La Commission d’enquête parlementaire veut muscler la proposition du gouvernement pour Écophyto 2030
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Un plan Écophyto mal piloté, négligeant l’enjeu du conseil agricole et incapable de concrétiser la massification des bonnes pratiques phytosanitaires. La commission d’enquête parlementaire sur l’échec d’Écophyto dresse un état des lieux critique sur les versions successives du plan, et livre des propositions pour rectifier le tir.
Sollicitée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, la commission d’enquête parlementaire dédiée à l’échec d’Écophyto a abouti, le 14 décembre, à un rapport adopté à 10 voix pour, 4 abstentions et 4 voix contre. Si ce dernier esquisse une longue liste de recommandations, dépassant assez nettement le cadre d’Écophyto, le cœur du document n’en porte pas moins sur l’échec des versions successives du plan (2009, 2015 et 2018). L’ambition confessée par le rapporteur de la commission, Dominique Potier, est d’influer sur la rédaction du prochain opus, Écophyto 2030, actuellement en cours de conception par le gouvernement. « Nous voulons donner du courage à Élisabeth Borne, la convaincre d’aller encore plus loin que ce que suggère la maquette actuelle du plan », détaille le député.
Le conseil agricole, « oublié ou mal pensé »
Parmi les idées à retenir, Dominique Potier inscrit dans son rapport la nécessité de revenir sur la séparation conseil-vente, véritable « accident industriel » selon lui. « L’intention était bonne, mais elle a dévitalisé le concept de CEPP, analyse-t-il. Il faut responsabiliser à nouveau les vendeurs. Et refonder totalement le conseil agricole, qui de l’avis général a été oublié ou mal pensé ces dernières années, et en définitive massivement raté. » Marc Fesneau serait convaincu du bien-fondé d’un retour sur la séparation conseil/vente, piste qui apparaît dans la version de travail d’Écophyto 2030. Dominique Potier, lui, veut clairement remettre en avant les CEPP pour responsabiliser les distributeurs, et rétablir un système de sanctions dans le dispositif.
Renforcer un CSP jugé « trop léger »
Dans le registre du conseil, toujours, le CSP est épinglé dans le rapport, et jugé par son auteur « trop léger » compte tenu des enjeux. L’idée serait de le renforcer, pour en faire « un conseil agronomique annuel global, sous l’autorité des chambres d’agriculture », dixit Dominique Potier. Le député croit, par ailleurs, en la création d’un « ordre professionnel » des conseillers, qu’il aimerait voir expérimenté, et où cohabiteraient chambres, instituts techniques et distributeurs.
En finir avec l’échec de la massification
Plus globalement, les députés de la commission d’enquête sont d’accord avec l’idée de « réparer le continuum recherche-développement ». « Le réseau Dephy doit être conforté et ses moyens maintenus, insiste Dominique Potier. En comptant les GIEE et les fermes 30 000, on n’arrive qu’à 5000 exploitations, soit six fois moins que prévu, et personne ne semble s’en alarmer. » La mission confiée à l’Ademe pour faciliter la massification des bonnes pratiques, l’une des premières mesures apparentées à Écophyto 2030 et déjà lancée, doit permettre de comprendre les blocages et de progresser.
Mieux piloter Écophyto
Enfin, une des critiques les plus vives, formulée par le rapport, concerne la gouvernance d’Écophyto. « Échec » et « indigence » du pilotage interministériel, « incurie publique »… Dominique Potier et Frédéric Descrozaille, président de la commission d’enquête, n’ont pas mâché leurs mots. « Les 71 M€ du plan s’articulent mal avec les 643 M€ consacrés à l’agroécologie », pose Frédéric Descorzaille. Deux des 26 recommandations du rapport visent à améliorer ce pilotage. La première prône une logique « comptable » des politiques publiques, intégrant davantage les coûts de réparation des externalités négatives des pesticides ; la seconde vise à adosser Écophyto à une grande loi foncière au service du renouvellement des générations, tout en portant une vision politique globale « mêlant davantage les enjeux alimentaires et agricoles ».