Rémi Cristoforetti, directeur de Le Gouessant - « Retrouver du bon sens opérationnel »
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Énergie, réduction des phytosanitaires, préservation des filières d’élevage, diversification… dans un contexte chahuté, Rémi Cristoforetti, directeur général de Le Gouessant, livre à Référence agro les orientations de la coopérative bretonne, teintées de bon sens.
Référence agro : Quelle est la situation de la coopérative sur l’énergie ?
Rémi Cristoforetti : Sur l’énergie, la hausse de nos coûts est colossale. Le groupe consolidé payait en 2021 une facture d’électricité de deux millions d’euros. Elle est déjà passée à 4 M€ en 2022 et devrait s’établir entre 10 et 15 M€ en 2023. Nous avions déjà la culture de l’optimisation des dépenses, mais le virage à prendre est brutal. Toutefois, c’est le sens de l’histoire. Il nous oblige à réfléchir à des modalités différentes et retrouver du bon sens opérationnel. Par exemple, en alimentation animale, nous allons essayer de réduire le séchage des grains.
Mais nous sommes inquiets pour nos partenaires. Certaines structures, moins solides qu’une coopérative comme la nôtre, vont souffrir. Je pense notamment à celles dédiées à l’activité de charcuterie. Si elles vont mal, cela va peser sur notre activité. Nous devons nous poser la question de leur accompagnement. L’attention doit être portée sur toute la filière.
Le climat, l’énergie, les pesticides étaient déjà à l’agenda de la coopérative. Mais la brutalité avec laquelle certains sujets sont arrivés pose réellement problème.
R.A. : Justement, comment abordez-vous le dossier des pesticides et de l’accompagnement des exploitants ?
R.C. : Nous devons réduire l’usage des intrants, nous le savons. Or, la réglementation sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires nous a mis face à un choix cornélien car nous avions toujours fait de l’accompagnement. De manière rationnelle, nous avons choisi de continuer la vente de produits mais en développant un positionnement pour accompagner nos agriculteurs dans la baisse des intrants.
Il y a un an, nous avons décidé de changer le nom de notre branche « agrofourniture » en « productions végétales », chapotée par Guillaume Prioult. Cette dénomination montre davantage notre volonté de nous impliquer dans ce domaine, alors que nous sommes très marqués par les productions animales. L’occasion aussi de sensibiliser les agriculteurs à la réduction des intrants. Nous développons une politique de services comme les outils d’aide à la décision, les bilans azotés et culturaux, etc.
Nous avons également rapproché les équipes bio et conventionnelles en productions végétales. Un même technico-commercial sera désormais l’interlocuteur unique pour les deux types d’agriculture. Une vingtaine de TC accompagne les exploitants.
R.A. : Comment se portent vos productions animales ?
R.C. : Nous sommes très inquiets des abandons de fermes. Notre enjeu est de protéger les filières animales et de leur donner de la valeur. Nous avons lancé la gamme Physior, une troisième voie haut de gamme qui s’inscrit entre la production conventionnelle et bio, mais avec un axe fort sur le bien-être animal. Nous avons recruté des éleveurs au Space. Trois exploitations adhérentes sont engagées sur ce modèle aujourd’hui. Pour aller plus loin dans les pratiques, nous avons inauguré en juillet à Plestan dans les Côtes d’Armor, un site pilote 100 % Physior en élevage porcin. Il a nécessité un investissement de six millions d’euros.
De manière globale, nous voulons promouvoir le continuum entre les productions animales et végétales, ainsi que des agricultures plurielles et durables. Les débouchés des cultures étaient historiquement axés sur l’alimentation animale. Avec notre usine d’ingrédients à Noyal-sur-Vilaine, nous nous engageons dans l’alimentation humaine. Une nouvelle page de notre histoire à écrire !
Chiffres clés 2021
- CA de 657 M€
dont 22,9M€ de CA pour l’activité Productions végétales
- 207 000 tonnes de céréales collectées
- 4500 adhérents
- 850 collaborateurs
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