Retrait de molécules phytos, les filières entre colère et attente de précisions
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Suite au comité interfilières organisé le 3 juillet 2023 par le Gouvernement dans le cadre de l’anticipation des retraits de molécules phytosanitaires, Référence agro a sondé plusieurs représentants de filières. Au-delà de la sortie des associations des producteurs de grandes cultures, qui annoncent quitter le tour de table, les participants attendent avant tout du concret.
Le travail orchestré par le Gouvernement pour anticiper de possibles interdictions de molécules phytosanitaires, dans un futur proche, avance. La phase 1, qui visait à identifier les possibles impasses, pour les filières, dans la perspective du retrait de 75 molécules phytosanitaires listées par la DGAL, s’est conclu le 3 juillet 2023, lors d’un comité interfilières. « Une réunion fleuve, pendant laquelle les présentations de chaque filière se sont succédées, et les éléments apportés par le Gouvernement sont restés rares », résumait avec amertume l’un des participants, issu de la task force grandes cultures, à sa sortie de la séance.
Les associations de producteurs des filières grandes cultures quittent le navire
Quelques jours plus tard, le 6 juillet, les associations de producteurs de grandes cultures (blé, maïs, betterave, oléoprotéagineux, pomme de terre) signaient un communiqué commun, dans lequel elles annoncent qu’elles ne participeront pas aux prochaines étapes de ce travail. Elles indiquent attendre « un véritable changement de procédé » de la part du Gouvernement. Les cinq associations demandent « des garanties sur le maintien de solutions actuelles tant que des alternatives efficaces n’auront pas été identifiées », et veulent des précisions quant aux moyens dédiés à une transition « ambitieuse et coûteuse ».
Les interprofessions restent mobilisées
Un boycott qui se cantonne à ce stade aux représentants de la profession agricole. « Les interprofessions, elles, restent mobilisées, glisse un autre participant issu de la filière oléagineuse, intégré à la task force grandes cultures. Mais la question de la mobilisation des instituts techniques nous interroge. Les ministères veulent les surcharger avec de la recherche fondamentale, alors que leur périmètre est normalement très appliqué. » Ce même spécialiste déplore par ailleurs l’absence de partenaires « qui seraient précieux » dans la recherche d’alternatives : les machinistes, semenciers, les experts du biocontrôle ou encore des engrais. « Nos enjeux ont été entendus, précise de son côté Éric Chantelot, expert Écophyto de l’Institut français de la vigne et du vin, IFV. Nous n’avons pas encore tous les éléments, mais la procédure est en cours. » La task force vigne se réunira en septembre et sait déjà qu’elle devra se pencher sur la problématique cuivre.
Les filières attendent du concret
Pour Pierre Pagès, président de Semae, il n’est pas question de quitter la task force « semences ». « Nous partageons certaines interrogations de nos homologues des grandes cultures, et nous avons le même besoin de précision, mais nous l’exprimons différemment », tempère-t-il. Il précise que selon lui, « demander aux filières de hiérarchiser elles-mêmes leurs urgences les met dans une position délicate », mais il apprécie la démarche de segmentation en task forces : « Pour ce qui concerne les semences, nous apprécions d’avoir notre propre espace de discussion ». Il exprime, enfin et surtout, le besoin d’en savoir plus sur la prochaine phase. « Le diagnostic étant posé, on entre dans le concret. Mis à part le calendrier, on n’en sait encore très peu sur les moyens prévus », conclut Pierre Pagès.
Besoin de prise de hauteur
Pour plusieurs participants, au-delà de la question des moyens, la démarche portée par le Gouvernement souffre d’un manque de prise de hauteur. « Où est le lien avec les autres grandes politiques nationales sur l’eau ou le carbone ? s’interroge un participant. Une plante en stress hydrique est plus vulnérable. Une plante mal protégée produit moins de biomasse et stocke moins de carbone. Dire »haro sur les pesticides« , c’est aussi complexifier la souveraineté alimentaire. Toutes ces interconnexions ne sont pas abordées. Même le lien avec Écophyto n’est pas limpide. » Il souligne enfin le fait que seul Marc Fesneau ait été présent en personne, tandis que ses homologues de la Santé, de la Transition écologique et de la Recherche s’étaient fait représenter : « On est loin de la dimension interministérielle voulue pour ce travail. »
Propos recueillis par Gaëlle Gaudin et Éloi Pailloux
Et le bio ?
Lors du lancement du travail d’anticipation des retraits de molécules, le Gouvernement n’avait pas clairement établi la place de la filière bio dans son dispositif. Lors de la présentation du 3 juillet, Marc Fesneau a indiqué qu’un groupe de travail dédié avait été organisé le 28 juin, contre deux réunions pour toutes les task forces de chaque filière. Aucune synthèse n’a été faite pour ce groupe. Du côté de la Fnab, on s’inquiète de « ne pas avoir été convié, ni même d’avoir eu la moindre remontée de cette réunion ». Les composés du cuivre font partie des 75 substances actives sélectionnées par la DGAL.