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L’agence de l’eau Artois-Picardie veut compenser les pertes financières des cultures à bas niveau d’intrants

Le | Projets-territoriaux

Expérimenter sur 12 000 hectares un dispositif de compensation financière pour les agriculteurs basculant vers des cultures à bas niveau d’intrants : c’est l’objectif de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, qui attend la validation de cette initiative par la Commission européenne. L’Agence souhaiterait déployer cette expérimentation lors de la prochaine campagne.

Thierry Vatin, le directeur de l’Agence de l’eau Artois-Picardie. 
Crédit photo : Agence de l’eau Ar - © D.R.
Thierry Vatin, le directeur de l’Agence de l’eau Artois-Picardie. Crédit photo : Agence de l’eau Ar - © D.R.

« Nous avons fait le constat que, face aux cultures à haut rendement financier implantées dans notre bassin, il était compliqué de demander aux agriculteurs de se tourner vers des cultures à bas niveau d’intrant. » Conscient de ce dilemme, le directeur de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, Thierry Vatin, a souhaité renverser la balance, en mettant sur pied une aide, pour compenser les productions plus faibles des cultures dites BNI. « Des quantités non négligeables de produits phytosanitaires et d’azote sont utilisées pour les grandes cultures cultivées dans notre bassin, et les rendements peuvent atteindre les 2000 à 3000 € par hectare, souligne le directeur de l’Agence de l’eau. Les dispositifs d’aide traditionnels comme les MAEc ou les paiements pour services environnementaux, n’atteignent pas des niveaux de compensation suffisants. »

En effet, dans le cas des PSE, le niveau de rémunération maximum serait de 900 €/ha, soit jusqu’à trois fois moins que le rendement financier d’un agriculteur du bassin. « Basculer vers des cultures BNI est donc pour l’instant une perte d’argent pour les exploitants », résume Thierry Vatin, qui avait déjà exprimé son point de vue sur cet enjeu lors de son audition, le 26 octobre 2023, par la commission d’enquête sur les plans Écophyto.

Quinze captage ultra-prioritaires

Pour expérimenter le dispositif, une quinzaine de captages « ultra-prioritaires » (25 au niveau de la région) ont été définis. L’objectif est de se focaliser sur les zones les plus vulnérables de chacun d’entre eux, soit en moyenne 1000 hectares par captage. « Les aires d’alimentation de captage peuvent couvrir jusqu’à 10 ou 15 000 hectares, nous souhaitons donc nous focaliser sur les plus vulnérables, proches des captages, où les infiltrations sont les plus fortes », précise le directeur de l’Agence de l’eau Artois-Picardie.

Un budget de plusieurs millions d’euros par an

Si tous les cas de figure seront différents, en fonction de l’exploitation et du captage, les compensations pourraient monter jusqu’à 2000 € par hectare, explique Thierry Vatin. Sans donner de chiffres précis, le directeur de l’Agence de l’eau Artois-Picardie indique que le budget mobilisé par la structure serait de plusieurs millions d’euros par an. « Cet investissement en vaut le coup, je m’engage à tenir cet objectif, assure-t-il. Nous voulons faire la preuve que ce dispositif fonctionne. Ce serait une grande première ! »

Anticiper un durcissement réglementaire

Pour l’instant, l’Agence de l’eau est dans l’attente de la validation du dispositif, déjà approuvé en France par la DGPE à l’automne, par la Commission européenne. « Nous souhaiterions pouvoir débuter l’expérimentation lors de la prochaine campagne », glisse Thierry Vatin. Des travaux ont été menés par la Draaf pour déterminer le type de cultures à implanter sur les captages ultra-prioritaires et le nombre d’agriculteurs qui pourraient être concernés.

S’il préfère attendre la validation du dispositif pour communiquer sur ces sujets, Thierry Vatin insiste sur l’enjeu de cette initiative. « Nous n’arriverons pas à maîtriser la pollution de ces zones vulnérables si nous ne changeons pas de cultures. De plus en plus de questions se posent sur la potabilité de l’eau. Nous avons un réel problème financier et sanitaire devant nous, car nous pourrions finir par dépenser des milliards d’euros pour le traitement de l’eau. Tout le monde sera perdant si le sujet finit par devoir être géré par le réglementaire. »