Séparation conseil/vente et CEPP : corriger les « effets de bord »
Le | Cooperatives-negoces
Le 23 février, la mission d’évaluation de la loi Egalim a présenté son rapport devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Parmi les 23 recommandations formulées, deux sont liées à la séparation du conseil et de la vente, et aux CEPP. Des « effets de bord » repérés, à corriger rapidement pour atteindre les objectifs fixés par cette loi, notamment en termes de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. Des propositions saluées par la FNA et La Coopération agricole.
Si l’un des objectifs de la loi Egalim, via la mise en place de la séparation du conseil et de la vente, est de « délivrer à tous les agriculteurs un conseil (stratégique et spécifique) de qualité pour réduire l’usage et l’impact des produits phytopharmaceutiques, et participer, au déploiement des principes de la protection intégrée des cultures », dans les faits les quatre co-rapporteurs (1) ayant évalué cette loi notent « plusieurs effets de bord », un peu plus d’un an après sa mise en œuvre.
Des zones d’ombre à éclaircir
Parmi eux : un délai trop court de mise en œuvre, inadapté aux réalités du terrain, un affaiblissement du rôle des coopératives et négoces dans le suivi des agriculteurs, certains décrets dont l’application pose problème ou encore, une possible remise en cause de la gestion de filières vertueuses, de la certification HVE, voire même de l’agriculture biologique. « Cela nous semble capital que la mission d’évaluation ait pointé du doigt ces zones d’ombre », commente Dominique Chargé, président de La coopération agricole. Ces travaux vont dans le sens de ceux de la mission d’information sur le secteur coopératif dévoilés le 16 février. Les deux rapports convergent sur la nécessité de mener, après l’été, une mission parlementaire dédiée au dossier de la séparation du conseil et de la vente.
Suivi de la HVE assimilé à du conseil stratégique
Concernant la HVE, les rapporteurs notent que les services du ministère de l’Agriculture ont, à plusieurs reprises, assimilé le suivi des agriculteurs engagés dans cette certification à du conseil stratégique. Un biais qui, selon eux, mériterait d’être corrigé, sous peine de voir uniquement les entreprises ayant opté pour le conseil (2) prendre part au déploiement de la HVE dans les exploitations. Tout en précisant que « l’insécurité juridique engendrée par cette interprétation perturbe les opérateurs déjà engagés, agriculteurs et organismes stockeurs ainsi que leurs partenaires de l’aval. »
Quid du déploiement du biocontrôle ?
Autre remarque formulée dans ce rapport : la réforme actuelle contrarierait également le développement du biocontrôle car les solutions combinatoires, associant biocontrôle et produits de synthèse, ne pourraient pas être promues par les opérateurs ayant choisi la vente, alors que ces mêmes entreprises sont tenues d’en assurer le déploiement. Pour François Gibon, délégué général de la FNA, « cette ambiguïté crée effectivement un flou sur le terrain et affaiblit le rôle que les négoces peuvent jouer dans le déploiement des solutions de biocontrôle auprès de leurs clients. Ouvrir le débat pour lever ces points de blocage constitue un point très positif. Cela devrait permettre à tous les acteurs impliqués d’évoluer dans un cadre plus serein. »
Les agriculteurs, en manque de conseils
Les professionnels interrogés constatent, de manière générale, « un affaiblissement des conseils pratiques aux agriculteurs, sans qu’ils n’aient encore accès à un vrai conseil stratégique. » Pour répondre sur ce point, le ministère de l’Agriculture, consulté également par les rapporteurs, estime que « le nombre d’entreprises choisissant ou débutant une activité de conseil à l’utilisation des produits phytos est en hausse ». Un point qui reste pourtant difficile à quantifier. D’où la proposition 22 des rapporteurs : « s’assurer que l’offre de conseil se développe correctement pour ne pas priver les agriculteurs français d’un accompagnement indispensable, en particulier quand ils s’engagent dans une transition agronomique. »
Un bilan timide pour les CEPP
Quant au bilan de la réforme du dispositif des CEPP, il est jugé « timide » par les rapporteurs. Si le potentiel de ce dispositif, tant pour l’émergence des solutions et approches alternatives aux produits phytosanitaires que pour leur diffusion auprès des utilisateurs, est jugé réel, les auteurs du document soulignent qu’il « mérite que l’on travaille à optimiser ses résultats. » Tout en ajoutant, « son fonctionnement reposant sur une forme de conseil, il est indispensable d’associer ces travaux à ceux que les rapporteurs recommandent à propos de la séparation du conseil et de la vente. » Les échanges sur ce dossier devraient reprendre une fois la nouvelle mandature en place.
(1) Grégory Besson-Moreau, Jean-Baptiste Moreau, Jérôme Nury et Dominique Potier.
(2) Référence agro en a repéré trois : Euralis, Limagrain et Caudeval.