Réduction des intrants et travail du sol, Arvalis, Oxyane et les chambres à la recherche du Graal
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Initié par Arvalis, le projet Graal a pour objectif de développer une agriculture sans intrants et sans travail de la terre, grâce à une couverture permanente de légumineuses en inter-rang. Subventionné en partie par le Casdar, ce projet expérimental réunit de nombreux acteurs, dont la coopérative Oxyane et des chambres d’agriculture.
Il fallait la recherche du Graal, rien de moins, pour réunir autour d’une même table Arvalis Institut du végétal, les chambres d’agriculture de l’Isère, du Rhône et de l’Ain, l’école d’enseignement supérieur Isara, l’Inrae, la coopérative Oxyane et de nombreux agriculteurs indépendants. Le projet Graal, puisque c’est son nom, va consister en cinq expérimentations et six observatoires pilotés dans des contextes de production et des systèmes de culture variés. D’une durée de trois ans, il sera lancé le 1er octobre prochain, mais sera probablement reconduit à l’issue de la période. Son budget : 813 000 euros, dont 300 000 sont pris en charge par le Casdar.
Le but est de répondre à deux freins de l’agriculture biologique. D’une part, la gestion des adventices, qui oblige à labourer de façon quasi systématique, ce qui dégrade la biodiversité du sol et réduit la captation du carbone. D’autre part, l’accès à la fertilisation des cultures, alors que l’offre d’engrais organiques est insuffisante.
Alterner des rangs de culture principale et des rangs de légumineuses
C’est en étudiant l’agriculture de précision que Régis Hélias, référent technique sur l’AB chez Arvalis, a imaginé en 2015 une solution qui combine agriculture biologique et réduction du travail du sol : faire cohabiter deux espèces en agissant sur la plante compagne sans toucher la culture céréalière. « J’ai eu l’idée de séparer les espèces dans l’espace, avec des lignes de semis et des dates de semis différentes, explique-t-il. Si on arrive à séparer les rangs grâce au guidage par satellite, on a la capacité d’agir sur une espèce sans toucher à l’autre. »
Le principe : alterner des rangs de culture principale céréalière et des rangs de légumineuse, qui capte l’azote de l’air, en particulier durant l’interculture, la restitue au sol, puis, fauchée, sert de couverture permanente pour éviter la pousse d’adventices. « La première année, nous avons coupé nos luzernes entre les rangs de blé avec des ciseaux, puis avec une cisaille à batterie, raconte Régis Hélias. La troisième année, j’ai bricolé un motoculteur avec deux débroussailleuses et un groupe électrogène au bout du champ. Nos premières données nous ont permis de faire une présentation auprès de constructeurs en 2018. » Eco-Mulch contacte alors l’agronome pour lui proposer de concevoir un outil qui permette de faucher une plante de service dans une culture de rente, piloté par guidage RTK.
Le projet Graal : cinq expérimentations, dans des départements et sur des exploitations différentes
Les expérimentations menées durant quatre ans au sein d’Arvalis, dans le Tarn, sont prometteuses : les rendements sont passés de 14 à 40 q/ha, pour un rendement national moyen de 25 q/ha. Le taux de protéine moyen du blé est de 12 %. Les échos du projet parviennent aux oreilles de nombreux acteurs de l’agriculture biologique, mais aussi conventionnelle. « Cette solution va permettre aux exploitations conventionnelles de diminuer progressivement les apports en herbicides, et de devenir de plus en plus autonomes en azote », indique Damien Ferrand, responsable du pôle développement agricole pour Oxyane.
La coopérative mènera une des expérimentations du projet Graal, sur cinq parcelles d’un hectare chacune environ. « Nous avons choisi des rotations et des situations pédoclimatiques variées, en agriculture biologique et conventionnelle, pour avoir une approche la plus complète possible », ajoute Damien Ferrand. Pour ce faire, la coopérative et ses partenaires ont financé la moitié du prix de la machine d’Eco-Mulch, dont le coût atteint 120 000 euros.
Une autre expérimentation a débuté dans une exploitation bio du Tarn, sur sol nu, avec couvert annuel, ou avec quatre espèces de légumineuses pluriannuelles : le trèfle violet, le sainfoin, la luzerne et le lotier. La troisième expérimentation, au Magneraud, en Charente-Maritime, se fera en AB sur des cases lysimétriques, qui permettront d’étudier la dynamique de l’azote dans le sol de ce modèle. Autre expérimentation en cours, celle menée à Boigneville, dans l’Essonne, sur une station d’Arvalis, dont l’objectif est d’évaluer si cette pratique permet de répondre aux difficultés de débouchés de la filière luzerne déshydratées en AB. Enfin, la dernière expérimentation, à Saint-Hilaire-en-Woëvre, en Lorraine, sera dédiée à la polyculture-élevage en conventionnel, avec comme couvert d’inter-rang un mélange ray-grass hybride et trèfle violet qui, récolté pendant l’interculture, pourra alimenter un troupeau de bovins allaitant.