Un échange « plutôt constructif » à Matignon sur la transition phyto des grandes cultures
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Une délégation de représentants des filières grandes cultures a été reçue à Matignon le 15 septembre. Le sujet abordé ? Le plan du Gouvernement dédié à la réduction des usages de pesticides et au développement d’alternatives, initié au printemps. Si aucune réaction officielle n’a suivi, les participants évoquent, hors-micro, un rendez-vous globalement constructif.
La méthode retenue par le Gouvernement, pour assurer une transition progressive vers la réduction des usages de produits phytosanitaires, ne plaît pas à tout le monde. Courant juillet, les représentants des filières grandes cultures claquaient la porte, déplorant « un manque de concertation et de cohérence ». Leurs représentants ont été reçus, le 15 septembre, à Matignon.
Borne absente, ses collaborateurs rassurent
Aucune des interprofessions des filières grandes cultures ne s’est publiquement exprimé depuis. « L’idée, c’est de digérer, chacun dans son propre cercle, les annonces et précisions apportées, glisse l’un des participants de cette réunion. À ce stade, il n’est pas décidé si nous retournons à la table des discussions pour la suite des opérations. » Selon les éléments glanés par Référence agro, les échanges ont été constructifs. Si Élisabeth Borne n’était pas présente, ses collaborateurs ont su, globalement, tenir un discours rassurant.
Un fond d’inquiétude persiste
Le choix des 75 molécules retenues par le Gouvernement, dans le cadre des travaux initiés au printemps, a ainsi été explicité. Il s’agit d’une sélection opérée parmi les 250 substances dont le renouvellement se jouera dans les cinq ans. Ces 75 molécules seraient les plus sensibles, soit parce que les firmes les commercialisant envisagent de ne pas déposer de dossier de renouvellement, soit parce qu’elles sont dans le collimateur des autorités sanitaires. « Selon Matignon, ces 75 molécules ne sont donc pas ciblées par le Gouvernement lui-même, indique l’une des sources de Référence agro. C’est toujours mieux en le disant. »
Un autre participant affirme toutefois « ne pas être dupe » quant aux intentions des ministères impliqués dans ce dossier : « Derrière les habillages sémantiques, on est bien sur une chasse aux molécules. Les conséquences sont négligées, en termes économiques, de confort de travail, mais aussi de stockage de carbone : une culture mal protégée produira toujours moins de biomasse. » Il avertit également sur le fait que les usages sur lesquels il ne reste plus qu’une ou deux solutions chimiques sont condamnés à l’impasse à court terme : « Sous deux-trois ans, les ravageurs contourneront leurs modes d’action. »
Les filières grandes cultures attendent du concret
La question des moyens a également été abordée. Une enveloppe de 250 M€ serait prévue dans le projet de loi de finances 2024. L’idée serait de la reconduire chaque année, au moins jusqu’à la fin du quinquennat actuel. Les représentants des filières grandes cultures attendent toutefois de voir cette annonce concrétisée avant de se réjouir. Autre dossier sensible : celui de la distorsion de concurrence entre pays de l’UE. Le cas du s-métolachlore et du prosulfocarbe ont notamment été évoqués. À Matignon, on affirme que le temps des surtranspositions françaises est révolu : seules les décisions européennes compteront. Mais, là aussi, la circonspection est de mise du côté des filières.
Enfin, le tour de table pourrait évoluer dans les mois à venir. Jusqu’à présent, le Gouvernement avait fait des interprofessions ses seules interlocutrices, au grand dam des représentants de producteurs, qui l’ont encore exprimé le 13 septembre dans un communiqué cosigné par cinq organisations (1). Matignon serait « plutôt enclin » à leur faire de la place, ainsi qu’aux agrofournisseurs concernés par l’enjeu des pesticides, aussi bien les firmes phytosanitaires que les machinistes ou les spécialistes des biosolutions.
(1) AGPB, AGPM, Fop, CGB pour la betterave et UNPT pour la pomme de terre.