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Écophyto, 26 recommandations « pour éviter de perdre dix ans de plus »

Le | Politique

Après quatre mois et demi de travail, la commission d’enquête parlementaire sur l’échec des plans Écophyto livre son verdict, présenté le 14 décembre à la presse par son rapporteur Dominique Potier. Les propositions, au nombre de 26, concernent l’ensemble du paysage politique lié aux pesticides, dépassant assez largement le seul cadre d’Écophyto.

Les députés Dominique Potier et Frédéric Descroizaille, respectivement rapporteur et président de la - © D.R.
Les députés Dominique Potier et Frédéric Descroizaille, respectivement rapporteur et président de la - © D.R.

De juillet à décembre 2023, la commission d’enquête parlementaire sur l’échec des plans Écophyto a auditionné, pendant une centaine d’heures, plus de 150 spécialistes et parties prenantes de ce dossier. Le 14 décembre, le rapport a été adopté par les députés commissionnaires, et ses grandes lignes présentées à la presse. Son titre : « Une décennie (presque) perdue ; les conditions de la réussite pour 2030. » Une liste de 26 recommandations est formulée dans le document.

L’ébauche d’Écophyto 2030 jugée « insuffisante »

Le rapporteur, Dominique Potier, pose : « L’enjeu principal est de rectifier la prochaine version du plan, pour éviter de perdre dix ans de plus et devoir lancer, en 2030, un Écophyto 2040. » Il se dit à la disposition du gouvernement, qui planche justement sur son Écophyto 2030. Les ministres Christophe Béchu (Transition écologique) et Marc Fesneau (Agriculture) ont manifesté leur intérêt. « J’espère que le secrétariat général à la planification écologique se penchera sur notre travail », confie-t-il à Référence agro. Selon lui, la maquette actuelle d’Écophyto 2030, actuellement en concertation, est « intéressante, mais insuffisante ».

Voir notre article : La Commission d’enquête parlementaire veut muscler la proposition du gouvernement pour Écophyto 2030 

Une moitié des recommandations dépassent Écophyto

Mais Écophyto n’est pas, pour Dominique Potier, l’alpha et l’oméga des politiques en matière de pesticides. « Une moitié de nos recommandations portent sur d’autres leviers, explique-t-il. Nous portons par exemple l’idée d’une loi dédiée à la qualité de l’air, ou de la mise en place d’un observatoire des marges et des prix pour l’amont des filières agricoles - en clair le machinisme et les firmes phyto. » Le PSN français devrait ainsi être revu dès 2024, à en croire le député de Meurthe-et-Moselle, afin de s’inscrire davantage dans une trajectoire agroécologique. Au niveau français, le rapport vise à recrédibiliser et consolider le régime d’autorisation de mise en marché des produits.

Les propositions françaises « hors Écophyto » à retenir :

- Mettre en place un plan de surveillance national des pesticides dans l’air.

- Augmenter le budget de l’Anses de 10 M€ pour faciliter l’évaluation des pesticides et des solutions de biocontrôle.

- En matière de déontologie, imposer aux industriels demandant une homologation ou AMM de déclarer l’ensemble des financements versés à des experts scientifiques.

- Lancer une mission d’information parlementaire sur la chaîne de valeur de l’agrofourniture, et intégrer l’amont agricole dans le périptère de l’observatoire des prix et des marges.

- Imposer la généralisation des ZSCE et rehausser l’exigence des plans d’actions qui y sont associés.

- Créer un mécanisme d’expropriation des terres pour les cas où « l’ensemble des autres dispositifs disponibles » ne permettrait pas de prévenir les pollutions diffuses sur les aires de captage.

Un cadre européen à remodeler

Plusieurs mesures s’inscrivent, encore plus largement, dans le paysage européen. Le rapport suggère une tolérance zéro pour les résidus de produits phytosanitaires interdits au sein de l’UE, sur les aliments importés des pays tiers. Les députés proposent que ce soit les pays européens, lorsqu’ils importent, qui effectuent les mesures et vérifications qui intègrent toutes formes de clauses miroir. L’homogénéité des politiques européennes au sein des pays tiers est également ciblée. « Nous ne l’avons pas inscrit aussi clairement dans le rapport, mais je veux insister sur le fait que nous sommes favorables à un règlement SUR « numéro 2 », qui tienne compte des échecs de la première tentative », précise enfin Dominique Potier.

Les propositions à retenir au niveau européen :

- Anticiper la révision du PSN dès 2024 pour promouvoir davantage l’agroécologie.

- Supprimer les tolérances sur les LMR de molécules interdites en UE, sur les produits importés .

- Accroître le budget de l’Efsa de 14,25 M€ pour des évaluations plus complètes et plus rapides.

- Plaider pour l’adoption de la logique de la phytopharmacovigilance post-AMM.

- Plaider en faveur d’une réglementation spécifique pour le biocontrôle, afin de faciliter l’accès des solutions au marché.

- Lancer une réflexion en vue d’une harmonisation complète du régime d’autorisations : laisser à l’UE la responsabilité d’homologuer les molécules, et y ajouter celle de donner les AMM des produits (ce dernier point étant actuellement aux mains des États membres).