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Dans le Puy-de-Dôme, le projet de gestion collaborative de l’eau rattrapé par les tensions

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Des discussions entre l’ensemble des usagers de l’eau ont été engagées en 2019, dans le Puy-de-Dôme, pour tenter de mettre en place une gestion collaborative à l’échelle du territoire. Depuis, la succession d’années très sèches, ainsi que la pandémie, a largement tempéré l’enthousiasme initial, témoignant de la complexité à mettre en place des concertations sur le sujet du partage de l’eau. Explications avec Jean Potier, chef de service pôle productions de la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme.

© Sabrina Beaudoin - © D.R.
© Sabrina Beaudoin - © D.R.

Référence Agro : En 2019, des discussions sont lancées dans le Puy-de-Dôme autour de l’enjeu de la gestion de l’eau. Quelles étaient les ambitions de cette démarche ?

Jean Potier : À l’époque, nous venions de vivre une sécheresse exceptionnelle. Les élus de la Chambre d’agriculture ont engagé de premières réflexions avec ceux de la Chambre de commerce, ou encore avec Limagrain. Cela nous semblait intéressant d’ouvrir le dialogue sur les différentes facettes de l’agriculture (grandes cultures, élevage, conventionnel, bio) avec d’autres partenaires, comme les syndicats d’eau potable, les collectivités, etc. Nous n’excluions pas non plus l’idée de s’ouvrir aux partenaires environnementaux, tels que FNE, la fédération des pêcheurs, l’UFC-Que Choisir. Après quelques rencontres, il a été décidé de traiter ce thème lors d’une session de la Chambre d’agriculture sous la double présidence du Président de la Chambre d’agriculture et de la Préfète du Puy-de-Dôme, le 27 septembre 2019. L’objectif était de faire un tour de table pour que chacun puisse présenter ses enjeux en matière de gestion de l’eau, de faciliter les échanges et d’avoir un engagement sur la durée. Nous avons pu y apprécier la variété des interventions, la qualité et la franchise des interventions.

R.A. : Un peu moins de quatre ans plus tard, cette prise de contact a-t-elle débouché sur des réalisations concrètes ?

J.P. : Cela a été plus compliqué que prévu. Tout d’abord, la pandémie a mis un frein à nos ambitions, car plusieurs réunions n’ont pas pu avoir lieu. Ensuite, nous ne nous attendions pas à ce que les années suivantes soient si tendues sur le plan climatique. Les réflexions ont été lancées dans un cadre climatique qui, pensions-nous, ne se reproduirait plus. Or, sur les cinq dernières années, seule une n’a pas été difficile. Une crispation est apparue autour de l’enjeu du partage de l’eau. L’idée de mettre en œuvre un projet territorial de gestion de l’eau, PTGE, a été mis sur la table il y a deux ans. Ce projet de PTGE est vécu comme un stress, car il y a une confrontation de chiffres entre les différents usagers. Le PTGE, tout comme la réalisation d’une étude HMUC (hydrologie, milieux, usages et climat) ajoutent une notion de négociation en réponse à un cadre réglementaire, nous ne sommes plus dans un simple échange. Cela a ravivé le spectre de la répartition des volumes, et nous n’arrivons plus à avoir de discussions ouvertes. Le climat est moins sain. Le débat sur l’enjeu du partage de l’eau est compliqué.

R.A. : Quelles sont les perspectives pour ce projet, et plus globalement, pour la gestion de l’eau dans le Puy-de-Dôme ?

J.P. : Nous avons l’impression qu’il est difficile de reconstruire le cadre collaboratif que nous avions espéré. Nous avons perdu l’écoute du début, nous n’arrivons plus à débattre d’une réalité scientifique. Le travail de dialogue se poursuit, notamment avec la Chambre de commerce, les syndicats d’eau potable ou les collectivités. Nous voulons offrir le maximum d’informations à un maximum de partenaires. Nous publions chaque semaine un bulletin dédié à l’irrigation dans la presse départementale, pour fournir aux agriculteurs du conseil, ainsi qu’un état des lieux et un suivi du débit des eaux. Le contexte de sécheresse nous forcera quoiqu’il arrive à poursuivre ces discussions, nous continuons d’être dans une volonté d’échange.

Nous nous projetons sur l’accompagnement de projets de retenues et de bassines. Un protocole départemental a été signé en 2020 par l’ensemble des parties prenantes, pour encadrer la réalisation de projets de petites retenues. Cela s’est bien passé. Deux projets de bassines sont également en cours, près de Clermont-Ferrand. Elles impliquent chacune une petite trentaine d’agriculteurs. Nous sommes convaincus qu’il faut continuer à communiquer sur ces projets. Pour pouvoir défendre l’accord de nouveaux volumes pour l’agriculture, celle-ci doit cependant impérativement améliorer au maximum ses pratiques, à savoir son matériel, ses choix de cultures, l’optimisation de l’irrigation, etc.