De fortes taxes, redistribuées aux exploitants, permettraient de réduire les usages de phytos (étude)
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Appliquer aux pesticides de fortes taxes au moment de l’achat par l’agriculteur, puis redistribuer l’argent collecté aux exploitants selon un barème spécifique. C’est l’hypothèse développée par une équipe de chercheurs d’Inrae et de l’Institut agro d’Angers-Rennes. Si les conclusions de ce travail sont encore provisoires, elles esquissent une piste intéressante pour faire reculer les usages.
Alors que les débats sur l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse, RPD, animent cette rentrée, le sujet de la réduction d’usage des pesticides par des taxes et dispositifs fiscaux n’est pas nouveau pour la recherche. Alain Carpentier, directeur de recherche à Inrae et familier de cette thématique, travaille actuellement sur une étude, dont une version intermédiaire a été présentée lors du congrès des économistes agricoles européens, à Rennes, le 30 août. L’hypothèse qu’il a posée avec ses co-auteurs est la suivante : taxer à 100 % les pesticides au moment de l’achat par les agriculteurs, puis redistribuer aux exploitations l’ensemble des sommes prélevées.
Taxes à 100 %
« Ce taux de 100 % a été retenu pour l’exercice, précise Alain Carpentier. Il n’a aucune valeur prescriptive. Nous aurions pu partir sur 80 %, ou 130 %. L’essentiel, c’est le principe d’une taxe forte, dont le revenu serait redistribué aux exploitants. La taxe vise à inciter à réduire les pesticides. Le retour des taxes collectées vise à préserver le revenu des agriculteurs, l’enjeu étant ici de ne pas nuire au pouvoir incitatif de la taxe. » La restitution de cet argent suivrait un barème spécifique, calculé par zone et par culture. Par exemple, tous les producteurs de colza d’un bassin toucheraient X euros au titre des insecticides applicables à cette culture, même s’ils n’en ont pas utilisé. « L’intérêt pour l’agriculteur est de réduire au maximum ses traitements, explique Alain Carpentier. Dans un cas extrême, s’il arrive à ne pas traiter du tout, il touche les X euros de rétribution sans avoir payé un centime de taxe. »
Vigilance sur les rendements
En suivant cette logique, les usages pourraient reculer de 25 %, selon la modélisation réalisée par les chercheurs. Avec, toutefois, un risque de voir les rendements également reculer. Selon les hypothèses de l’étude, il y aurait pour les agriculteurs une perte nette de l’ordre de 21 euros par hectare, malgré le « retour de taxe ». « C’est encourageant malgré tout, car notre modèle ne prend pas en compte l’application d’alternatives par les agriculteurs », glisse Alain Carpentier. Autrement dit, le système de taxe incite à utiliser moins de pesticides, mais n’empêchera pas l’agriculteur de protéger ses cultures via d’autres dispositifs, qui pourraient permettre d’éviter des pertes, et compenser ces 21 €.
Le directeur de recherche précise encore : « Les données utilisées datent de 2007 à 2014, sur un département et ses alentours, et quatre types de cultures : céréales, betterave, pois, colza. L’accès à des données plus récentes et complémentaires permettraient d’affiner ce travail, nous sommes preneurs ! »