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Une rentrée sous tensions pour LCA et FNA

Le | Cooperatives-negoces

Si l’été fut caniculaire, la rentrée s’annonce brûlante pour le secteur agricole tant le nombre de points de tension reste nombreux. Récolte d’automne en fort recul, crispation autour de l’irrigation, inflation à venir, coût de l’énergie, disponibilité en engrais, mission parlementaire sur la séparation conseil/vente… Le point avec Dominique Chargé, président de LCA et François Gibon, délégué général de la FNA.

Une rentrée sous tensions pour LCA et FNA
Une rentrée sous tensions pour LCA et FNA

Agriculteurs, coopérateurs et négociants ont des métiers qui demandent résilience et détermination. S’adapter aux aléas, ils y sont habitués. Mais force est de constater que ces derniers mois, les points de tension s’accumulent. « Après un été sec ponctué d’épisodes caniculaires à répétition, l’incidence sur les prairies, les maïs et les tournesols risque d’être très importante, constate Dominique Chargé, président de La coopération agricole (LCA). Les restrictions et interdictions d’utilisation des ressources en eau ont conduit à des situations parfois ubuesques. Il est urgent de conduire une réflexion, avec l’ensemble des usagers, sur le stockage, la rationalisation et l’utilisation de l’eau. »

En céréales, un optimisme relatif

Pour les céréales, le contexte est plutôt favorable, « même s’il reste très hétérogène selon les régions, précise Dominique Chargé. Si les volumes et les prix sont corrects pour la récolte 2022, le niveau des charges pour les prochains semis inquiète, avec une réelle incertitude sur les coûts de production. En premier lieu, le prix de l’énergie, du gaz, du fuel et des intrants, notamment des engrais. » Pour ces derniers, « plus que le prix, c’est la disponibilité des produits, à commencer par l’azote, qui reste compliquée », confirme François Gibon, délégué général de la Fédération du négoce agricole (FNA). Il n’existe aucune visibilité pour les semaines et mois à venir, avec un impact possible sur les emblavements du printemps. Le manque de fourrage risque aussi de mettre à mal les filières élevages même si le prix du lait et de la viande est pour l’heure en hausse.

Quels impacts du taux €/$ sous le seuil de 1 ?

La forte volatilité des marchés pose aussi question. « Les regards se tournent vers la mer Noire et sa capacité, ou non, à libérer des volumes pour l’export », poursuit François Gibon. Le renversement de l’équilibre €/$ devrait, lui aussi, générer de nombreux effets, difficiles à mesurer aujourd’hui. Parmi eux, la capacité de la France à importer (de l’énergie, des protéines…), le renchérissement des taux d’intérêt… C’est tout le système économique de la France - basé sur une abondance des matières premières, sur une fluidité des échanges - qui pourrait être réajusté.

Difficiles négociations avec la grande distribution

Sur le plan des relations commerciales, Dominique Chargé reconnaît « être toujours devant un mur. Nous sommes dans l’incapacité de faire passer les hausses à la grande distribution. Cela fait cinq mois que les coopératives font le tampon entre l’amont et l’aval : une situation qui tend encore un peu plus les trésoreries. L’inflation alimentaire française est l’une des plus basses d’Europe. Il est inconcevable que l’alimentation reste la variable d’ajustement des dépenses des ménages. Les états d’esprit doivent changer car nous perdons du temps pour atteindre la souveraineté alimentaire à l’échelle de notre pays. Le tout, en fragilisant nos entreprises coopératives. »

Aucune date actée pour la mission parlementaire sur la séparation conseil/vente

Quant au dossier de la séparation du conseil et de la vente des phytos, une mission parlementaire devait être programmée « après l’été ». Pour l’heure, aucune date n’est calée. LCA et FNA continuent d’échanger avec le gouvernement. Pour Dominique Chargé, « il est important de trouver un dispositif d’accompagnement adéquat des agriculteurs afin d’œuvrer à la transition agroécologique, sans pénaliser les exploitants. Ces derniers n’ont, à mon sens, pas encore conscience qu’ils sont le maillon le plus exposé dans ce dossier. »

Le rythme des consolidations entre entreprises devrait se poursuivre

Et le moral des coopératives et négoces ? « Il est directement lié à celui des agriculteurs, mitigé, avec de grandes disparités selon les régions, les productions et les stratégies mises en place », constate Dominique Chargé. Il estime « que le rythme des consolidations entre entreprises devrait se poursuivre. Pour une raison simple : les structures vont devoir faire face à des niveaux de risque (climatique, sanitaire, économique, logistique…) de plus en plus importants. À plusieurs, la capacité d’absorption de ce risque est plus grande. »