Loi énergies renouvelables, la commission mixte paritaire a retouché les mesures liées à l’agrivoltaïsme
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La commission mixte paritaire a fait évoluer des articles de la loi d’accélération des énergies renouvelables, concernant l’agrivoltaïsme. Alors que certaines modifications du texte interrogent les acteurs de cette jeune filière, l’Assemblée a validée cette version le 31 janvier. Le Sénat doit suivre le 7 février.
« L’agrivoltaïsme bénéficie de sa définition dans la loi, qui en fait clairement un outil au service de l’agriculture. C’est le meilleur moyen d’inciter les exploitants à s’emparer de ce dossier. » Antoine Nogier, président de France agrivoltaïsme, manifeste son enthousiasme, alors que la loi d’accélération des énergies renouvelables, AER, a encore avancé dans son parcours législatif cette semaine. Le 31 janvier, l’Assemblée nationale a donné son feu vert pour la version du texte issue de la commission mixte paritaire, CMP, qui avait elle-même abouti le 24 janvier.
Pas besoin de panneaux sur les toits
Cette version du texte pose donc un cadre pour l’agrivoltaïsme. Et, à la satisfaction des acteurs de la filière, la CMP a supprimé une mesure unanimement critiquée : l’obligation, pour les porteurs de projet, de justifier d’un minimum de panneaux installés sur les toits de l’exploitation, avant d’équiper leurs parcelles. « L’agrivoltaïsme, ce n’est pas une nuisance qu’il faut compenser ! réagit Antoine Nogier. C’est une pratique bénéfique, pourquoi y mettre une condition ? » Pour Quentin Hans, chargé de développement de la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA), cette suppression est également « évidemment positive ». Il note aussi que la loi impose que cette pratique n’ait pas d’impact négatif sur « le foncier et les prix agricoles », tout en entretenant l’éligibilité des parcelles concernées aux aides européennes, en particulier la Pac.
Panneaux au sol et agrivoltaïsme, deux modes d’emploi
Plus mitigé est l’accueil réservé au rôle des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Cette instance départementale, dans laquelle la profession agricole est représentée, notamment par les chambres, devra donner un avis « conforme » pour tout projet d’agrivoltaïsme. Autrement dit, elle pourra, en s’y opposant, bloquer sa concrétisation. La CDPENAF sera également consultée pour les projets de panneaux photovoltaïques au sol. Dans ce cas, il n’est plus question de terres productives, l’énergie devient l’objectif principal. Mais dans ce cas, l’avis de la CDPENAF ne sera pas bloquant.
Ainsi énoncé, la loi semble plus contraignante pour l’agrivoltaïsme, sensé optimiser la production agricole, que pour les panneaux au sol, qui entérinent la vocation non-nourricière d’une parcelle. Si le législateur a fait ce choix, c’est qu’il compte en fait baliser le photovoltaïque en amont de la CDPENAF, en demandant aux chambres d’agriculture d’établir une cartographie des parcelles éligibles à cette pratique. Et, Sébastien Windsor l’a bien expliqué lors de ses vœux, début janvier, les chambres ont à cœur de n’hypothéquer des terres agricoles que dans les cas extrêmes, par exemple les terres polluées, ou non exploitées depuis longtemps (voir encadré).
Trop de pouvoir pour les CDPENAF ?
Malgré ce garde-fou, le secteur se montre circonspect, estimant que la loi rend l’agrivoltaïsme moins facile à mettre en place que les panneaux aux sols, en termes administratifs. « Nous aurions préféré que la CDPENAF soit consultée pour un avis « simple » dans les deux cas, pose Quentin Hans. D’autant que les délibérations de cette instance ne sont pas publiques, et n’ont pas à être motivées. Les porteurs vont construire des dossiers de 600 pages qui seront étudiés en quelques minutes, ce qui est susceptible de laisser place à des recours en cas de litiges. » Antoine Nogier rebondit : « La CDPENAF sera seule juge, cela centralise beaucoup de pouvoir. Cela facilite l’action des lobbies, par exemple. J’aurais vu un meilleur équilibre à ce que les maires soient consultés aussi. »
Le Sénat doit à son tour valider définitivement le texte, le 7 février. Ensuite, c’est toute la jeune filière agrivoltaïsme qui attendra la parution des décrets d’application. En espérant qu’elle ne tarde pas, car selon Quentin Hans, les directions départementales des territoires (DDT) et préfectures ont tendance à temporiser, depuis quelques semaines, dans le traitement des dossiers. « Le droit actuel doit s’appliquer ! insiste-t-il. Si on attend la parution des décrets, sans que rien ne se passe, tous les projets en cours prennent du retard. »
(1) La CDPENAF compte des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des professions agricoles et forestières, de la chambre d’agriculture départementale, d’une association locale affiliée à un organisme national à vocation agricole et rurale, des propriétaires fonciers, des notaires, des associations agréées de protection de l’environnement, de la fédération départementale des chasseurs et de l’INAO
Flou sur l’un des critères du photovoltaïque au sol
À partir de combien d’année sans être exploitée une parcelle devient-elle éligible à un projet de panneaux solaires au sol ? Une version précédente du texte établissait cette durée à « au moins dix ans ». Or, la CMP a supprimé cette mention, indiquant que celle-ci devrait être reprécisée par décret. Pour le secteur, la crainte est que cette durée soit revue à la baisse, permettant à des agriculteurs de « créer » de nouvelles friches en arrêtant délibérément de produire sur des terres pourtant fertiles, pendant quelques années, afin de les rendre éligibles.