Le marché du carbone ne financera pas la transition agroclimatique, selon l’Iddri et I4CE
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L’Iddri et I4CE ont publié, le 27 janvier, une note sur leur vision du futur système de certification carbone de l’Union européenne. Estimant que la France a une longueur d’avance en la matière, ils préconisent de voir au-delà de l’enjeu carbone.
L’enjeu du carbone en agriculture ne peut pas se réfléchir seul. C’est en tout cas l’avis de l’Institut du développement durable et des relations internationales, Iddri, et de l’Institute for climate economics, I4CE. Les deux structures ont publié une note, le 27 janvier, dans laquelle elles expliquent ce que devrait être le système de certification carbone Carbon farming, auquel réfléchit la Commission européenne et qui devrait être dévoilé à la fin de l’année 2022.
La France a une longueur d’avance
Si les deux organismes français « osent prendre la parole » sur le sujet, c’est parce qu’ils estiment que la France a une longueur d’avance en la matière par rapport aux autres pays européens. « Le label bas-carbone a été mis en place il y a trois ans : nous avons du recul avec plus de 150 projets labellisés », indique Claudine Foucherot, directrice du programme agri-forêt chez I4CE, lors d’un point presse organisé le 27 janvier.
L’Iddri et I4CE plaident pour une réflexion plus globale, incluant également les enjeux de la biodiversité, afin d’être plus en accord avec les objectifs du Green deal. Les pratiques mises en avant par la Commission européenne pour réduire l’impact de l’agriculture sur le climat et accroître la séquestration du carbone, sont loin d’être équivalentes d’un point de vue environnemental, estime Pierre-Marie Aubert, en charge de l’initiative « politiques publiques pour l’agriculture européenne » à l’Iddri.
Les inhibiteurs de nitrification ne sont pas la bonne solution
S’il reconnaît l’intérêt de l’introduction de légumineuses dans la rotation, Pierre-Maris Aubert est plus critique sur l’usage d’inhibiteurs de nitrification qui permettent de baisser les émissions de protoxydes d’azote de certains fertilisants. « Mais ils peuvent aussi avoir des conséquences néfastes sur la pollution des écosystèmes , explique-t-il. De la même manière, l’emploi d’additif alimentaire a des effets sur la qualité des déjections animales dont les impacts sur la vie des sols est encore mal connu. »
Un calcul à l’hectare et non à la quantité de produit
Les auteurs de la note préconisent de ne pas viser uniquement la baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais de prendre également en compte le stockage du carbone. « Cela n’a aucun sens de dissocier les deux, car c’est une approche globale » affirme Claudine Foucherot. Pour éviter une intensification de l’agriculture, I4CE préconise de calculer les réductions des émissions de GES par hectare et non par kilogramme de produit, afin de promouvoir les productions extensives, et comme cela est fait dans le Label bas-carbone pour les grandes cultures.
Revoir la finalité du Carbon farming
Enfin, les deux organismes estiment que la finalité de la Commission n’est pas la bonne, à savoir financer la transition agroclimatique par le privé. « Les marchés volontaires du carbone restent encore marginaux, explique Claudine Foucherot. Dans les projets français, nous avons du mal à aller chercher des financements à 50 euros la tonne, quand des entreprises se tournent à l’international pour compenser leurs émissions avec des prix du carbone à un ou deux euros la tonne. Certes, nous aurions tord de nous en priver, mais ce système doit d’abord mieux orienter les financements publics. »