Inrae décrypte 2000 études abordant le lien entre diversité végétale et protection des cultures
Le | Recherche-developpement
« Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles ». C’est l’angle de l’expertise scientifique collective, Esco, dont Inrae a livré les conclusions le 20 octobre. Un travail qui valide les bénéfices de la diversité végétale face aux bioagresseurs, et qui pourrait influencer les politiques publiques, tout en esquissant de futurs axes de recherche.
« Notre travail n’a pas vocation à aboutir à des avis ou recommandations, il s’agit simplement d’une synthèse de la littérature scientifique. » La formule est revenue à de nombreuses reprises lors de la restitution de l’expertise scientifique collective, abrégée Esco, pilotée par Inrae, sur le rôle de la diversité végétale dans la protection des cultures. Le 20 octobre, à Paris, près de mille personnes, en comptant les participations à distance, ont répondu présent. Une audience record après celle, déjà notable, réalisée par l’Esco pesticides et biodiversité conclue par Inrae et l’Ifremer en mai dernier.
L’Esco valide le bien-fondé de la diversité végétale
Les 2000 références épluchées par une trentaine d’experts de différentes disciplines au sein d’Inrae permettent de conclure « sans ambiguïté qu'augmenter le niveau de diversité végétale des parcelles et paysages contribue à la régulation des culture », a introduit Anaïs Tibi, coordinatrice de l’Esco. Mélanges variétaux, cultures associées, agroforesterie, diversité d’assolement, rotations longues ou encore éléments semi-naturels (haies, arbres isolés, etc.) expriment d’autant plus d’intérêt contre les bioagresseurs dans les systèmes bas-intrants.
>> Accéder à la synthèse de l’Esco en 12 pages, la version complète étant attendue d’ici à la fin d’année.
Rentabilité et réticences d’ordre sociologique
« Ces facteurs de diversité végétale ne sont pour autant pas forcément synonymes de rentabilité, avertit Vincent Martinet, co-pilote scientifique de l’Esco. Leurs bénéfices s’expriment sur un temps long, avec des retombées pas toujours valorisables à l’échelle de l’exploitation. » Il évoque de plus des freins comme la logistique qu’induirait la mise en place et l’entretien de cette diversité, ou encore les réticences d’ordre sociologique : « Il y a des standards difficiles à dépasser individuellement, ou par crainte du regard du voisin sur une parcelle qui ne serait pas « propre ». »
Une Esco sans surprise ?
Lors d’une table ronde organisée juste après l’exposition de ces résultats, les personnalités invitées ne se sont pas montrées étonnées. « Pour moi, c’est une confirmation, pose ainsi Cécile Claveirole, secrétaire nationale de France nature environnement. Ce document nous conforte dans toutes nos prises de position sur le modèle agricole à mettre en place. » Même son de cloche pour Philippe Noyau, président de la Chambre d’agriculture du Centre-Val de Loire : « Nous ne découvrons pas les bienfaits de la diversité végétale, répond . La mutation est déjà à l’œuvre, mais elle se heurte à une réalité économique que vous avez également bien décrite dans cette Esco. »
« Du grain à moudre » pour la science…
L’Esco ne fait-elle que confirmer des réalités déjà assimilées ? Cette conclusion serait simpliste, selon le président d’Inrae, Philippe Mauguin. « Le poids des conclusions d’une Esco est sans commune mesure avec celles des études prises individuellement, qu’elle que soit leur qualité, rappelle-t-il. De plus, qu’une Esco valide des tendances déjà établies est une bonne nouvelle, cela veut dire que l’on ne fait pas fausse route. Et cela permet aussi d'aiguiller la recherche vers les trous dans la raquette que révèle la littérature, et il y en a : nous avons encore du grain à moudre sur le sujet. » Par exemple, parmi les bioagresseurs encore peu étudiés, l’Esco identifie les nématodes et les insectes du sol. De même, la réduction des surfaces d’une même culture au sein d’un paysage est le facteur de diversité qui semble le moins documenté.
…et pour les politiques !
Et s’il a été largement rappelé que l’Esco n’avait pas pour but d’établir des préconisations, les représentants des trois ministères l’ayant commanditée (Agriculture, Transition écologique et Recherche) se sont dits particulièrement attentifs à ses conclusions. Ils n’auront pas manqué de noter que l’Esco a également synthétisé les enseignements d’environ 320 études portant sur la diversité végétale, mais avec un spectre davantage socio-économique qu’agronomique, avec cette conclusion, apportée par Vincent Martinet : « Il apparaît que les politiques publiques sont comme un levier central pour inciter et accompagner le développement de la diversification végétale. »