La science éclaire l’influence des coopératives sur la diversité agricole et la santé des cultures
Le | Cooperatives-negoces
Parmi les 2000 références de la récente expertise collective scientifique d’Inrae sur le lien entre diversité végétale et protection des cultures, une poignée étaient centrées sur les coopératives. Ces études montrent comment ces structures participent à une diversification des territoires où elles s’ancrent.
Plus de coopératives, plus de diversité végétale ? L’assertion est sans doute un peu simpliste. C’est pourtant une des conclusions mises en avant par Inrae lors de la restitution de sa dernière expertise scientifique collective, Esco. Dans une littérature riche de 2000 références centrées sur le lien entre diversité végétale et protection des cultures, Mourad Hannachi, membre du comité d’experts de l’Esco, a identifié 22 études suivant une approche « filières et territoires ». « C’est relativement peu, et cela s’explique par la complexité de cet angle, explique-t-il. Un territoire, c’est plusieurs filières et de nombreux enjeux, ce qui nécessite de croiser plusieurs méthodes d’analyse. »
Quatre leviers socio-économiques de diversification, dont les coopératives
Ces 22 études permettent de lister quatre leviers « territoriaux » pour stimuler la diversité végétale :
- les systèmes de rétribution collective, à travers une valorisation des pratiques de diversification ;
- la certification et les labels appliqués aux produits, ou à l’exploitation ;
- les formats d'expérimentation collective, associant les acteurs territoriaux et la recherche, qui permettent d’enclencher un cercle vertueux, à l’inverse d’un cercle vicieux du type « s’il n’y a pas de preuve de succès, je ne veux pas me lancer » ;
- les coopératives agricoles, et par extension les réseaux et groupes d’agriculteurs.
Plus de coopératives, plus de diversité
Sept études de l’Esco portent spécifiquement sur ce dernier point. Mourad Hannachi précise : « L’une des plus marquantes porte sur les coopératives en Italie, et montre clairement que le nombre de coopératives sur un même territoire est corrélé à une offre plus diversifiée : des semences de plus d’espèces et de variétés, et la logistique de stockage et de débouchés qui vont avec. » A contrario, selon le chercheur, les rapprochements aboutissant à des groupes coopératifs plus importants permettent un avantage lié à l’économie d’échelle, mais limitent leur offre. « Même un très grand restaurant ne peut proposer 36 plats du jour, illustre-t-il. Avec ces grands groupes, le maillage territorial se distend. »
Des adhérents plus et mieux informés
De même, une étude chinoise révèle que les adhérents de coopératives disposent de meilleures informations liées à la régulation des bioagresseurs, et notamment l’utilité de la diversité végétale. Au Cambodge, un jeu sérieux portant sur l’implantation de zones non-cultivées pour favoriser les prédateurs des ravageurs a également distingué les adhérents de coopératives des autres producteurs. « Ils ont plus facilement tendance à tricher dans le jeu - ce qui est autorisé ! - en prenant conseil auprès des voisins », sourit Mourad Hannachi. Ces résultats ne surprennent pas le chercheur, dont la thèse réalisée entre 2008 et 2011 portait déjà sur les coopératives et les négoces.
Quand les coopératives coopèrent
« De nombreuses références établissent que la transition agroécologique passe davantage pas le collectif que par les démarches individuelles », rappelle-t-il. Le profil de la coopérative, acteur territorial par excellence et maîtrisant bien souvent plusieurs maillons des filières, en fait un candidat de premier ordre pour porter cette transition. Mourad Hannachi distingue de plus, depuis plusieurs décennies, une forme de collaboration entre coopératives. « On parle de coopétition, néologisme entre compétition et coopération, indique-t-il. C’est le sens des centrales d’achats, des démarches de communication conjointes, etc. » Une dynamique reconnue notamment par la Commission européenne, précise Mourad Hannachi : « Au début des années 2010, Bruxelles a épinglé plusieurs coopératives pour ce qui été perçu comme des ententes commerciales frauduleuses. En 2015, la Commission a reconnu que ces ententes n’étaient pas nuisibles à l’intérêt commun, bien au contraire ! »