Green Deal, la Commission européenne présente son plan « Farm to fork » pour l’agriculture
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Attendu pour le 31 mars, mais repoussé en raison de la crise du Covid-19, le plan Farm to fork, volet agricole et alimentaire du Green Deal, a finalement été présenté par la Commission européenne le 20 mai 2020. Réduction de moitié de l’utilisation des pesticides, de 20 % des fertilisants ou déploiement de l’agriculture biologique font partie des objectifs principaux du texte.
Le Green Deal européen doit permettre à l’UE d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Lors de sa présentation, le 11 décembre, par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, un volet spécifique aux secteurs agricole et alimentaire avait été annoncé. Celui-ci devait être présenté à son tour le 31 mars. Entre temps, l’épidémie de Covid-19 a bouleversé les calendriers. Deux mois après la date initiale, la stratégie Farm to fork a finalement été dévoilée par la Commission européenne, le 20 mai 2020. « La crise des coronavirus a souligné l’importance d’un système alimentaire robuste et résilient. (…) Cela nous a également fait prendre conscience des interrelations entre notre santé, les écosystèmes, les chaînes d’approvisionnement, les modes de consommation et les frontières planétaires. Il est clair que nous devons faire beaucoup plus pour nous maintenir, nous et la planète en bonne santé », indique la Commission européenne dans une synthèse.
Réduire de moitié l’utilisation des pesticides
La stratégie comporte plusieurs objectifs pour la décennie à venir. En ce qui concerne l’utilisation des pesticides, l’ambition est de la diminuer de moitié d’ici à 2030. Au même horizon, le recours aux engrais serait à abaisser de 20 %. « La Commission agira pour réduire les pertes d’éléments nutritifs d’au moins 50 %, tout en assurant aucune détérioration de la fertilité du sol », est-il précisé. La résistance aux antibiotiques est également concernée par la stratégie agricole européenne. La Commission souhaite réduire de moitié les ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage et dans l’aquaculture au cours des dix prochaines années. Enfin, l’instance entend encourager le développement de l’agriculture biologique et pose ainsi comme objectif 25 % des terres agricoles de l’UE converties d’ici à 2030. Un plan d’action dédié doit être développé. Pour accompagner l’atteinte de ces objectifs, la Commission indique prévoir de réviser la directive sur l’utilisation durable des pesticides, renforcer les dispositions sur la lutte intégrée contre les ravageurs et promouvoir l’utilisation de dispositifs alternatifs de protection des plantes. Elle facilitera également la mise sur le marché de pesticides contenant des substances biologiques actives et renforcera l’évaluation des risques environnementaux de ces produits, grâce à l’élaboration de nouveaux indicateurs. Le Plan prévoit aussi de développer un cadre pour un étiquetage des produits alimentaires, couvrant les enjeux nutritionnels, sociaux et environnementaux.
S’appuyer sur la Pac et les eco-schemes
Pour concrétiser l’ensemble de ces ambitions, des moyens à la hauteur des objectifs fixés seront nécessaires. La Pac, dont 40 % du budget doivent être fléchés vers des actions pour le climat, demeure un outil clé. La Commission souhaite développer le recours aux eco-schemes (PSE) pour encourager les pratiques durables, notamment sur le stockage du carbone. « Les États membres et la Commission devront veiller à ce que les éco-schemes soient dotés des ressources appropriées et mis en œuvre dans les plans stratégiques nationaux. La Commission soutiendra l’instauration d’un budget de cantonnement minimal en la matière », est-il précisé. Les incertitudes sur l’enveloppe de la Pac post-2020 n’ont néanmoins toujours pas été éclaircies. Par ailleurs, 10 milliards d’euros seront mobilisés pour soutenir la recherche et l’innovation, dans le cadre du programme Horizon Europe, sur les sujets de l’alimentation, l’agriculture, la bioéconomie ou les ressources naturelles. Différents dispositifs devront également permettre de favoriser les investissements dans le secteur agroalimentaire, en limitant les risques.
Des premières réactions mitigées
Nul doute que ces annonces feront l’objet de débats. Les premières réactions sont en tout cas partagées. Dans un communiqué commun avec l’Association des agriculteurs allemand (DBV), envoyé en amont de cette présentation, le 19 mai, la FNSEA explique qu’elle aurait souhaité que celle-ci soit repoussée, compte tenu du contexte actuel, fragilisant l’économie. Les deux organisations « regrettent une approche peu réaliste et arbitraire concernant certains objectifs n’ayant pas fait l’objet d’études d’impact appropriées, en particulier sur le plan économique ». Selon eux, « les objectifs environnementaux doivent être fixés en concertation avec les agriculteurs, également en tenant compte de la concurrence internationale ». De son côté, l’ONG Les Amis de la terre évoque un volet agricole du Green Deal qui « laisse sur sa faim ». « La faiblesse des objectifs fixés et l’absence d’instrument contraignant pour les réaliser nous emmènent tout droit vers une énième coexistence des modèles agricoles qui donnera la part belle à une agriculture 4.0 dont l’objectif est de réduire à la marge les intrants chimiques, sans jamais chercher à s’en affranchir », déclare Anne-Laure Sablé, chargée de campagne agriculture au sein de l’association.