Biodiversité : 300 experts épinglent une Pac inefficace et font leurs recommandations
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Dans un document commun, 300 experts de 23 États membres livrent leur analyse de la Pac 2023-27, sous l’angle de la biodiversité. Leurs recommandations portent sur les pratiques à encourager, le format des aides, les objectifs ou encore les sanctions à imaginer.
La Pac 2023-27 pourrait être plus efficace pour la sauvegarde de la biodiversité. C’est le message que passent 300 experts européens via un rapport publié le 30 juin dans Conservation Letters. Inrae a pris part à ce travail collaboratif qui a réuni des spécialistes issus de 23 États membres. Le document liste les faiblesses du dispositif, tel qu’il est prévu : une évolution des mesures en faveur de la biodiversité « proportionnellement trop faible », une flexibilité permettant une ambition environnementale plus élevée mais trop peu considérée par les États membres, dont certains n’ont de toute façon « pas la capacité de soutenir une transition […] en termes d’ambition, de conception, de suivi, de rapport et d’adaptabilité ».
Zones semi-naturelles et prairies extensives, un rôle essentiel
Les recommandations formulées entrent globalement dans deux catégories : celles qui portent directement sur les pratiques agricoles à encourager ; et celles qui s’appliquent davantage à la structure de la Pac et ses modalités de mises en œuvre. Concernant le fond, l’un des consensus les plus clairs porte sur le rôle essentiel des zones semi-naturelles et des prairies gérées de manière extensive. Les experts regrettent que la Pac post-2023 fixe une part de 4 % de surfaces agricoles non-productives, via la BCAE 8, un chiffre éloigné de celui de la Stratégie biodiversité, qui vise un minimum de 10 % en la matière.
Proposer une Pac plus « territoriale »
Plusieurs suggestions tiennent à l’échelle spatiale des mesures de la Pac. Les actions par exploitation ayant « une portée et un succès limité », les 300 experts promeuvent des dispositifs davantage au niveau des paysages, basés sur la collaboration entre plusieurs agriculteurs, pour mieux prendre en compte notamment la notion de « connectivité » des milieux, essentielle pour les espèces les plus mobiles. Un exemple est mis en avant : celui de la diversité des cultures, dont les bénéfices sont plus tangibles à l’échelle des territoires.
Paiements sur résultats et implication des agriculteurs
Comment mieux formater les objectifs environnementaux de la Pac ? Pour les experts, les objectifs de résultats sont plus efficaces que les objectifs de moyens. Ils concluent donc « que des paiements basés sur les résultats et orientés vers l’action sont probablement optimaux ». Par ailleurs, le document insiste sur la nécessité de former et communiquer auprès des agriculteurs, indiquant que le succès de leur implication dans les enjeux environnementaux passe par un sentiment d’appropriation des mesures qui leur sont proposées.
Formaliser des sanctions pour les États membres à la traîne
Le document s’intéresse aussi au rôle des États membres dans le déploiement de la Pac. Ces derniers étant les garants d’une application optimale des mesures liées à la biodiversité, « la Commission devrait préciser quelles sanctions s’appliqueront aux États membres qui ne sont pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de l’UE ou qui ne fournissent pas suffisamment de données pour évaluer leurs progrès », affirment les contributeurs.
Amenés à donner leur avis en 2020 et 2021, les experts se positionnent, dans ce travail, en amont de la publication des PSN, dont la finalisation se joue actuellement. Sans surprise, ils appellent à des éco-régimes « ambitieux », mais aussi « financièrement attrayants et simples sur le plan administratif ». Une recommandation est exprimée sur le fond : celle de proposer des éco-régimes « pluriannuels, [basés sur] des primes ou des systèmes de paiement progressifs ».