Chambres d’agriculture France dévoile le dispositif du futur conseil climat
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L’expérimentation d’un conseil climat individualisé pour chaque exploitant débutera au printemps. Le président de Chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor, évoque un changement de paradigme pour les conseillers, et le défi d’une bonne articulation des acteurs à l’échelle des territoires. Entretien exclusif.
Référence agro : Quelle est la genèse de cette démarche de conseil climat ?
Sébastien Windsor : C’est une idée qui vient du terrain. Nous avons pris pour base de travail un projet mené par la Chambre d’agriculture du Gard, mais d’autres chambres ont remonté la même inquiétude, celle d’impacts croissants des changements climatiques, et la même envie de mieux accompagner les agriculteurs sur cet enjeu. Lors de la préparation du Varenne de l’eau, nos échanges avec Julien Denormandie, alors ministre de l’Agriculture, voulait mettre l’accent sur les systèmes d’assurance. C’est aussi en lui répondant que les indemnisations ne permettaient pas de pérenniser l’activité agricole que nous avons saisi l’importance d’être proactif.
Quel est le calendrier de lancement de cette expérimentation ?
S.W. : L’objectif est d’être prêt à communiquer pour le Salon de l’agriculture. La direction générale de l’enseignement et de la recherche étudie actuellement notre proposition, notamment sa solidité du point de vue scientifique et méthodologique. Nous aurons leur retour le 8 février, et réuniront les parties prenantes dans la foulée. C’est-à-dire, en plus de Chambres d’agriculture France : La Coopération agricole (LCA), Trame, l’enseignement agricole et l’Acta. Concrètement, nous attendons la validation du déblocage des fonds du Casdar, nous lancerons les actions en région, avec l’ambition d’être opérationnel dès le printemps. Pour la fin 2023, nous espérons que 10 000 agriculteurs aient bénéficié de la première étape du conseil, la sensibilisation ; 1050 au stade suivant, celui du diagnostic ; et 350 au dernier niveau, dans la concrétisation d’un plan d’action. Dans le même temps, 1600 conseillers des différents réseaux impliqués seront sensibilisés, et 300 pleinement formé à ce conseil.
Sur le terrain, quelle est la répartition des rôles ?
S.W. : Notre rôle est de créer des outils, une méthode, et d’assurer un lien avec les autres acteurs, car nous avons besoin de complémentarité, la tâche est conséquente. Au moment d’aboutir à un plan d’action, en particulier, il est essentiel que les chambres, les filières et les collecteurs soient raccord. Si nous suggérons d’implanter du lin à un agriculteur, alors que l’institut technique le déconseille, ou que la coopérative n’a pas la logistique pour, on perd du temps et de l’énergie. L’expérimentation que nous lançons ne vise pas qu’à éprouver le conseil, il doit éclairer aussi ces aspects d’articulation collective au niveau territorial. J’insiste : c’est clairement à cet échelon qu’il faut réussir à collaborer.
Au niveau des chambres, comment comptez-vous vous organiser ?
S.W. : Le défi est de former nos conseillers. Le changement de paradigme vaut aussi pour eux ! Ce conseil draine une approche globale de l’exploitation, plus complexe et davantage dans la logique du sur mesure que du prêt-à-porter. Car l’idée n’est pas juste d’apprendre à mener ce conseil, mais bien de l’articuler avec ce qui existe. Par exemple, le Bon diagnostic carbone, ou l’accompagnement pour la rénovation des bâtiments, font partie du bagage actuel des conseillers. Il faut y puiser les éléments qui peuvent alimenter le conseil climat. Dans son expérimentation d’un tel conseil, la Chambre d’agriculture du Gard aboutit à un avertissement : ne pas créer un nouvel outil déconnecté du reste.
En termes économiques, comment va s’articuler ce conseil climat, dans sa phase d’expérimentation, mais aussi après ?
S.W. : L’expérimentation du conseil, pour sa partie la plus opérationnelle doit mobiliser 2,8 M€ (sur les 6 M€ annoncés par le ministère de l’Agriculture, ndlr). Les fonds restant devront notamment permettre aux lycées agricoles de créer des démonstrateurs sur leurs exploitations. Il est trop tôt pour estimer le prix de ce conseil quand la phase expérimentale aura abouti. Ce conseil ne peut être gratuit, il a une certaine valeur et il faudra donc trouver des moyens significatifs pour le pérenniser. L’expérimentation doit nous révéler aussi comment orienter les agriculteurs vers les guichets permettant de financer leurs actions, aux niveaux européen, national, régional et plus local. Gare à ne pas abandonner les agriculteurs après avoir construit le plan d’action, sans les moyens de l’appliquer !
Est-il envisageable d’appliquer ce conseil à tous les agriculteurs, voire de le rendre obligatoire ?
S.W. : L’objectif étant d’accompagner 10 000 agriculteurs par an, en routine, il serait difficile d’embarquer toute la ferme France. L’idée est plutôt de partir sur du volontariat. Les seuls qui pourraient être astreints à ce dispositif sont les jeunes agriculteurs. Les jeunes, et ceux qui arrivent d’autres secteurs, doivent avoir un projet qui prend en compte le changement climatique. Nous pensons que la loi d’avenir et d’orientation agricole en préparation peut être une belle occasion de sensibiliser. Après, pour générer une adhésion, des incitations sont possibles. Par exemple, réduire le prix des assurances récoltes, ou flécher prioritairement les aides à l’investissement vers les exploitations ayant suivi ce conseil.