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Pac post-2023, les trilogues actent des éco-régimes à 25 % des aides directes

Le | Politique

Un peu plus de trois ans après la présentation par la Commission européenne de ses propositions pour la prochaine Pac, les trilogues ont abouti, le 25 juin, sur un accord. Une victoire pour les différentes instances européennes, bien que le texte doive encore être adopté par le Conseil et le Parlement. L’accord acte différentes dispositions environnementales, dont le fait que 25 % des aides directes doivent être consacrés aux éco-régimes.

Pac post-2023, les trilogues actent des éco-régimes à 25 % des aides directes
Pac post-2023, les trilogues actent des éco-régimes à 25 % des aides directes

On n’y croyait (presque) plus ! Le 28 juin, les ministres européens de l’Agriculture, réunis en conseil, ont annoncé adopter l’accord sur la Pac trouvé trois jours plus tôt, le 25 juin, entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen. Après l’échec des précédentes discussions en mai, l’urgence de trouver un accord avant la fin de la présidence portugaise de l’UE, le 31 juin 2021, avait été soulignée. « Cet accord donne une visibilité pour les sept prochaines années, au service de la compétitivité durable de notre agriculture de la souveraineté alimentaire de l’Union européenne, et du financement des transitions environnementales et sociales », s’est félicité Julien Denormandie, à l’issue des négociations.

La question des éco-régimes tranchée

Sur le volet environnemental, qui avait été un point particulièrement bloquant lors des précédentes négociations, le texte tranche enfin la question du budget alloué aux éco-régimes : 25 % des aides du premier pilier devront y être consacrés, soit 48 Mrds €. La poire a donc été coupée en deux, entre la proposition du Conseil d’y consacrer 20 % et celle du Parlement d’y allouer 30 %. Une flexibilité sera permise durant les deux premières années, pour mobiliser uniquement 20 % des aides. Par ailleurs, cet accord prévoit un renforcement de la conditionnalité. Chaque exploitation devra ainsi consacrer au moins 3 % des terres arables à la biodiversité et des éléments non productifs. Les éco-régimes pourront être mobilisés pour monter jusqu’à 7 %.

Assurer la conformité avec le Green Deal

De plus, la diversification pourra être reconnue comme une pratique équivalente à la rotation des cultures (mesure BCAE8). Quant aux aides couplées, le plafond sera consolidé à 15 % de l’enveloppe des paiements directs. « La France a obtenu la base juridique qui sécurise le développement des plantes riches en protéines et rend éligibles les mélanges de légumineuses et d’herbe », précise un communiqué du ministère de l’Agriculture. Enfin, au moins 35 % des fonds du second pilier seront dédiés à des « engagements agroenvironnementaux », pour encourager les pratiques les plus vertueuses. A travers ces dispositifs, les instances européennes souhaitent assurer la mise en œuvre des stratégies liées au secteur agricole du Green Deal. « Les plans relevant de la Pac seront mis à jour pour tenir compte des modifications apportées à la législation en matière de climat et d’environnement par le Green Deal », assure dans un communiqué la Commission européenne.

Mise en œuvre d’une conditionnalité sociale

D’autres mesures, d’ordre social, ont aussi été introduites. De manière inédite, une conditionnalité sociale est prévue, pour assurer le respect de certains aspects des droits social et du travail européens. La « redistribution des aides au revenu », désormais obligatoire, oblige les Etats membres à redistribuer au moins 10 % des aides aux petites exploitations selon des modalités à préciser dans les PSN. Par ailleurs, l’aide aux jeunes agriculteurs est revalorisée, chaque État devant y accorder au moins 3 % de son enveloppe. « Au cours des prochaines années, nous protégerons les zones humides et les tourbières, nous consacrerons davantage de terres agricoles à la biodiversité, nous encouragerons l’agriculture biologique, nous ouvrirons de nouvelles sources de revenus aux agriculteurs grâce à l’agriculture au carbone, et nous commencerons à remédier aux inégalités dans la répartition des aides au revenu », se félicite Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne.

Réactions positives chez les agriculteurs

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Du côté de la FNSEA, la fin de l’attente est saluée, tout comme, globalement, le contenu de l’accord. « Sur le fond, même si nous devons rester prudents tant que les textes ne sont pas finalisés, l’accord répond à de nombreux points sensibles que nous avions soulevés. » Des inquiétudes subsistent néanmoins quant à la disposition BCAE9, concernant le retrait de la production d’un pourcentage de terres arables. Chez les maïsiculteurs, l’accord est également accueilli de manière favorable. Et plus particulièrement la mesure de conditionnalité BCAE8, sur la rotation. « [L’accord] devrait permettre, dans le prochain PSN, de reconnaître les efforts déjà engagés par les maïsiculteurs au travers du développement de la couverture hivernale des sols et en soulignant, dans certaines situations, la possibilité de prendre en compte la diversité des assolements. (…) Si le travail de déclinaison reste à faire dans le cadre des discussions concrètes du PSN, cette étape franchie au niveau européen est une vraie victoire pour la maïsiculture française », se réjouit l’AGPM dans un communiqué.

Des dernières étapes à franchir pour valider le texte

Dans les rangs de la plateforme Pour une autre Pac, les réactions sont nettement moins dithyrambiques. « Les ambitions sociales et environnementales de départ se traduisent au bout du compte par un conservatisme en décalage complet avec l’ampleur des évolutions de l’agriculture européenne que la PAC devrait accompagner au cours des prochaines années, regrette le collectif. Les systèmes agricoles ayant un impact négatif pour l’environnement pourront aisément passer à traves les mailles du filet de la conditionnalité environnementale, voire même bénéficier d’une rémunération par l’éco-régime. Quelques points positifs sont toutefois soulignés, comme le recours aux aides couplées pour soutenir la production de légumineuses sans devoir justifier des difficultés de la filière, ou l’introduction de plusieurs mécanismes d’organisation des marchés agricoles, qui sont « indéniablement à saluer », mais « trop rares pour contrebalancer les nombreuses sources d’insatisfaction ».

Trois ans après le début des négociations, le bout du tunnel semble donc approcher. Mais tout n’est pas encore terminé. Pour pouvoir entrer en vigueur, l’accord doit encore être validé, en séance plénière, par le Conseil et les eurodéputés, dont une partie est farouchement opposée au texte. Quant aux Plans stratégiques nationaux, ils devront être remis à la Commission avant la fin de l’année. Cette dernière procèdera à un examen de leur performance en 2025 et 2027, et pourra demander aux Etats de prendre des mesures correctrices.