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Plan pollinisateurs, le Gouvernement se laisse davantage de temps pour la concertation

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Le 18 décembre, le ministère de la Transition écologique a présenté les grandes lignes de son projet de plan pollinisateurs aux parties prenantes. Alors qu’ils voulaient boucler le dossier avant la fin de l’année, les services de Barbara Pompili ont fait marche arrière sur le calendrier. Face aux divergences de points de vue sur certains points, dont les pesticides, ils souhaitent laisser davantage de temps à la concertation.

Plan pollinisateurs, le Gouvernement se laisse davantage de temps pour la concertation
Plan pollinisateurs, le Gouvernement se laisse davantage de temps pour la concertation

Ils étaient nombreux au ministère de la Transition écologique, ce vendredi 18 décembre au soir : 80 participants, de toutes filières, ont assisté à la présentation du projet de plan pollinisateurs, qui doit permettre d’enrayer leur déclin. Le plan s’articule autour de quatre axes :

  • améliorer les connaissances : le Gouvernement veut mieux observer la dynamique des populations de pollinisateurs et autres insectes. Un volet « pollinisateurs » pourrait être intégré dans l’expertise scientifique collective (Esco) sur l’impact des phytosanitaires sur la biodiversité et les services écosystémiques, ainsi que dans le programme « Cultiver autrement ». Il compte également lancer un inventaire des bourdons sur cinq ans, mettre en place une animation autour des inventaires papillons diurnes et libellules pendant dix ans et expérimenter un réseau de suivi des insectes volants.
  • mobiliser les leviers économiques d’accompagnement des agriculteurs et apiculteurs. Pour encourager les pratiques favorables, des mesures pourraient être intégrées dans la Politique agricole commune, notamment pour améliorer le bol alimentaire dans le cadre du premier pilier ou une MAEc apiculture.
  • Lutter contre les agresseurs de la ruche, notamment en formant mieux les apiculteurs et en lançant une stratégie de surveillance du varroa.
  • Réviser l’arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d’utilisation des insecticides et acaricides en vue de protéger les pollinisateurs.

Tous les pesticides seraient concernés

Sur ce quatrième axe, la révision devrait s’appuyer sur l’avis de l’Anses publié le 5 février 2019, listant les recommandations de l’Agence pour réduire l’exposition des abeilles et autres insectes pollinisateurs aux produits phytosanitaires. Mais sans pour autant laisser les agriculteurs sans solution.

Ainsi, l’actuelle interdiction française d’appliquer des produits insecticides et acaricides en pulvérisation pendant les périodes de floraison et/ou périodes de production d’exsudats serait élargie à l’ensemble des spécialités phytosanitaires utilisées en pulvérisation pendant ces périodes. Pour obtenir des dérogations à cette interdiction et bénéficier de la « mention abeilles », les industriels devront déposer des dossiers auprès de l’Anses, qui réévaluera les produits, avec de nouveaux essais. Le Gouvernement devrait laisser 18 mois aux sociétés pour déposer ces dossiers. En attendant, plusieurs mesures devraient permettre aux agriculteurs de déroger aux interdictions s’ils n’ont aucune solution.

L’obligation de traiter après le coucher du soleil, et dans les trois heures suivantes, pour les produits bénéficiant de la « mention abeilles », devrait également être instaurée avec, elle aussi, des mesures dérogatoires. Les professionnels agricoles ont déjà exprimé leurs inquiétudes sur ce sujet, que le Gouvernement semble reconnaître. En effet, si les surfaces de traitements sont étendues, une période de trois heures pourrait être trop courte. Par ailleurs, certaines situations dangereuses ou des traitements flash de fongicides en utilisation curative seraient également difficilement compatibles avec un traitement après le coucher du soleil.

Consultation publique prévue début 2021

Quant au calendrier, le ministère fait un rétropédalage. Alors qu’ils voulaient boucler le dossier avant la fin de l’année et proposer le texte législatif en consultation publique à partir du 23 décembre, les services de Barbara Pompili préfèrent se laisser le temps de la concertation, face aux divergences de points de vue sur certains sujets, notamment celui de l’évaluation et des conditions d’emploi des pesticides. L’état a demandé aux parties prenantes de lui faire remonter leurs contributions, pour une consultation publique du texte décalée début 2021 et une approbation officielle du plan en mars.

Très inquiète de ce plan pollinisateurs, qu’elle juge toutefois indispensable, la FNSEA est ressortie de la réunion quelque peu rassurée par les dérogations et le temps supplémentaire accordé pour la concertation. « Nous étions vigilants à ce que ce plan ne s’arrête pas aux produits phytosanitaires, explique Christian Durlin, vice-président de la FNSEA. L’avis de l’Anses peut conduire à la disparition de certaines filières par une absence de produits phytosanitaires. »

France nature environnement estime de son côté que le Gouvernement fait marche arrière et ne va pas assez loin. « Le ministère ne veut pas trop de réglementaire et table sur une synergie entre les partenaires, explique Claudine Joly, en charge des questions pesticides à FNE. Je suis consciente que certains points sont difficiles à appliquer pour les agriculteurs mais toutes les dérogations accordées risquent de rendre le plan inefficace. »

Divergence sur l’épandage de nuit

Quant à Pollinis, elle estime que la révision de l’arrêté abeilles, notamment avec l’épandage de nuit, « est une triste compensation obtenue par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, pour apaiser les apiculteurs et citoyens révoltés par le vote récent de dérogations ré-autorisant les néonicotinoïdes sur les cultures de betteraves. » Elle met en avant que les pollinisateurs sauvages sont contraints d’évoluer dans des milieux saturés de substances actives hautement toxiques et que les papillons de nuit s’effondrent en Europe. « Force est de constater que l’arrêté abeilles, qui oblige les agriculteurs à travailler de nuit, ne s’inscrit dans aucun plan à grande échelle visant à accompagner techniquement et financièrement les agriculteurs dans un processus de transition qui leur permettrait de se passer, in fine, des pesticides de synthèse », ajoute l’association.