Évaluation des pesticides, un collectif menace le Gouvernement d’un recours au Conseil d’État
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En France, les analyses de toxicité réalisées lors de l’évaluation des pesticides ne sont pas conformes au droit européen. C’est en tout cas la posture d’un collectif qui rassemble 30 organisations et 28 députés, et qui donne au Gouvernement deux mois pour rectifier cette anomalie, sous peine d’intenter un recours au Conseil d’État.
Le collectif Secrets toxiques, rejoint pour l’occasion par 28 députés, annonce, le 5 octobre, avoir réalisé une « demande préalable » par voix d’avocat à la Première Ministre, concernant l’évaluation des produits phytosanitaires en France. Cette démarche laisse deux mois au Gouvernement pour présenter une réponse, faute de quoi les requérants se réservent le droit de saisir le Conseil d’État. L’objet du litige : un défaut de respect du droit européen au moment d’homologuer les pesticides en France, à en croire les requérants.
Évaluations non-conformes au droit européen, selon les requérants
Secrets toxiques rappelle que selon les règlements européens, l’évaluation doit démontrer que le produit n’a pas d’effet néfaste à court ou à long terme sur la santé ou l’environnement. « Or en France, dans les dossiers d’autorisation de mise sur le marché, les autorités sanitaires évaluent seulement la substance active déclarée par le fabricant, mais pas la toxicité ou la cancérogénicité à long terme des formulations complètes incluant les co-formulants dans le produit appliqué aux culutres », réagit l’avocat sollicité par Secrets toxiques, maître Guillaume Tumerelle. Secrets toxiques évoque un possible effet « cocktail » entre ces molécules et la substance active.
Le dossier des co-formulants n’est pourtant pas négligé par les autorités. En mars 2021, un règlement européen interdisait 144 substances de ce type, en raison de leur dangerosité. Une liste belle et bien prise en compte en France par l’Anses, qui avait laissé jusqu’à mars 2022 aux firmes pour déposer une demande de changement de composition pour les produits comprenant l’un de ces co-formulants.
Des processus de plus en plus challengés par les ONG
Le collectif espère que le Gouvernement répondra par un projet de modification de l’arrêté du 30 juin 2017, listant les documents nécessaires à l’ostension d’une AMM, en y ajoutant des études garantissant l’innocuité de la formule complète du produit. « Si nous n’avons aucun retour, ou bien une réponse que nous jugeons inconsistante, nous irons devant le Conseil d’État », conclut maître Tumerelle.
« Le problème est systémique, affirme François Veillerette, porte-parole de Générations futures, ONG membre de Secrets toxiques. Nous ne visons pas un produit, mais une procédure insatisfaisante, où le co-formulant est évalué hors du contexte de son utilisation. » De fait, en marge d’une mobilisation forte contre certaines molécules emblématiques (glyphosate, néonicotinoïdes, etc.), les ONG environnementales se penchent de plus en plus sur les processus d’homologation en eux-mêmes, au niveau national comme européen.