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Céréales à paille, des traitements fongicides en recul et des inquiétudes sur les résistances

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Un climat favorable, une économie de T1 et une plus grande tolérance des variétés de blé, ont fait de 2021 une nouvelle année record en terme du faible nombre moyen de passages fongicides. Arvalis, qui organisait un point le 3 novembre, souligne néanmoins des inquiétudes quant au retrait de molécules et le développement de résistances aux fongicides, notamment pour la fusariose.

Crédit photo : Arvalis-Institut du végétal - © D.R.
Crédit photo : Arvalis-Institut du végétal - © D.R.

En très légère hausse par rapport à l’année précédente, avec 60 €/ha, les dépenses fongicides ont connu, en 2021, le deuxième niveau le plus faible depuis près de deux décennies. Le climat sec et frais du printemps, suivi d’un retour des pluies, a concouru à une faible pression maladie. Résultat : en blé tendre et blé dur, le nombre de passages fongicides reste, comme en 2020, à 1,9, soit le niveau le plus bas depuis quinze ans. Il en va de même pour l’orge de printemps (1,3) et d’hiver (1,6). « Il y a certes l’effet du climat mais aussi la volonté des agriculteurs de limiter le recours aux fongicides », explique Claude Maumené, ingénieur chez Arvalis - Institut du végétal, qui organisait son point annuel sur les maladies en céréales à paille, le 3 novembre.

En moyenne, dans les essais blé tendre de 2021, la protection fongicide a permis de préserver 14 q/ha, soit un peu plus qu’en 2020 (8 q/ha), mais moins que la moyenne de ces 15 dernières années (16 q/ha). Sur orges et escourgeons, ce chiffre s’élève à 11 q/ha.

Des T1 moins fréquents

Ce moindre recours aux fongicides s’est notamment manifesté par la non réalisation du T1, comme anticipé par Arvalis dès 2020. La pratique du passage fongicide unique a été adoptée sur 36 % des surfaces cette année, soit la plus forte progression sur les quinze dernières années. Si les stratégies de traitement à deux passages restent dominantes (44 %) celles à trois passages ou plus, ne représentent désormais qu’un hectare sur cinq. Une évolution également permise par l’amélioration de la résistance des variétés de blé les plus cultivées. Ces dernières couvrent actuellement 60 % des surfaces. « Nous pouvons nous en féliciter, mais attention à ne pas crier victoire trop vite, prévient Claude Maumené. De grandes surfaces sont couvertes, mais cela ne concerne qu’un petit nombre de variétés*. Si l’une d’elle disparaît ou si sa résistance s’érodait, les choses pourraient vite changer. Maintenir ces résistances est un objectif fort pour garder le cap d’un moindre recours aux fongicides. » Cet enjeu était l’objet de la note commune publiée en février 2021 par Arvalis, Inrae et l’Anses.

Céréales à paille, des traitements fongicides en recul et des inquiétudes sur les résistances - © D.R.
Céréales à paille, des traitements fongicides en recul et des inquiétudes sur les résistances - © D.R.

Des inquiétudes sur la fusariose

Les ingénieurs d’Arvalis restent également vigilants en ce qui concerne la fusariose de l’épi. Des analyses réalisées en 2021 sur 235 isolats ont révélé l’existence de souches de F. graminearum résistantes au tébuconazole et au prothioconazole. Des résultats similaires ont été obtenus pour les souches Microdochium majus et nivale. « Ce sont les triazoles qui font le boulot aujourd’hui, réagit Claude Maumené, qui rappelle que le délai de grâce du tébuconazole, première substance active sur blé tendre, se terminera en 2023. Toute la protection ne reposera plus que sur une seule molécule, alors même que l’efficacité des produits est en baisse. »

La résistance aux SDHI continue d’augmenter

Selon Arvalis, l’évolution de la résistance des maladies aux fongicides, bien qu'« inévitable », peut être ralentie. « Arvalis, Inrae et l’Anses dressent chaque année un état de la situation de la résistance à partir des connaissances disponibles et formulent des recommandations, qui dans le cas de la septoriose du blé semblent porter leurs fruits », assure l’institut. Mais la vigilance reste de mise, notamment en ce qui concerne les SDHI, qui font l’objet d’une hausse de la résistance plus nette en 2021. Les souches dites CarR (SDHI) représenteraient ainsi 25 % de la population, contre 18 % en 2020 et 13 % en 2019. Dans ce cadre, Arvalis reste donc prudent sur les traitements de semences sur orges, à base de SDHI, tel que le Systiva, porté par BASF et lancé en France en 2022. « Les risques d’accélération de sélection de souches résistantes aux SDHI nous paraissent trop importants pour encourager la stratégie », conclut l’institut.

Poursuite des recherches sur le biocontrôle

Dans ce contexte, les travaux se poursuivent, pour anticiper au mieux les retraits de molécules et développer des produits de biocontrôle. Arvalis souligne ainsi que les phosphonates de potassium ont récemment obtenu une AMM en France, pour lutter contre la septoriose du blé et le mildiou de la pomme de terre. Ils seront commercialisés par De Sangosse sous le nom Pygmalion. « Sur blé, là où un T1 est nécessaire, et sur variétés résistantes à la rouille jaune, il permet d’envisager sereinement, en association avec du soufre, un T1 100 % biocontrôle. Au T2, les risques étant plus importants, les conditions de son utilisation restent encore à préciser », précise l’institut.

*3 variétés avec un très bon niveau de résistance (7 et 7.5), Chevignon, KWS Extase et LG Absalon représentent 32 % des surfaces (hors mélange).