Agrivoltaïsme, plongée dans les rouages d’une filière en plein essor
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Encore embryonnaire à ce stade, la filière agrivoltaïsme se développe très rapidement. Deux associations de moins de 18 mois coexistent et contribuent déjà aux débats politiques du moment, derrière deux visions différentes de ce que pourrait être l’agrivoltaïsme.
Au cœur de débats politiques cet automne, l’agrivoltaïsme est en pleine ébullition. C’est tout un secteur qui attend avec impatience que le législateur inscrive une définition de ce concept dans la loi, pour que commence réellement l’essor concret de cette pratique visant à concilier productions agricole et énergétique sur un même espace. Si, à cette heure, l’absence de définition officielle complique un recensement des projets en bonne et due forme, l’agrivoltaïsme semble rester un concept essentiellement expérimental pour le moment. Interrogés sur le sujet, les acteurs de ce secteur restent en effet évasifs quant aux hectares actuellement en fonctionnement.
Plusieurs milliers d’hectares de projets d’agrivoltaïsme
Chargée de ce dossier chez Engie Green, Aline Chapulliot rappelle que si « la R&D du secteur est au travail depuis dix ans autour d’Inrae et de quelques acteurs pionniers, une réelle dynamique n’est perceptible que depuis deux ans, alors qu’il en faut quatre pour concrétiser un projet ». De son côté, Quentin Hans, chargé de développement pour la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA), estime que plusieurs milliers d’hectares seraient « en développement ». La déléguée générale de France Agrivoltaïsme, Stéphanie-Anne Pinet, rappelle que l’Ademe en a recensé près de 120 dans une récente étude, mais que d’autres ont vu le jour depuis. Un observatoire du secteur est d’ailleurs en cours de création par l’Ademe, Chambres d’agriculture de France et Inrae pour recenser ces projets. Les contours de ce secteur sont donc bien en train de se dessiner. Le développement très rapide de la FFPA et de France agrivoltaïsme en témoigne
La Programmation pluriannuelle de l’énergie fixe un objectif de 35 à 44 GW produits par le solaire/photovoltaïque en 2028. Pour y parvenir uniquement avec l’agrivoltaïsme, c’est à dire en considérant qu’il n’y aurait pas de panneaux sur les zones artificialisée (toits, parkings, etc.), 0,5 % de la SAU suffirait.
La FFPA se méfie d’un cadre trop restrictif
Créée en décembre 2021, la FFPA revendique 50 membres, « contre dix en mai dernier », commente Quentin Hans. Parmi eux, on trouve une trentaine de collectifs d’exploitants, dix installateurs, un cabinet de concertation, une structure de financement participatif, la Chambre d’agriculture et le Crédit agricole de Nouvelle-Aquitaine. La FFPA estime que ses adhérents fédèrent environ mille agriculteurs au total - dont le président de FFPA et ses trois vice-présidents. « Nous estimons que le cadre actuel permet déjà de développer des projets qui respectent un état de l’art rigoureux et d’apporter des solutions face aux aléas climatiques, aux problèmes de revenu et de transmission, explique Quaentin Hans. Si le cadre législatif à venir est évidemment le bienvenu, nous souhaitons qu’il soit suffisamment large pour permettre l’adaptabilité des projets agrivoltaïques en fonction des projets agricoles, des agriculteurs et des territoires. » La FFPA s’érige contre un cadre trop restrictif, qui selon Quentin Hans, « ne permettrait pas à l’agrivoltaïsme d’être exploité à son plein potentiel ».
France Agrivoltaïsme prône un déploiement encadré et raisonné
Lancée en juin 2021, France Agrivoltaïsme compte près de 80 adhérents, « contre 20 il y a 10 mois et plus de 10 000 affiliés au travers notamment des chambres d’agriculture et de coopératives agricoles », souligne Stéphanie-Anne Pinet. L’association revendique cinq collèges, garants selon elle de la représentativité de la diversité du secteur. « Nos commissions travaillent sur des questions de réglementation, d’acceptabilité sociale et environnementale, de spéculation foncière, de transmission des exploitations… Nous avons largement contribué à la création du premier label agrivoltaïque sur culture et à sa déclinaison en cours pour l’élevage par l’Afnor », détaille la déléguée générale. France Agrivoltaïsme affirme défendre des projets de taille raisonnée, « apportant un service direct à la production agricole pour en faciliter l’acceptabilité et bénéficier au plus grand nombre d’agriculteurs » Pour ce faire, la structure préconise un cadre réglementaire « souple et protecteur pour l’agriculture ». Une vision dans laquelle se retrouve La Coopération agricole, adhérente de France agrivoltaïsme (voir encadré).
Unanimité sur le rôle central de la production agricole
Malgré des positions assez distinctes, FFPA et France agrivoltaïsme se disent dans la co-construction et se retrouvent sur la nécessité de placer l’agriculteur au cœur des projets agrivoltaïques. « La pérennité de l’activité agricole doit être garantie, surtout quand on tient compte de la pyramide des âges du secteur, précise Quentin Hans. Potentiellement, beaucoup de projets continueront après la retraite des exploitants qui les auront lancés. Le projet agricole et sa transmission doivent donc être au centre du jeu. » C’est notamment ici que les politiques sont attendus par l’ensemble des acteurs agricoles, unanimes sur ce point-là au moins : les panneaux photovoltaïques ne doivent pas entamer le potentiel de production agricole et même, idéalement, le stimuler.
« Un premier état des lieux pour début 2023 », Virginie Charrier, La coopération agricole
« Nous sommes très sollicités, que ce soit par les installateurs ou les coopératives, note Virginie Charrier, chargée du dossier énergie à LCA. À la demande des coopératives, nous avons créé un groupe sur le photovoltaïque il y a deux ans. Il compte une quarantaine de coopératives. C’est deux fois plus qu’au départ. » LCA a déjà rencontré une dizaine de développeurs pour recenser les technologies actuellement déployables et espère pouvoir formaliser un état des lieux entre fin 2022 et début 2023, afin de le partager à l’ensemble des coopératives.