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Plan pollinisateurs, les participants du comité de suivi attendent du concret

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Le comité national de suivi du plan pollinisateurs s’est réuni le 6 septembre 2022. Selon les participants interrogés par Référence agro, il est encore difficile d’envisager son efficacité, à ce stade précoce de son déploiement. Des points de vigilance et de débat se dégagent toutefois.

Plan pollinisateurs, les participants du comité de suivi attendent du concret
Plan pollinisateurs, les participants du comité de suivi attendent du concret

« Dix-sept présentations en un après-midi, cela ne laisse pas beaucoup de place aux questions, aux échanges », regrette Claudine Joly, en charge des questions pesticides à FNE, qui a participé à la réunion du comité national de suivi du plan pollinisateurs, le 6 septembre 2022. Même réaction du côté de Phyteis, l’union des industries de la protection des plantes : « Avec ce type de comité, qui rassemble plus de cinquante participants, les informations sont essentiellement descendantes », avance Ronan Vigouroux, responsable environnement.

Une réunion unanimement qualifiée de descendante

L’ensemble des participants interrogés par Référence agro se sont dits frustrés, ou a minima prudents, sur le contenu d’une session marquant avant tout le début d’un plan publié en novembre 2021. « Les exposés étaient très intéressants, mais la dimension politique et l’action étaient clairement absentes », commente François Veillerette, porte-parole de Générations futures. « Nous avons des objectifs, des budgets, des méthodes, mais encore peu de concret », formule Ronan Vigouroux.

Le responsable environnement de Phyteis se félicite toutefois de l’annonce du déploiement au niveau national de l’Omaa, l’observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère. Ce dernier a été mis en œuvre de manière expérimentale en Bretagne et en Pays-de-la-Loire en 2017 puis en Auvergne-Rhône-Alpes en 2019. « Cet observatoire permet de mieux appréhender les raisons des déclins, qui ne se résument pas aux pesticides », note-t-il.

Un Plan pollinisateurs dont la concrétisation est attendue

L’amélioration de la compréhension de la mortalité des pollinisateurs a, de fait, été largement abordée lors de la séance. Ce qui fait tiquer Claudine Joly : « L’apport de nouvelles connaissances est nécessaire, mais les actions de terrain le sont également, notamment sur la trame verte, que l’on sait efficace pour les pollinisateurs sauvages. » Elle déplore, de plus, que ces projets soient financés par Écophyto. « Ce plan est normalement dédié à la baisse des utilisations de pesticides ! », rappelle-t-elle. Pour François Veillerette, « il est important de savoir d’où on part, mais gare à ne pas rester dans une phase de constats à l’infini ».

Selon Hervé Lapie, membre du bureau de la FNSEA, le concret ne va plus tarder. « Au titre du Contrat de solutions, nous sommes pilotes de l’axe 6. Dès cet automne, nous allons rassembler le comité de recensement des démarches agricoles favorables aux pollinisateurs, définir notre méthode de travail. » C’est Luc Belzunces, directeur de recherche à Inrae, qui préside ce comité qui comptera 15 à 17 experts sélectionnés par le ministère et les animateurs du Contrat de solutions. L’objectif est de pouvoir fournir, en juillet 2023, une cartographie des actions mises en place pour que d’autres agriculteurs s’en inspirent.

Une expérimentation pour assouplir les plages horaires de pulvérisation

Les applications de produits phytosanitaires autorisés en floraison sur une culture attractive pour les pollinisateurs doivent désormais être réalisées dans les deux heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les trois heures qui le suivent. L’arrêté du 20 novembre 2021, qui encadre l’utilisation des produits en vue de protéger les pollinisateurs, prévoit un futur assouplissement de ces plages horaires, après avis de l’Anses. Une expérimentation de trois ans va être mise en place afin, comme le précise l’arrêté, « d’identifier les outils d’aide à la décision ou autres technologies dont l’utilisation permettrait d’apporter des garanties équivalentes » aux plages horaires. Jérémy Béchet-Barbat, représentant de la Coordination rurale, y sera attentif : « Les traitements nocturnes sont dangereux, contraignants et vecteurs de pollutions sonore et lumineuse qui nous seront reprochées par les riverains. » En attendant, les plages horaires doivent être respectées. La DGAL a mis en ligne un document foire aux questions sur ce sujet.

Pas de seuil pour les pollinisateurs autres que les abeilles domestiques

Pour l’évaluation des risques des produits phytosanitaires vis-à-vis des pollinisateurs, le seuil de 10 % de mortalité acceptable, sur lequel se sont accordés les États membres en juin 2021, ne concerne que les abeilles domestiques. « C’est trop restrictif ! réagit François Veillerette. Les bourdons et les pollinisateurs sauvages doivent entrer dans le cadre. » Claudine Joly aborde le problème différemment : « L’absence de seuil pour les autres pollinisateurs, confirmée par l’Efsa, est compréhensible puisque les pollinisateurs comprennent un très grand nombre d’espèces sur lesquelles nous n’avons pas beaucoup de connaissances. » Pour la responsable FNE, l’évaluation des risques ne représente qu’un filtre extrêmement grossier, qui permet juste d’interdire les produits les plus dangereux. « L’important est donc de réduire l’usage de l’ensemble des produits phytosanitaires et d’augmenter les habitats pour les pollinisateurs. »

Ronan Vigouroux comprend également cette absence de seuil mais explique qu’elle ne donne aucune visibilité aux industries phytosanitaires. Ces dernières sont en effet tenues de faire des tests sur les abeilles solitaires et les bourdons et, sans seuil défini, l’analyse de leurs résultats sera dépendante de l’expert.

L’Unaf exprime une vive déception

Si à ce stade, les mesures restent pour beaucoup à mettre en place, différents participants ont livré à Référence agro des impressions plus globales sur le Plan pollinisateurs. Pour la Coordination rurale, Jérémy Béchet-Barbat exprime un sentiment plutôt positif : « Je craignais, à l’annonce de ce plan, qu’il ne tourne à la chasse au phytos. L’approche est plus globale. Les leviers économiques et d’accompagnement des agriculteurs et apiculteurs, semblent pertinents et réalistes. Mais nous serons très vigilants sur la mise en pratique ! » Son de cloche nettement plus négatif pour Yves Delaunay, administrateur du syndicat apicole Unaf : « Malgré des ambitions louables et un budget qui semble devoir être conséquent, ce plan est voué à l’échec, faute d’avoir écouté les bonnes personnes. Le monde apicole a répondu présent, pourtant, mais nos besoins sont passés à la trappe. » Il donne pour exemple l’action « Développer la commercialisation des miels », dans l’axe 2. « C’est un non-sens, peste-t-il. Notre problème n’a jamais été la vente de miel, mais sa production qui chute à cause de la mortalité. Je suis très déçu. »

Une prochaine réunion est prévue pour le début de l’année 2023.

Propos recueillis par Gaëlle Gaudin et Éloi Pailloux