« Bt Impact », évaluer l’impact de Bacillus thuringiensis sur la santé
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Bioinsecticide microbien le plus utilisé dans le monde, la bactérie « Bacillus thuringiensis » (Bt) pourrait être la cause d’intoxications alimentaires. Pour décrire les effets délétères potentiels de la bactérie, le projet Bt Impact, lauréat de l’appel à projets Ecophyto II+, sera lancé à l’automne, par l’Anses, une Unité mixte de recherche CNRS-INRAE-Université Côte d’Azur, l’Inserm et le CHU de Nice, pour une durée de trois ans. Explications avec Mathilde Bonis, porteuse du projet, et Olivier Firmesse, du Laboratoire de Sécurité des Aliments à l’Anses.
Le projet « Bt Impact », porté par l’Anses, et mené en partenariat avec l’Inrae, l’Inserm et le CHU de Nice, fait partie des 26 lauréats, dévoilés en avril, de l’appel à projets Ecophyto II+. Il porte, comme l’indique son nom, sur la bactérie Bacillus thuringiensis, Bt, utilisée depuis les années 50 comme agent de biocontrôle, et qui occupe actuellement la première place du marché mondial des bioinsecticides microbiens. « Son utilisation ne fait qu’augmenter ces dernières années, compte tenu de la volonté gouvernementale de réduire de 50 % l’usage des pesticides chimiques d’ici à 2025, explique Olivier Firmesse, responsable de l’équipe Bacillus et Clostridium au Laboratoire de Sécurité des Aliments de l’Anses. Nous pensons néanmoins qu’elle pourrait présenter un risque pour la santé humaine, notamment car elle est capable de produire certaines entérotoxines, retrouvées chez des pathogènes appartenant au groupe Bacillus cereus (Bc), dont Bt fait partie, et qui sont responsables d’intoxications alimentaires. »
Quatre grands axes de travail
Bt Impact débutera officiellement en octobre, pour une durée de trois ans. Les travaux seront organisés autour de quatre grands axes :
- évaluer l’exposition des populations via l’alimentation, en mesurant les quantités de Bt sur une variété de produits issus de différents types d’agriculture ;
- estimer l’implication de Bt dans différentes pathologies humaines et rechercher si des souches utilisées comme pesticide pourraient être en cause ;
- évaluer le potentiel de virulence de Bt grâce à différents modèles d’infection ;
- étudier le type de réaction immunitaire provoquée.
Ces travaux doivent permettre d’approfondir un premier programme de recherche mené depuis 2018, dans le cadre du dispositif de pharmacovigilance. « Dans ce premier projet nous avons montré que Bt était associée à 20 % des cas d’intoxication alimentaire en lien avec le groupe Bacillus cereus (Bc) en France sur une période de 10 ans (2007-2017), précise Olivier Firmesse. Nous voulons désormais aller plus loin, pour notamment fournir des données et des outils d’aide à la décision, aux instances nationales et européennes, mais également aux industriels. »
Les AMM en cours de réévaluation
Pour l’heure, le groupe Bc fait l’objet de très peu de critères règlementaires de sécurité des aliments, en dépit de son implication dans de nombreuses pathologies humaines, dont les intoxications alimentaires. Une situation qui pourrait évoluer suite aux résultats de ces travaux, qui s’appuient notamment sur un récent amendement d’une norme, permettant désormais de distinguer et identifier les espèces du groupe Bc, dont Bt.
Par ailleurs, « les autorisations de mise sur le marché de huit souches de Bt sont actuellement en cours de réévaluation par la Commission européenne », indique Mathilde Bonis, porteuse du projet et chargée de projet scientifique au sein de l’équipe Bacillus et Clostridium du Laboratoire de Sécurité des Aliments de l’Anses. Ces travaux pourraient donner lieu à une modification des conditions de mise sur le marché de ces bactéries ainsi qu’à l’établissement de mesures de gestion. » Les chercheurs l’assurent cependant, l’objectif n’est pas de revenir sur l’utilisation de Bacillus thuringiensis comme biopesticide. « Nous ne voulons pas créer de la crainte, mais uniquement fixer des conditions d’utilisation optimales sans danger pour l’Homme », conclut Mathilde Bonis.