicides.
Sur le terrain, les échos indiquent en effet une menace septoriose contrôlée, mais la vigilance reste de mise, « en particulier concernant la rouille jaune, qui devient endémique dans le Sud », glisse François Decamps, responsable technique chez Val de Gascogne. « Nous restons sur des programmes à trois passages, mais nous nous orientons sur des solutions différentes », résume Jean-Philippe Chenault, responsable agronomique à la Coop Creully (Calvados). « Même si l’utilisation du T1 a baissé ces dernières années, il reste cependant présent sur une petite moitié des céréales, principalement avec des solutions de synthèse, analyse Maxime Luneau, chef marché grandes cultures chez UPL. C’est sur ce créneau que le biocontrôle va pouvoir progresser dans les prochaines années. »
Les coopératives s’organisent
C’est en effet le biocontrôle qui joue ce rôle d’alternative. Le contexte y est favorable. « La logique des CEPP nous incite à référencer cette famille de produits, explique François Decamps. De plus, certains contrats tracés avec l’aval exigent des IFT réduits, ou des produits non-classés. » Jean-Philippe Chenault ajoute d’autres arguments : « Avec le retrait du chlorothalonil, ces produits sont de plus en plus pertinents, sur le plan technique, vis-à-vis des résistances notamment, et sur le plan de l’image, vis-à-vis des attentes sociétales. Ils sont désormais inévitables dans une gamme. » Ses homologues confirment : dans les trois coopératives interrogées par Référence-agro, l’offre en biocontrôle dans les référencements 2021/22 s’enrichit sur ce marché T1 fongicide sur blé.
Avec une préférence pour les solutions soufrées, du côté de François Decamps chez Val de Gascogne : « Mi-octobre, j’ai eu une réunion avec les TC, et pour la première fois, une unanimité autour de la formulation de soufre choisie, bien adaptée aux applications en grandes cultures, vis-à-vis du risque de bouchage des pulvérisateurs notamment », narre-t-il. Sur les 450 000 hectares traitées au soufre en France, 86 % seraient des blés tendres, sur lesquels il est appliqué en T1. Pour les coopératives, l’expérimentation reste par ailleurs le maître-mot concernant le biocontrôle, qui n’a pas toujours été bien accueilli sur le terrain. « L’inefficacité de certaines solutions a pu générer du scepticisme », rappelle François Decamps. Val de Gascogne se veut ambitieuse malgré tout : l’objectif est de passer de 30 % de biocontrôle, sur la dernière campagne, à 40 à 50 % pour la saison à venir.
Les firmes sur le pont
Et du côté des firmes commercialisant des produits de biocontrôle, comment gérer cette tendance ? Certaines spécialités ont été pensées initialement comme des compléments aux fongicides traditionnels, un moyen de limiter les doses. C’est le cas d’Héliosoufre S, proposé par Action Pin. Mais la firme se veut proactive : « Dès l’homologation, en 2018, nous avons rapidement travaillé sur des T1 100 % Héliosoufre, en jouant sur les variétés et selon les années, exprime Cédric Groud, responsable développement France. Nous avons vite constaté qu’il se suffisait à lui-même. » Maxime Luneau explique de son côté que UPL a travaillé le dossier « Nutrition-Santé » quatre ans pour aboutir à une offre double : Thiopron (soufre) ou Vacciplant (à base de plante) en association avec le biostimulant Florilège.
Chez De Sangosse, Pygmalion (à base de phosphonate de potassium) a très récemment obtenu son homologation. « Il y a dix ans, quand nous avons commencé son développement, le biocontrôle n’était pas une fin en soi, relate Marie Aubelé, chef de marché. Nous souhaitons davantage mettre Pygmalion en avant comme un fongicide « à part entière », systémique et sans classement. » Reste qu’avec cette absence de classement, Pygmalion entre parfaitement dans une logique de biocontrôle s’il est appliqué en T1, seul ou avec un partenaire à base de soufre. Une caractéristique qui incite la distribution à l’envisager en tant que tel pour des essais ou pour un référencement dès 2021/22 pour les structures l’ayant déjà testé. « Les distributeurs décideront de ce qu’ils feront de Pygmalion, philosophe Marie Aubelé. Même si nous lui voyons une portée plus vaste, nous savons qu’il fera le travail s’il est utilisé en T1 ! » De Sangosse ambitionne, en l’occurrence, de couvrir 30 % des T1 sur blé avec cette nouveauté.
Ouvrir les perspectives au delà du T1 ?
Cette tendance rebat les cartes. Le biocontrôle a de nouveaux champs à investir. Action Pin envisage d’autres options pour Héliosoufre S : « Aller sur des associations, mais plutôt avec les T2 sur blé, où il permettrait de réduire l’apport de certains fongicides d’un tiers, évoque Cédric Groud. Nous sommes aussi sur des tests sur fusariose du blé et sur les maladies des orges. » Le Pygmalion de De Sangosse est lui aussi applicable pour les T2 avec un partenaire de type SDHI. Chez UPL, on dépasse même le cadre de la stratégie fongicide… Maxime Luneau rappelle que l’association d’un produit de biocontrôle avec le biostimulant Florilège est aussi valorisable dans la perspective des pénuries de fertilisants : « Alors que beaucoup de « sous-apports » sont d’ores et déjà prévus, Florilège favorise une meilleure assimilation qui sera précieuse ! »
La boite à outils continue donc de s’enrichir, à la grande satisfaction de Jean-Philippe Chenault, qui conclut en replaçant la distribution au centre du jeu : « Les leviers de progrès sont là, de plus en plus nombreux. À nous de savoir les tester et les maîtriser pour bien les valoriser auprès des adhérents. »