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CarbonConnect, relocaliser le financement de l’agriculture bas carbone

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Mettre en relation agriculteurs et acheteurs de crédits carbone, pour relocaliser le financement de la transition agroécologique : c’est l’objectif de CarbonConnect, organisé début mai dans les Hauts-de-France. 200 structures sont déjà inscrites. Le point avec Mathieu Toulemonde, fondateur de TerraTerre, qui organise l’événement.

CarbonConnect, relocaliser le financement de l’agriculture bas carbone
CarbonConnect, relocaliser le financement de l’agriculture bas carbone

Si le train du bas carbone est résolument en marche dans le secteur agricole, la question de la mobilisation de financeurs souhaitant compenser leurs émissions reste une problématique centrale. C’est justement pour tenter de résoudre cette équation que l’événement CarbonConnect est organisé, le 5 mai, à Lille (Hauts-de-France). « Les sujets de la transition agroécologique et du bas carbone sont discutés dans les secteurs agricole et de l’entreprise, mais très peu d’interactions ont lieu entre ces deux mondes  », explique Mathieu Toulemonde, fondateur de l’entreprise TerraTerre, mobilisée sur ces enjeux. Il porte l’organisation de l’événement aux côtés de nombreux partenaires, à savoir France Carbon Agri Association, la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, la Région Hauts-de-France, le Crédit agricole Nord de France et l'AOPen Dairy.

Le budget reste le frein principal

En 2020, seul 1 % des crédits carbone achetés par les entreprises françaises ont soutenu des projets dans l’Hexagone. CarbonConnect est donc avant tout voulu par ses organisateurs comme un outil pédagogique. « S’engager auprès des agriculteurs est un réel changement de paradigme pour les entreprises, c’est tout l’inverse du financement de plantations d’arbres à l’autre bout du monde, insiste Mathieu Toulemonde.  Il n’y aura pas de financements si les entreprises ne comprennent pas le fond des choses, à savoir que la transition agroécologique coûte cher. » Le prix de la tonne de carbone est en effet bien plus élevé en France, et devrait continuer de croître. « Certaines entreprises parlent du faible nombre de projets français, mais le frein principal reste le budget, reconnaît Mathieu Toulemonde, en évoquant les 600 000 tonnes proposées par France Carbon Agri Association. Les choses commencent à bouger, nous aimerions tendre vers un rééquilibrage de la destination de ces financements, à 50/50 entre la France et les pays tiers. »

Hauts-de-France, objectif 25 % de fermes en transition d’ici à 2025

CarbonConnect est organisé dans le cadre du Plan agroécologie de la Région Hauts-de-France. Celui-ci a été élaboré en partenariat avec la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, Draaf, et la Chambre d’agriculture régionale. L’objectif affiché pour 2025 est de permette à au moins 25 % des entreprises agricoles des Hauts-de-France de s’engager dans une démarche de transition agroécologique.

Appui technique des coopératives

Pour mener cet effort pédagogique et de communication, le fondateur de l’entreprise TerraTerre identifie les organismes agricoles (coopératives, chambres d’agricultures, etc.) comme partenaires essentiels. « Elles assurent un accompagnement technique et agronomique sur le terrain qui a beaucoup de valeur, assure-t-il. Ces structures ont des réseaux captifs d’agriculteurs qu’ils connaissent bien, qui leur font confiance et connaissent mieux les entreprises de leur région. L’enjeu de la transition agroécologique doit être traitée avec les acteurs locaux, en territorialisant son financement. » Ces structures seraient par ailleurs de plus en plus enclines à travailler de manière collective sur ce sujet. « Avant, chaque coopérative travaillait de son côté, ce qui rendait les choses moins lisibles, explique Mathieu Toulemonde. Un mode plus collaboratif est en train d’émerger, notamment pour trouver des financements plus importants. » Selon lui, le label bas carbone peut être un bon levier, par son approche territorial, son périmètre national et le fait qu’il se situe sous l’égide du ministère de la Transition écologique.

Plusieurs régions intéressées

Pour l’heure, près de 200 structures se sont inscrites à CarbonConnect, parmi lesquelles WWF, Auchan, Bonduelle, Dior, etc. « Les acteurs du secteur agricole ne supporteront pas seuls le poids du financement de la transition », prévient Mathieu Toulemonde. Agriculteurs et entreprises de toutes tailles interviendront, lors d’ateliers thématiques. « L’idée est de donner la parole aux agriculteurs, structures agricoles et entreprises de la région pour présenter leurs initiatives et les défis auxquels ils sont confrontés, et de pouvoir échanger à bâtons rompus », résume-t-il. Le concept intéresse en tout cas déjà au-delà des Hauts-de-France. Plusieurs régions de l’Ouest et de l’Est se sont déjà manifestées. Le signe d’une réelle évolution, pour Mathieu Toulemonde. « Quand j’ai commencé à parler du projet, les réactions étaient très mitigées, CarbonConnect n’aurait pas pu exister il y a deux ans. »

Plusieurs milliers de tonnes de carbone déjà vendues par TerraTerre

Mathieu Toulemonde a créé TerraTerre en 2020, suite à un long séjour en Asie. L’entreprise est hébergée sur la ferme familiale à Villeneuve d’Ascq (59), qui lui sert de terrain d’expérimentation. L’entreprise travaille avec de nombreuses structures parmi lesquelles le Groupe Carré, Gaïago, Rize, MyEasyFarm, France Carbon Agri Association, etc. Elle propose de mettre en relation agriculteurs et financeurs, et propose une plateforme de suivi des projets financés, alimentée par les coopératives et les chambres. « Cela permet aussi d’engager les collaborateurs et de revaloriser l’image des agriculteurs », souligne Mathieu Toulemonde. L’entreprise a déjà vendu plusieurs milliers de tonnes de carbone toujours dans un périmètre de 100km autour de l’acheteur.