Algues vertes, les structures de conseil bretonnes inquiètes face à l’évolution de la réglementation
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En Bretagne, coopératives et chambre doivent composer avec un durcissement de la réglementation en matière de lutte contre les algues vertes. Les inquiétudes sont tout particulièrement concentrées sur la mise en place de zones soumises à contraintes environnementales, ZSCE, dont les arrêtés sont encore en cours de rédaction. Explications avec la Chambre d’agriculture régionale et la Cooperl.
Dans les baies algues vertes, les nombreuses remises en cause de l’efficacité des plans de lutte, Plav, ont contraint le législateur à serrer la vis. Un arrêté , publié en novembre dernier, liste de nouvelles mesures à mettre en place sur ces territoires. Un contexte mouvant auquel les structures de conseil agricole restent particulièrement attentives. « La grande inconnue est le contenu final des arrêtés instaurant les zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) et les moyens financiers qui y seront associés », explique Bertrand Convers, délégué aux relations extérieures chez la Cooperl.
Le sixième programme d’actions régional révisé, ou PAR6, prévoit en effet la mise en place de ces ZSCE sur les baies algues vertes. Des inquiétudes d’ordre financières partagées par la Chambre d’agriculture régionale. « Un appel à projets a été lancé par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, mais peu de monde pourra finalement y souscrire, regrette Edwige Kerboriou, vice-présidente de la Chambre, en charge du dossier environnement. Nous sommes surtout déçus que ces ZSCE soient obligatoires partout, alors que dans certaines baies, le Plav fonctionne. »
Des arrêtés pas encore finalisés
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Bertrand Convers, Cooperl : « Fidèles à notre logique d’amélioration, nous serons attentifs à ce que le nouveau plan de lutte contre les algues vertes préserve les grands équilibres de la région, à commencer par le résultat économique des filières d’élevage actuellement déjà en tension. »[/caption]
Pour l’heure, le contenu des arrêtés définissant les mesures à mettre en place dans chaque baie n’est pas encore connu, les textes étant encore en cours de rédaction. « Ce qui est sûr, c’est que ces arrêtés doivent fixer des objectifs de résultats dans chaque exploitation, ce qui est juridiquement compliqué à mettre en place, précise Edwige Kerboriou. Nous refusons de porter le côté réglementaire des ZSCE, nous nous gardons le pouvoir de dire que nous n’irons pas sur certaines mesures. Nous ne pouvons pas jouer sur les deux tableaux : faire la formation et le contrôle. » Indéniablement, le sujet est suivi avec attention par les structures de conseil de la région. Plusieurs coopératives contactées par nos soins ont ainsi expliqué ne pas souhaiter se prononcer sur cet enjeu, tant que les arrêtés ZSCE n’auront pas été publiés.
Interrogation sur les diagnostics d’étanchéité
Les ZSCE ne sont cependant pas les seules à inquiéter la vice-présidente de la Chambre d’agriculture de Bretagne. Une autre mesure à déployer, suite à la révision du PAR 6, est au cœur de ses interrogations : le diagnostic de contrôle de l’étanchéité des ouvrages de stockage des effluents d’élevage. « Il y a une incertitude sur leur faisabilité, note Edwige Kerboriou. Comment cela va-t-il pouvoir être mis en place en respectant les délais ? Cela nous semble difficile car, si nous savons ce qui doit être vérifié, nous n’en connaissons pas la méthode. » Un appel d’offres va être lancé pour la réalisation de ces diagnostics, car la chambre ne dispose pas de cette compétence.
Donner les moyens au conseil
Une réunion du Comité de pilotage du Plav, le 13 mai, a témoigné des craintes des acteurs de la région en ce qui concerne la stratégie de lutte contre les algues vertes. « Les échanges ont été nourris sur les mesures agronomiques, les mesures de reliquats, sur le ciblage, la sortie de la ZSCE, la gestion des zones humides et des espaces stratégiques, mais aussi sur les risques forts de voir l’argent dépensé par l’administratif et non consacré aux agriculteurs », relate Bertrand Convers. À ce sujet, la Chambre a entrepris de faire une estimation du temps de conseil à faire auprès des agriculteurs sur ce sujet. « Nous estimons que cela prendrait entre 4 à 6 jours par an et par exploitation », indique Edwige Kerboriou. Une réunion d’information sera organisée à la rentrée prochaine par la Direction départementale des territoires et de la mer, DDTM.
Cooperl, mobilisée sur le dossier des algues vertes
Pour sa part, la Cooperl insiste sur les efforts déjà entrepris depuis plusieurs années. « Nous avons parfaitement conscience que notre coopérative est implantée dans un secteur sensible et nous prenons notre part de responsabilité face aux enjeux environnementaux de la région », assure Bertrand Convers. 300 M€ ont ainsi été investis ces vingt dernières années. « Notre credo est d’agir à la source. Les élevages de porcs sont souvent mis en cause, mais ils représentent moins de 20 % de l’azote épandu en Bretagne », poursuit-il. Depuis dix ans, le groupe conçoit des bâtiments d’élevage où il n’y a plus de lisiers, via un système de raclage pour récupérer les fèces où se concentrent en majorité l’azote et le phosphore, et ainsi limiter le risque d’eutrophisation. En 2019, la coopérative a investi dans un méthaniseur qui permet de retirer du territoire une pression de 600 tonnes d’azote. Elle travaille également sur la nutrition animale de précision via son programme Synaps, et travaille à l’élaboration d’une charte filière qui prévoit une traçabilité plus fine de l’azote.