Affichage environnemental, contre-attaques et coming-out suite au report de la Commission européenne
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Le report du projet de directive sur les allégations environnementales, Green Claims, par la Commission européenne, fait réagir. Les communiqués et prises de position se multiplient pour saluer ce renvoi et demander à l’Europe de retravailler sa méthode, qui doit poser un cadre pour l’affichage environnemental. En France, une lettre ouverte vient d’être envoyée à la Première Ministre.
« Étiquette environnementale : ne nous trompons pas de méthode », « La méthodologie de l’UE n’est pas mûre », « Barrage sur l’ACV »… Le report à 2023 de la publication du projet de directive de la Commission européenne pour préfigurer le futur encadrement des allégations environnementales, dont l’affichage environnemental est l’un des axes, n’en finit plus de faire réagir. Tribune d’ONG dans l’Obs, billet du président de Que-Choisir, lettre ouverte des collectifs d’étudiants et jeunes diplômés des Grandes écoles et de Science Po… Entre contre-attaques et coming-out, toutes les opinions convergent actuellement pour confirmer l’intérêt de ce report.
Un rebond décisif pour l’affichage environnemental ?
Benoit Verzat, consultant ACV ayant travaillé pour l’Ademe et qui a contribué à l’élaboration de plusieurs référentiels méthodologiques français et européens, écrit par exemple sur Linkedin le 9 décembre : « J’ai réalisé plus de 60 ACV, mené des projets d’éco-conception, coordonné l’élaboration de référentiels méthodologiques pour l’affichage environnemental… et j’ai changé d’avis. Généraliser l’affichage environnemental de produits s’appuyant uniquement sur des résultats d’ACV n’est ni efficace ni souhaitable […] l’ACV se révèle totalement inadaptée pour aborder la notion de sobriété. » Le report de la Commission européenne sera-t-il un déclic pour l’affichage ? « Ce report, s’il n’est pas souhaitable pour certains secteurs industriels, l’était hautement pour les produits agricoles. Car loin de lutter contre le greenwashing, ce qui était la volonté initiale de ce projet de texte, l’outil de mesure que le projet de directive mettait en avant est maintenant connu pour le favoriser sur les produits alimentaires et les textiles », écrit le collectif du Planet-Score dans un communiqué diffusé le 6 décembre.
Dans ce contexte, le collectif a envoyé le 12 décembre une lettre ouverte à la Première Ministre. S’appuyant sur la loi Résilience et Climat, les auteurs souhaitent « que les cinq années prévues par la Loi en 2021 continuent à être mobilisées pour identifier et affiner les solutions adaptées, […] que cela permette de calibrer l’outil d’information environnementale qui aide le mieux, réellement, les secteurs agroalimentaires et textiles, dans la poursuite de la transition qui est déjà engagée par nombre d’acteurs. » Une première version de la méthodologie française doit être proposée par l’Ademe en 2023 pour établir le cadre législatif en 2024.
Une opposition déjà vive
Le projet de texte s’était heurté à de vives oppositions de la part de la société civile et d’entreprises engagées dans l’affichage environnemental notamment. L’outil de calcul promu par la Commission européenne, le PEF, basé sur l’analyse de cycle de vie, avait été pris en flagrant délit de greenwashing cet été dans la filière textile. D’autres illustrations ont émergé dans le cadre de l’expérimentation française récente entre un vêtement de fast-fashion produit avec du pétrole, puis importé, et un habit en lin produit en France, par exemple. « L’ACV nous répond que c’est le premier qui est le meilleur pour l’environnement, et de très loin, explique Sabine Bonnot, porte-parole du collectif Planet-Score. Le problème est identique pour les produits alimentaires, par exemple entre une tomate importée et produite hors sol sous serre froide, par rapport à des tomates plein champ locales : l’ACV répond qu’il vaut mieux importer la tomate intensive. »
D’autres méthodes séduisent
« Le refus du débat sur la vision est peu fécond, et une comptabilité ACV sans boussole ne nous mènera pas sur les chemins de la transition écologique, continue Sabine Bonnot. Défendre ce cadre seul, envers et contre toute logique écologique, à rebours des politiques publiques environnementales en lien avec l’agriculture, est une inquiétante manière d’occulter les réalités et les enjeux. L’ACV est un outil d’optimisation industrielle, pas un outil d’évaluation environnementale des produits agricoles. C’est encore moins un outil d’information consommateurs, car il est aveugle aux limites planétaires qui est le cadre scientifique qui doit au premier titre guider nos actions aujourd’hui. » Une parole qui suscite elle aussi de nombreuses réactions, positives cette fois-ci : le 5 décembre, Ecotone, leader européen du bio et du végétal, annonce déployer le Planet-score sur ses produits dès début 2023, soit 200 références à destination de la GMS et des réseaux spécialisés, sur des marques bien connues comme Alter Eco ou Bjorg Bonneterre.