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Inrae décrypte les ressorts des démarches de filières agroécologiques 

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Le 13 avril, Inrae a présenté les premiers enseignements d’une étude analysant 28 démarches de filières agroécologiques. L’occasion d’identifier leurs points communs, esquissant le portrait robot d’une signature de qualité.

Marie-Benoît Magrini, ingénieure de recherche à Inrae. - © D.R.
Marie-Benoît Magrini, ingénieure de recherche à Inrae. - © D.R.

« Agroécologie & marchés : quelles démarches et valorisations au sein des filières agri-alimentaires ? » C’est le titre d’une étude réalisée conjointement par les treize groupes filières d’Inrae, et présentée le 13 avril, à Paris (1). Ces collectifs réunissent des chercheurs et des représentants de différentes filières végétales et animales, ainsi que de l’agroforesterie. Elles ont analysé pas moins de 28 démarches agroécologiques (distinctes du bio) pour en identifier les ressorts et les rouages économiques. Si l’hétérogénéité était au rendez-vous, quelques grands constats ont été relevés par Inrae.

Motivations multiples, concrétisations homogènes

Les motivations lors de la création de ces démarches sont, pour le coup, assez diverses, depuis la réponse à une demande du consommateur, ou plus ponctuellement de riverains, à l’anticipation de futures contraintes réglementaires, en passant par le souhait d’améliorer une image de marque. Leur concrétisation, en revanche, prend pratiquement toujours la forme « d’une promesse simple, appuyée sur le choix d’un seul enjeu », souligne Marie-Benoît Magrini, ingénieure de recherche Inrae. Le mot agroécologie est relativement peu utilisé dans cette promesse. « Le concept fait sens, mais les filières lui préfèrent des termes plus ciblés », précise l’ingénieure de recherche.

La confiance au cœur des démarches agroécologiques

Quant aux méthodes suivies, elles prennent deux formes : la création d’une démarche privée innovante ; ou l’intégration/la recherche d’une équivalence avec une signature existante, déjà cadrée (HVE, Siqo…). Dans ce dernier cas, les chercheurs ont identifié un trou dans la raquette pour l’élevage, en l’occurrence l’absence d’un référentiel clé-en-main pour le bien-être animal.

Inrae décrypte les ressorts des démarches de filières agroécologiques  - © D.R.
Inrae décrypte les ressorts des démarches de filières agroécologiques  - © D.R.

Les 28 démarches de filière agroécologiques analysées par Inrae.

Parmi les autres tendances lourdes ? « Le plus souvent, l’un des maillons de la filière est à l’initiative, et en mobilise d’autres, synthétise Marie-Benoît Magrini. Des partenaires sont également associés : ONG, certificateurs, chambres d’agriculture… Dans cet écosystème, la confiance est à la fois une condition nécessaire, et une retombée du travail en commun. » Inrae identifie toutefois un risque, dans ces réseaux : voir le marketing prendre le dessus sur la démarche de fond.

Du cahier des charges au cahier de ressources

La logique qui prédomine dans la construction des cahiers des charges est la concertation, en particulier avec les agriculteurs. « Le concept de “cahier de ressources” monte en puissance, suggérant qu’on n’impose pas des mesures descendantes, mais qu’on propose des outils et méthodes pour changer les pratiques », précise Marie-Benoît Magrini.

L’objet de l’étude étant aussi économique, les scientifiques ont évalué les parts de marché des 28 démarches étudiées, qualifiées de globalement « limitées ». Louis-Georges Soler, économiste à Inrae, explique que ces produits ont malgré tout un effet sur les deux catégories voisines : les produits conventionnels et le bio . Il confirme ainsi indirectement le diagnostic de la Fnab, qui estime que le bio pâtit de la prolifération des signatures agroécologiques. « Si ces signatures devaient être l’avenir de la production conventionnel, le bio devra se distinguer autrement, peut-être en augmentant ses exigences et son prix, quitte à s’adresser à un public moindre », envisage-t-il.


(1) L’étude définitive d’Inrae sera publiée dans le courant de l’année 2023.

Vers une reconnaissance publique de l’agroécologie ?

Faut-il que les pouvoirs publics adoubent l’agroécologie en créant une reconnaissance unique pour les démarches s’appuyant sur le concept ? À la lumière de leur travail, les chercheurs d’Inrae donnent du crédit à cette hypothèse. « L’État pourrait ainsi légitimer les démarches réellement vertueuses et les distinguer des allégations creuses, et ainsi lutter contre la confusion fréquemment déplorée par les consommateurs », glisse Marie-Benoît Magrini, ingénieure de recherche chez Inrae.