Méthanisation, le flux de projets parti pour s’arrêter net en 2024
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Plus aucun projet de méthanisation dans un an ? C’est le pronostic formulé par l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), le 14 février lors d’un point presse. En cause : les tarifs de rachat de l’énergie, revus à la baisse, qui handicapent les porteurs de projets.
L’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) ne veut pas tomber dans l’alarmisme, mais elle prévient : dans les conditions actuelles, la filière méthanisation pourrait purement et simplement arrêter de se développer en 2024. Au cœur du problème : les tarifs de rachat de l’énergie, revus à la baisse en 2020. Les porteurs de projets avaient alors trois ans pour continuer de profiter des tarifs précédents, fixés en 2011. Le contexte de crise sanitaire avait incité à ajouter 18 mois de délai de plus. Le calcul est simple : les nouveaux tarifs s’appliqueront pour les projets qui aboutiront à partir de 2024, et avec eux, la rentabilité se dégrade.
Une poignée de projets actuellement en développement
« Le nombre de projets initiés a été divisé par quatre entre 2019 et 2022, précise Mauritz Quaak, vice président de l’AAMF, lors d’un point presse organisé le 14 février. Les dossiers actuellement en cours, qui aboutiraient donc à parti de 2024, se comptent sur les doigts d’une main. » La filière a, par ailleurs, plusieurs autres épines dans le pied. Les charges de fonctionnement des unités suivent l’inflation, notamment l’électricité. Les évolutions du cadre prévu pour les installations classées pour l’environnement (ICPE) induisent également des investissements importants pour les méthaniseurs. Autre menace : l’entrée en application de la directive Red II, imposant de justifier d’un bilan carbone « minimum » pour certaines catégories d’unité, d’ici à juillet 2023.
Des décideurs politiques peu réactifs, selon l’AAMF
Une accumulation dont les décideurs politiques perçoivent mal la portée, selon Mauritz Quaak. « Nous avons le sentiment d’une méconnaissance de nos enjeux, déplore-t-il. Il y a parfois cette impression, chez les politiques, que les méthaniseurs sont trop aidés par les pouvoirs publics. » C’est notamment cette perception qui cause le retard de la méthodologie « méthanisation » du Label bas-carbone. « Pourtant, dans la tendance actuelle, même en tenant compte des soutiens dont nous bénéficions, le biogaz de nos unités revient à moins cher que le gaz russe, souligne Mauritz Quaak. C’est donc un soutien utile, bien investi du point de vue de la souveraineté énergétique française. »
Loi AER, une occasion ratée
L’AAMF continue donc son travail de sensibilisation des politiques, avec pour priorité la revue à la hausse des tarifs. La loi d’accélération des énergies renouvelables, AER, adoptée récemment, aurait pu être une bonne occasion d’avancer sur ce dossier. « Malheureusement, les seules mesures nous concernant touchent au calendrier des recours contre un projet, déplore Mauritz Quaak. Elles vont dans le bon sens, mais l’acceptabilité, qui était le principal frein exprimé par les porteurs de projet il y a encore deux ans, passe aujourd’hui très loin derrière l’aspect économique. »
Forte de 1600 unités, la France pourraient facilement doubler ce chiffre à horizon 2030, selon les estimation de l’AAMF… à condition de maintenir un cadre économique et réglementaire comparable à celui des années 2010.