Conseil stratégique phytosanitaire, « le coût risque de crisper les relations »
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Avec la séparation de la vente et du conseil sur les phytosanitaires, les chambres d’agriculture devront réaliser le conseil stratégique. Dans la Marne, Muriel Bonnefoi l’a testé auprès de sept céréaliers. Accueil des agriculteurs, temps passé, compétences, acceptation du coût, elle revient pour Référence agro sur son expérience plutôt positive, même si des questions subsistent.
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« Je compte une petite journée de travail, dont trois à quatre heures avec l’agriculteur », Muriel Bonnefoi, conseillère à la Chambre d’agriculture de la Marne.[/caption]
Pour Muriel Bonnefoi, la réalisation de ses sept Conseils stratégiques phytosanitaires, CSP, dans le cadre de la séparation de la vente et du conseil, s’est plutôt bien passée. Pour tester la méthode, les chambres d’agriculture ont mis en place une phase de test qui s’est finalisée à la fin 2020. « Je les ai faits avec des agriculteurs que je connaissais, sans les faire payer, explique-t-elle. C’est donc plus simple : je n’ai pas eu de remarques négatives. » Muriel Bonnefoi est conseillère à la Chambre d’agriculture de la Marne depuis plus de trente ans. Elle travaille sur le sud-ouest du département, à dominante céréalière et oléoprotéagineux. Plutôt spécialisée sur le blé, elle suit environ 150 agriculteurs.
Des situations très contrastées
Avant de réaliser les CSP en mars, juste avant le confinement, Muriel Bonnefoi a reçu une formation de deux jours. Elle s’est articulée en une journée sur le B.A.ba du CSP et du référentiel, et une autre sur les solutions alternatives aux produits phytosanitaires et les leviers agronomiques. « Les agriculteurs étaient contents de faire le point sur leur exploitation, de discuter de leurs problématiques, notamment sur le désherbage et la gestion des insectes, explique-t-elle. Nous avons beaucoup parlé des limites de la chimie. » Tous les exploitants ne sont pas au même niveau sur les pratiques. « Pour ceux déjà engagés dans les réseaux Dephy, très peu de modifications sont envisagées, explique-t-elle. Pour d’autres, les changements sont plus profonds, au niveau de leur rotation, voire l’intégration de nouvelles cultures. »
Le temps passé varie aussi d’un cas à l’autre. « Je compte une petite journée de travail, dont trois à quatre heures avec l’agriculteur, indique Muriel Bonnefoi. Cela ne me semble pas trop long pour prodiguer un conseil pertinent. » Si l’agriculteur trace bien ses pratiques et connaît ses Indices de fréquences de traitement (IFT), le gain de temps est important. « Pour ce test à blanc, nous devions regarder les IFT sur un an, alors que pour le CSP, nous devrons recueillir ces données sur trois ans, ajoute-t-elle. Ce sera plus compliqué avec un agriculteur qui a ces éléments sur un bout de papier. » L’acceptation du temps passé dépendra de la réelle motivation de l’exploitant. « S’il vient juste chercher son attestation pour avoir son certiphyto, cela pourra lui sembler long », analyse-t-elle.
Difficile de chiffre les besoins en CSP
Pour gagner du temps, la phase d’audit et de diagnostic pourrait être menée de manière collective. « Nous y travaillons avec les GDA (NDLR, Groupe de développement agricole), indique la conseillère. Cela nous ferait gagner du temps, et serait plus riche pour les agriculteurs qui pourraient échanger autour de leurs pratiques et dégager des pistes de progrès déjà abordées chez d’autres. Comme dit le proverbe : tout seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin. »
Quant au nombre d’agriculteurs qui auront besoin d’un CSP, il est pour l’heure difficile à chiffrer. « Ceux certifiés en Haute valeur environnementale en sont exempts, explique-t-elle. Or, la certification monte en puissance. Par ailleurs, beaucoup d’exploitants dans notre zone sont aussi prestataires. Ils sont déjà audités pour leur activité et n’auront normalement pas besoin de passer le CSP. »
Le coût risque de crisper les relations
Il y a quinze jours, les conseillers du Grand Est ayant réalisé des CSP se sont retrouvés au cours d’une troisième journée de formation, pour échanger sur leurs expériences. « Aucun n’a vraiment eu d’expériences négatives, explique-t-elle. Mais quand les agriculteurs devront payer par obligation, ce sera peut-être différent. » Si le coût de la prestation est encore en réflexion, les chambres réfléchissent à un paiement selon la manière dont les pratiques sont consignées. « Le prix est une réelle inquiétude pour les exploitants, ce qui risque de crisper les relations », reconnaît-elle.