Qualité de l’air, le secteur agricole attend des moyens supplémentaires
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Agriculture et qualité de l’air : le sujet est de plus en plus régulièrement abordé et pris en main par les organisations professionnelles agricoles. Dans les exploitations, le sujet reste encore peu maîtrisé et les investissements à réaliser freinent la prise de conscience, alors que la France a des objectifs stricts de réduction des émissions de l’ammoniac et du protoxyde d’azote à respecter pour 2030. Ces enjeux ont été abordés lors d’une conférence organisée le 17 janvier par Chambres d’agriculture France et Atmo France.
« Tout ce qui relève du domaine des pesticides dans l’air n’a longtemps pas fait l’objet d’une réflexion car on pensait alors que c’était inexistant », explique Emmanuelle Drab-Sommesous, directrice déléguée d’Atmo Grand Est, à l’occasion d’une conférence organisé sur le thème de la qualité de l’air, le 17 janvier, par les chambres d’agriculture et Atmo France. Si depuis, la conduite de campagnes exploratoires a mis le sujet en avant, un autre enjeu est en train de prendre les devants : celui de l’ammoniac. La publication, le 16 décembre 2022, du plan national de réduction des polluants atmosphériques, Prepa, qui fixe l’objectif d’une réduction de 13 % des émissions ammoniacales, en 2030, par rapport à 2005, illustre l’accélération de ce sujet. Des trajectoires, pour le secteur agricole, définies dans le cadre de la loi Climat, appellent les exploitants à prendre leur part dans cet effort. Des objectifs considérés avec prudence, si ce n’est inquiétude, par les acteurs du secteur.
Pas de budget spécifique pour le Prepa
« Le Prepa ne bénéficie d’aucun budget spécifique au niveau national, regrette Edwige Kerboriou, vice-présidente de la Chambre d’agriculture de Bretagne, en charge de l’agriculture et de la qualité de l’air. L’Etat nous a dit de nous rapprocher des Régions, et voir si elles pouvaient débloquer des fonds dans le cadre des plans de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, PCAEA. » Une absence de dispositif national que l’élue regrette. « C’est dommage car, selon les Régions, tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne, alors que nous devons tous répondre au même objectif, qui occasionnera des pénalités financières pour la France s’il n’est pas respecté », rappelle Edwige Kerboriou. Cette ambition découlant de la directive européenne Nec, elle propose de flécher une partie du Feader sur cet enjeu. Jean-Luc Fugit, député du Rhône (Renaissance), grand témoin de l’événement a, pour sa part, appelé à « réorienter un certain nombre de crédits de France 2030 pour soutenir des projets liés à la qualité de l’air ».
Le frein du coût dans les exploitations
Sur le terrain, les incitations ne seraient en effet pas de trop. Le coût des équipements, moins émissifs, restent encore prohibitifs pour beaucoup. « Ce n’est pas juste en économisant de l’azote que les agriculteurs vont pouvoir financer ce type de matériel, souligne Léa Hermier, conseillère à la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France. Les crédits alloués à ce type de dépense dans le cadre du plan de relance ont été très vite consommés. » Des contraintes économiques qui pourraient freiner les efforts réalisés au niveau de l’outillage et du conseil.
« Il y a eu une prise de conscience il y a dix ans sur cet enjeu, mais cela ne veut pas dire que celle-ci a eu lieu dans toutes les exploitations, insiste Edwige Kerboriou. Quand on connaît la situation économique de la ferme France, la qualité de l’air n’est pas le premier sujet auquel un agriculteur va penser. » Pour les accompagner et pousser ce sujet sur le terrain, la chambre et l’association de surveillance de la qualité de l’air régionales portent, depuis 2021, le projet ABAA, soutenu financièrement par l’Union Européenne à travers le programme LIFE. Objectif : réduire les émissions d’ammoniac en Bretagne. La Chambre s’apprête, dans ce cadre, à déployer un outil d’aide à la décision, qui prendra la forme d’une application web et mobile. Celui-ci permettra de de simuler les pertes d’azote liées aux émissions d’ammoniac lors d’un épandage selon les conditions météorologiques de la journée et des jours suivants.
Construire une stratégie dédiée
« L’air est un milieu très réactif, les actions concrètes mises en œuvre ont des impacts sur l’amélioration de la qualité de l’air très rapidement, c’est pourquoi nous devons construire une vraie stratégie dédiée à cet enjeu », appelle Emmanuelle. Le moyen aussi de répondre à une ribambelles de questions encore sans réponse, avec en premier lieu l’impact du changement climatique sur la dégradation des molécules.
Le secteur des engrais inquiets
Alors que la course est lancée pour atteindre les objectifs fixés par le Prepa, l’Union des industries de la fertilisation, Unifa, n’a pas caché son inquiétude, compte tenu des récentes évolutions du marché des engrais. « Les engrais les plus émissifs, issus de l’importation, ont fortement progressé ces derniers mois sur le marché français, en raison de leur coût, réagit Sophie Agasse, responsable agriculture, environnement et sécurité industrielle à l’Unifa. En ce qui concerne le protoxyde d’azote, également concerné par le Prepa, il y a une vrai besoin de connaissances au niveau des facteur d’émissions. »