Eau, les chambres veulent renouer le dialogue avec les citoyens
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Dans le cadre de leur événement « Les rendez-vous des citoyens avec leur agriculture », les chambres d’agriculture ont organisé, le 16 juin, un débat sur l’eau. Le sujet du stockage de la ressource et l’enjeu d’une plus grande implication des consommateurs ont animé les échanges.
Le récent lancement du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique en témoigne : la thématique de l’eau en agriculture prend de l’ampleur. Pour communiquer vers les citoyens à ce sujet, les chambres d’agriculture ont organisé un temps d’échange, le 16 juin. L’occasion de rappeler, dans un premier temps, l’urgence de la situation, dans le secteur agricole. « Depuis 60 ans, la ressource en eau disponible a chuté de 10 %, indique Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique de la climatologie chez Météo-France. Le plus inquiétant est l’augmentation de l’évapotranspiration et l’assèchement des sols, ce n’est pas une bonne nouvelle pour les agriculteurs. »
L’éternel débat du stockage de l’eau
Difficile d’éviter le sujet du stockage dans un débat centré sur les thèmes de l’eau et de l’agriculture. « Il faut économiser autant que possible l’eau, mais chaque goutte sera essentielle, sans irrigation on n’arrivera pas à continuer à produire », assure André Bernard, président de la Chambre d’agriculture de Paca et de l’Association des irrigants des régions méditerranéennes. Un point de vue partagé, avec parcimonie, par Arnaud Gauffier, directeur des programmes chez WWF. « Nous ne sommes pas anti-stockage, cela sera nécessaire. Mais les retenues durent 60 ou 70 ans, il faut se projeter à cet horizon en les mettant en place, pour être sûr d’être en capacité de les remplir. » Pour sa part, Thierry Caquet, directeur scientifique environnement à l’Inrae, appelle à la vigilance sur la qualité de l’eau stockée, et les risques d’eutrophisation. Il alerte également sur l’enjeu de l’artificialisation des sols en zones humides, qui menace la recharge des nappes. « En ce qui concerne l’eau, la question des sols est centrale », assure-t-il.
En deux mois, des territoires sont passés d’une situation de crues à la sécheresse. Concilier ces deux phénomènes est une nouvelle question qui se pose. Des protocoles sont à développer pour qu’en cas d’inondations en zones agricoles, une partie de l’eau puisse être gardée.
Luc Servant
Vice-président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture
Réduire les émissions pour pouvoir s’adapter
D’autres solutions sont également à l’étude, comme le test de variétés davantage résistantes au stress hydrique, le recours aux eaux usées, la diversification des cultures, ou encore l’agrivoltaïsme. « Nous sommes face à une incertitude de l’ampleur qu’aura le changement climatique. La trajectoire actuelle est de + 4 ou 5 °C, ces innovations ne suffiront pas, il faut réduire au plus vite les émissions pour pouvoir s’adapter », prévient Arnaud Gauffier.
De l’eau dans les assiettes
Les agriculteurs sont souvent pointés du doigt pour leur utilisation de l’eau, notamment pour l’irrigation, mais André Bernard rappelle que chaque personne consomme en moyenne, par jour, 150 litres d’eau pour son hygiène et 2500 litres via son alimentation. « Les agriculteurs utilisent moins d’eau qu’avant, ajoute-t-il par ailleurs. Au lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), le volume utilisé par les exploitants a baissé de 40 % depuis 50 ans. » Des chiffres dont les consommateurs sont peu conscients, admet Stéphanie Truquin, économiste à la Fédération nationale Familles Rurales. Des ateliers sur le bien-manger y sont organisés mais la question de l’eau n’y est pas encore intégrée. « Il y a beaucoup de pédagogie à déployer, pour amorcer la réconciliation. L’alimentation est un bon sujet d’entrée pour les consommateurs », indique l’économiste.