Bretagne, la Chambre d’agriculture et Air Breizh partenaires pour réduire les émissions d’ammoniac
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Depuis presque deux ans, Air Breizh et la Chambre d’agriculture de Bretagne portent conjointement le programme Abaa, dont l’objectif est de réduire les émissions d’ammoniac d’origine agricole. Une trentaine d’agriculteurs est engagée sur un territoire pilote, pour mieux cerner les liens entre volatilisation et pratiques agricoles, et un OAD est en phase de test. Le point à mi-parcours avec Meryll Le Quilleuc, pilote du projet chez Air Breizh, Anne Guézengar et Lena Oddos, chargées d’étude à la Chambre régionale d’agriculture.
Pour agir en faveur de la réduction des émissions d’ammoniac d’origine agricole dans l’air ambiant en Bretagne, Air Breizh, l’association agréée de surveillance de la qualité de l’air et la Chambre d’agriculture régionales ont noué un partenariat inédit, au sein du programme Life Abaa (1). « Nous avions fait un premier dépôt, seuls, mais l’UE (2) nous a incité à associer un acteur agricole, rappelle Meryll Le Quilleuc, qui pilote le projet chez Air Breizh. Nous sommes maintenant partenaires depuis deux ans. »
La Chambre insiste sur le caractère innovant de la démarche. « Nous avions déjà mené plusieurs expérimentations sur la baisse des émissions d’ammoniac, mais jamais au niveau territorial, explique Anne Guézengar, chargée d’étude en agronomie à la Chambre régionale d’agriculture. Avec ce programme, Air Breizh propose d’étudier tous les niveaux d’émissions, et de ne plus appréhender les filières indépendamment. »
Évaluer l’appropriation de l’enjeu qualité de l’air sur le terrain
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La première réunion d’agriculteurs a eu lieu en décembre 2022.[/caption]
Pour mener leurs travaux, les deux structures ont délimité un territoire pilote à l’ouest de la Bretagne, Brest-Pays d’Iroise, sur lequel une petite trentaine d’agriculteurs, sept Cuma et deux ETA se sont engagés. « Nous souhaitons travailler sur des leviers individuels : des diagnostics sont en cours de réalisation sur l’ensemble des postes d’émissions : élevage, épandage, etc, précise Lena Oddos, chargée d’études gestion des sols et fertilisation à la Chambre d’agriculture régionale. Mais aussi sur des leviers collectifs. » Deux premières réunions de groupe ont eu lieu en décembre et mars dernier.
Plusieurs autres rendez-vous sont d’ores et déjà prévus. Grâce à la réalisation de ce premier état des lieux, les partenaires veulent déterminer un « point zéro » de l’appropriation de l’enjeu de la qualité de l’air par les agriculteurs. « Nous avons déjà une assez bonne connaissance de l’ordre de grandeur d’abattement des émissions par pratiques agricoles, mais nous n’avons jamais quantifié dans quelles proportions chaque outil, chaque pratique est adoptée par les agriculteurs, souligne Anne Guézengar. Cela va nous permettre d’avoir une image plus précise de ce qui se fait déjà, et quels leviers peuvent encore être activés. »
Faire des corrélations avec les pratiques agricoles
En 2023, les travaux vont porter sur l’installation de trois stations de mesure dans le territoire pilote, pour l’ammoniac et les particules fines. Des prélèvement seront effectués sur les filtres pour analyser leur composition chimique, et mieux comprendre l’origine de ces particules. « L’ammoniac est très volatile, nous manquons d’informations pour comprendre ce que nous mesurons, pose Meryll Le Quilleuc. Nous serons donc en contact étroit avec le groupe pilote pour connaître les pratiques mises en œuvre en amont de la survenue d’un pic de concentrations, pour essayer de faire des corrélations. » Des relevés qui seront à analyser avec prudence, prévient Anne Guézengar : « Par exemple, si la pluie empêche de passer l’épandeur pendant un mois, cela peut biaiser les résultats. Nous devons observer les tendances sur le long terme. »
Accompagner plutôt que montrer du doigt
Grâce à leurs travaux, Air Breizh et la Chambre d’agriculture veulent donner les moyens aux exploitants de respecter l’objectif fixé par l’Union européenne : réduire de 13 % les émissions d’ammoniac par rapport à 2005, d’ici à 2030. « Même si ce sera difficile à mesurer, nous espérons aussi jouer sur le niveau de particules fines dans l’air, via la réduction des émissions d’ammoniac, déclare Meryll Le Quilleuc. Nous voulons jouer sur le changement de pratiques, accompagner, plutôt que montrer du doigt. »
Le groupe pilote sera suivi tout au long du programme, jusqu’à fin 2025. À terme, les partenaires souhaitent valoriser les enseignements de ces travaux sur la gestion de l’épandage dans toute la Bretagne, via des sessions de formation ou des vidéos témoignages. Ils assurent également de leur volonté de transférer l’ensemble des outils développés à tous les territoires intéressés. Nantes Métropole étudierait ainsi de manière concrète la mise sur pied d’un « mini Abaa » pour la filière bovins, entre 2025 et 2027. « Maintenir la dynamique dans le temps fait partie de nos engagements », assure Anne Guézengar.
Le projet est financé à hauteur de 45 % par le programme Life, via une enveloppe de 2 M€ sur 4 ans.
(1) Abaa, pour Ammonia in Brittany’s Ambiant Air, ou l’Ammoniac dans l’air ambiant breton
(2) Le programme Life est financé par l’UE à hauteur de 5,4 milliards d’euros pour 2021-2027.
Un OAD en cours de test pour prévoir la volatilisation
Parmi les outils développés dans le cadre du projet Abaa, Air Breizh et la Chambre régionale d’agriculture ont mis sur pied un outil d’aide à la décision, OAD. Son objectif est de prévoir la volatilisation de l’épandage sur trois jours, grâce à un indice de volatilisation créé par le programme, en prenant en compte un ensemble de paramètres liés au matériel, à la production, aux pratiques et à la météo. « En combinant ces informations, nous allons transmettre aux agriculteurs une quantité d’azote pouvant être perdue via la volatilisation, et si cela est en lien avec la météo, ou les pratiques », explique Lena Oddos, chargée d’études gestion des sols et fertilisation à la Chambre d’agriculture régionale. Une V1 est en cours de test avec le groupe pilote du programme Abaa. L’objectif est de pouvoir diffuser l’OAD dans toute la Bretagne dès l’année prochaine.