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Plan eau, l’eau reconnue comme indispensable à l’agriculture

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Emmanuel Macron a dévoilé les contours du Plan eau le 30 mars. L’objectif global est de parvenir à réduire de 10 % les prélèvements d’ici à 2030. Une ambition qui ne concerne pas directement le secteur agricole, dont les besoins en eau ont été sanctuarisés. Les surfaces à irriguer étant appelées à augmenter, la filière va néanmoins devoir s’organiser pour faire plus mais à quantité équivalente. Plusieurs enveloppes ont été annoncées pour soutenir cet effort.

Emmanuel Macron était à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), au bord du lac de Serre-Ponçon, le 30 mars 20 - © D.R.
Emmanuel Macron était à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), au bord du lac de Serre-Ponçon, le 30 mars 20 - © D.R.

« Une modernisation sans précédent de notre politique de l’eau » : c’est ainsi qu’Emmanuel Macron a désigné le Plan eau du Gouvernement, attendu depuis le début de l’année, lors de son déplacement pour le dévoiler, le 30 mars à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), au bord du lac de Serre-Ponçon. Cette nouvelle feuille de route, construite autour du concept de sobriété, doit permettre de réduire de 10 % les prélèvements d’ici à 2030. Tous les secteurs sont appelés à participer à cet effort, et doivent dans ce sens préparer un plan de sobriété pour l’été.

Pas de baisse des prélèvements agricoles

Le Gouvernement a néanmoins décidé de sanctuariser les besoins en eau du secteur agricole. « Nous ne tablons pas sur une baisse des prélèvements de l’agriculture française car les surfaces irriguées vont augmenter », indique-t-on du côté du ministère de l’Agriculture,  au lendemain des annonces présidentielles. Autrement dit : plutôt que de réduire ses prélèvements, le secteur agricole devra irriguer de plus grandes surfaces, sans augmenter ses prélèvements. «  Nous devons faire évoluer les pratiques agricoles pour que les prélèvements initiaux soient plus sobres, explique Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, lors d’une conférence de presse organisée au lendemain des annonces, le 31 mars. Chaque goutte compte et doit être utilisée de la manière la plus efficace possible, pour ne pas entraver notre capacité à produire. » Un positionnement assumé par le président de la République : « L’eau est indispensable à l’agriculture et donc à notre souveraineté alimentaire. »

60 M€ pour optimiser l’irrigation et le stockage

Pour allier sobriété et production, le Plan eau prévoit plusieurs enveloppes. 30 M€ seront ainsi dédiés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (goutte-à-goutte, filières peu consommatrices d’eau). Des actions sont également prévues sur le stockage de l’eau, dont il faudrait « faire évoluer la logique » selon Emmanuel Macron. Un fonds d’investissement d’hydraulique agricole sera abondé de 30 M€/an pour remobiliser et moderniser les ouvrages existants et développer de nouveaux projets. Cette mesure devrait être activée en 2024. « Nous devons travailler sur le statut des déchets déposés dans les masses d’eau, comme les canaux, car les eaux qui s’y trouvent pourraient être mobilisées, indique Marc Fesneau. C’est un sujet sur lequel nous devons avancer. »

Avoir un cadre clair sur le stockage

Emmanuel Macron appelle à ce que le cadre soit « très clair » en ce qui concerne les retenues. « Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à chacun de se l’accaparer. La règle, c’est bien le partage entre les différents usages. » Les projets de nouvelles retenues devront donc s’inscrire dans des projets territoriaux de gestion de l’eau, PTGE, « fondées sur des projections scientifiques » et « conditionnées à des changements de pratiques significatifs » poursuit-il. Christophe Béchu a ainsi porté l’engagement, lors de la conférence de presse où intervenait également Marc Fesneau, que chaque sous-bassin soit doté d’un PTGE ou d’un Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau, Sage, d’ici à la fin du quinquennat. Un objectif mentionné dans la réponse du Gouvernement au rapport de la Cour des comptes qui remettait en cause la gouvernance de la politique de l’eau en France. Selon le ministre de la Transition écologique, la moitié des sous-bassins ne dispose pas de tels programmes.

Des mesures sur la qualité de l’eau

Des actions et des moyens ont aussi été annoncés pour soutenir la qualité de l’eau. Les MAEc et les aides à la bio seront revalorisées sur les aires d’alimentation de captage à hauteur de 50 M€/an. L’expérimentation des paiements pour service environnementaux va quant à elle être prolongée jusqu’à la fin de la Pac (2027), grâce à un budget de 30 M€/an. Par ailleurs, alors que les négociations sont en cours sur la loi d’avenir et d’orientation, le Plan eau prévoit que des diagnostics eau et sol soient intégré aux aides à l’installation, pour adapter au mieux les installations agricoles au climat de demain. Emmanuel Macron avait pris cet engagement auprès des Jeunes agriculteurs, lors des Terres de Jim en septembre. «  Nous devons nous poser cette question : est-ce que les filières d’aujourd’hui sont encore adaptées au climat de demain ? Il est évident que nous aurons des territoires qu’il va falloir rapprocher d’autres schémas de cultures et d’autres schémas agricoles », prévient le chef de l’État.

Accélérer sur réutilisation des eaux usées

Dernier sujet concernant le secteur agricole : la réutilisation des eaux usées traitées. Le président de la République estime qu’il est possible de faire « beaucoup mieux et beaucoup plus fort ». L’ambition fixée est de mettre en oeuvre 1000 projets, contre une cinquantaine actuellement, en cinq ans et de réutiliser 10 % des eaux usées, contre 1 % aujourd’hui, d’ici à 2030. « Nous devons faciliter et accélérer les procédures administratives et lever quelques verrous dont il ne faut pas exclure qu’ils soient aussi administratifs », appuie Emmanuel Macron. Le décret, très attendu, encadrant l’expérimentation de la REUT dans l’industrie agro-alimentaire, a été mis en consultation quelques jours après ces annonces, le 1er avril.

Le suivi de la mise en oeuvre de ces mesures fera l’objet d’un compte-rendu, a minima deux fois par an, dans le cadre du Comité national de l’eau

Pas de remise en cause des Assises

Composé de 53 mesures, le Plan eau est découpé en cinq grands axes : accélérer la sobriété partout et dans la durée, lutter contre les fuites et moderniser nos réseaux, investir massivement dans la réutilisation des eaux usées et la mobilisation de nouvelles ressources, planifier les usages de l’eau sur la dispo future de la ressource et accompagner les transformations de notre modèle agricole, mettre en place partout une tarification adaptée de l’eau. Interrogé sur l’éventuelle remise en cause des objectifs des Assises de l’eau, qui tablait sur une réduction des prélèvements de 10 % en 2025, Christophe Béchu s’est défendu de cette interprétation. «  Aucun budget n’était associé à l’objectif des Assises. Nous voulons ici expliquer la marche à suivre et pas seulement annoncer une ambition. »

Selon les chiffres présentés, les débits des rivières devraient baisser de 10 à 40 %, les pluies en été de 15 à 25 %, et le niveau des nappes de 10 à 25 % d’ici à 2050/