Les membres de la CNCE très réservés sur l’évolution de la HVE
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Après plusieurs semaines de travail, la Commission nationale de la certification environnementale, CNCE, a enfin voté les modifications proposées par le gouvernement sur la refonte du référentiel HVE. Le texte a été adopté de justesse, les membres ayant de grandes réserves sur les projets de textes. Explications.
Certes, les textes ont été adoptés. La Commission nationale de la certification environnementale, CNCE, a voté le 30 juin en faveur de la proposition de révision du référentiel de la Haute valeur environnementale, HVE. Les projets d’arrêté et de décret ont recueilli 14 voix favorables, bien sûr venant de l’État, mais également de La coopération agricole (LCA) et de l’Ania. Pourtant dans ces voix favorables, l’enthousiasme n’est pas de mise : LCA indique avoir voté « pour, mais avec des réserves ».
De nombreuses réserves qui ont conduit neuf structures à s’abstenir, dont la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, Chambres d’agriculture France, Noé, l’AGPB, l’AGPM, ou encore la FNB. Quatre structures ont voté contre : FNE, la LPO, la Confédération paysanne et les Civam. Même s’il est juste consultatif, l’avis favorable de la CNCE a donc été arraché par le gouvernement de justesse !
Les organisations agricoles inquiètent sur l’azote
Si tous les participants reconnaissent que le référentiel date et plébiscitent une évolution, notamment pour être mieux articulé avec les objectifs de la nouvelle Politique agricole commune, les structures agricoles mettent en avant des points de blocage. « Il est normal qu’il y ait un écart avec le référentiel actuel, mais sur certains items, nous sommes loin de la réalité, insiste Philippe Noyau, membre du bureau de Chambres d’agriculture de France. Le texte manque de pragmatisme. »
Dans le collimateur des organisations agricoles, se trouve entre autres le durcissement de l’indicateur du bilan azoté. Dans le projet, les points maximaux seraient obtenus avec un bilan inférieur à 20 kg d’azote par hectare, contre le double pour le référentiel actuel. « L’agriculteur commence à gagner des points avec 50 unités, c’est faible », insiste Philippe Noyau.
Les viticulteurs pénalisés
Les organisations agricoles estiment également que la proposition pénalise fortement les viticulteurs. Pour ces derniers, les seuils pour l’Indice de fréquence de traitement, IFT, dans le module phytosanitaire, ont été revus. Par ailleurs, le critère sur les infrastructures agroécologiques, ou IAE, de la partie biodiversité, s’est également durci pour toutes les cultures. « Or, en vigne, il est plus difficile de mettre en place des IAE », explique encore le représentant des chambres d’agriculture.
Les producteurs de blé ne se sentent pas non plus favorisés. « Dans le module phytosanitaire, nous voulions avoir un item sur la diversité spécifique variétale, comme en viticulture et en arboriculture où elle peut faire gagner jusqu’à deux points, indiquent les représentants des grandes cultures à Référence agro. Par ailleurs, nous étions opposés au fait que l’usage d’un CMR 1 soit rédhibitoire car la problématique des impasses nous inquiète. Il y a un manque d’équité entre les filières. »
Le rapport de l’OFB pas encore connu
La Confédération paysanne, qui a voté contre les textes, « reste opposée à la HVE, même rénovée, et à ce qu’elle fasse l’objet de financements publics ». Elle déplore que cette rénovation intervienne avant même la publication des conclusions du rapport Epices, commandé par l’Office français de la biodiversité, OFB, qui aura lieu le 5 juillet. « Ce rapport est censé évaluer les performances environnementales du dispositif HVE pour justement en améliorer l’efficacité dans le contexte de la réforme de la Pac, indique la structure dans un communiqué le 30 juin. Cette précipitation est due au fait que le ministère s’est entêté à introduire la HVE dans les éco-régimes de la Pac. »
Même son de cloche pour l’ONG Noé. « L’absence des conclusions de l’étude Epices ne nous permet pas de mesurer les impacts environnementaux des choix et arbitrages qui ont été faits », indique Enzo Armaroli, chargé de programme agriculture et alimentation au sein de l’association.
Des avancées sur la biodiversité
Contrairement à d’autres ONG, Noé ne s’est pourtant pas opposé au texte. « Nous nous sommes juste abstenus, car nous avons été entendus sur les infrastructures agroécologiques et la taille des parcelles dans le volet biodiversité, sur lequel nous portons une grande attention, poursuit-il. L’accès à un certain nombre d’items s’est également durci. » L’ONG regrette toutefois qu’une bonne partie des propositions ne réponde pas à des obligations de résultats, mais de moyens. « Par ailleurs, le gouvernement voulait garder le maximum de personnes dans le dispositif, ce qui a réduit les exigences supplémentaires apportées », indique Enzo Armaroli.
Un timing trop court
Le timing est critiqué par tous. « Le gouvernement se précipite car il y a le Plan stratégique national à finaliser, indique Philippe Noyau. Mais il faut nous laisser le temps de réagir. » Les exploitants déjà certifiés auraient jusqu’ au 31 décembre 2024 pour se conformer à la nouvelle HVE. La date prévue pour les nouveaux certifiés est fixée au 1er octobre 2022. Or, le texte doit encore être soumis à la consultation du publique. « Nous aurons besoin de temps pour nous adapter lorsque les textes définitifs seront connus, le délai du 1er octobre est trop court », indique LCA.
Le texte doit en effet encore être soumis à la consultation publique. L’occasion pour les parties prenantes de tenter, une nouvelle fois, de faire entendre leurs positions.