Green Deal, des effets économiques à ne pas sous estimer selon Inrae
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L’impact éventuel du Green Deal sur les filières agricoles a déjà fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreuses réactions. Dans une analyse mise en avant en février, Inrae estime que les bénéfices pourraient être positifs, « à condition de jouer simultanément sur l’offre, les pertes et gaspillages, et la demande alimentaire », pour éviter de réelles difficultés économiques.
Alors que la demande de la réalisation d’une étude d’impact a fait l’objet de nombreuses prises de paroles au sein du secteur agricole, et que le ministre de l’Agriculture a de nouveau défendu l’objectif prioritaire de souveraineté alimentaire, le Green Deal et ses impacts sur le secteur agroalimentaire ont fait l’objet d’une analyse par des chercheurs d’Inrae. Leurs travaux, publiés le 15 février 2024 dans la revue de l’Observatoire français des conjonctures économiques (1), se sont notamment attachés à mesurer des effets encore peu étudiés, tels que les effets économiques et non marchands (émissions de gaz à effet de serre, indicateurs de biodiversité et nutritionnels) de la réduction du gaspillage alimentaire et l’adoption de régimes alimentaires plus sains et durables. Le troisième levier, davantage travaillé, concerne le développement de l’agroécologie. « Si l’orientation prônée par le Pacte vert apparaît justifiée d’un point de vue environnemental et de santé publique, il ne faut pas sous-estimer les difficultés économiques qu’il soulève », souligne un communiqué diffusé par Inrae.
Transfert de valeur
Les impacts de ces trois leviers ont été analysés de manières séparée ou conjointe. Ces différents scénarios n’aboutissement en effet pas aux mêmes résultats. Ainsi, l’activation du seul levier agroécologique limiterait les impacts économiques, mais au prix de bénéfices écologiques, eux aussi, modérés, « notamment par les fuites d’émissions et de dommages vers l’étranger du fait d’un accroissement des importations », précise l’institut. A contrario, la mise en œuvre de concert des trois leviers apporterait des bénéfices globaux. « L’augmentation des dépenses alimentaires induite par la hausse des prix due à l’adoption de pratiques agroécologiques pourrait être compensée par le rééquilibrage des protéines végétales et des protéines animales dans les régimes alimentaires, avance Inrae. Les impacts sur l’économie des filières animales seraient, pour cette raison, très négatifs sous le double jeu d’un effet quantité négatif et d’un effet prix négatif. La transition alimentaire se traduirait par un certain transfert de valeur, depuis les filières animales vers les filières végétales. »
De forts soutiens publics à anticiper
C’est en tout cas la théorie. Car, en pratique, les chercheurs anticipent plusieurs points de tension liés aux ambitions du Green Deal, notamment l’évolution des comportements alimentaires et l’avenir des productions animales. Dans les deux cas, des politiques publiques fortes seraient à déployer pour encourager les changements de régimes alimentaires et soutenir les filières animales face à la végétalisation de l’alimentation. « L’ampleur du choc fait que les filières animales et les territoires où l’élevage est l’activité agricole dominante ne pourraient pas s’adapter seuls. Des soutiens publics forts et ciblés seraient nécessaires », défend l’institut.
Les simulations ont été réalisées à partir d’un modèle original du secteur agroalimentaire européen calibré sur les données des années 2018, 2019 et 2020.
(1) Ces travaux avaient également été publiés à l’automne dans la revue Communications Earth and Environment.