« Le Parsada, une opportunité pour le biocontrôle », Christian Lannou, Inrae
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De l’anticipation et des moyens. Pour Christian Lannou, directeur de recherche Inrae et coordinateur pour le Parsada, le plan mis en place par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie Écophyto 2030 va offrir une réelle dynamique dans la recherche d’alternatives aux produits phytosanitaires conventionnels. L’occasion est donnée de fortement développer le biocontrôle.
Le « Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives de protection des cultures », désormais connu sous le nom de « Parsada », est en route. Annoncé en février 2023 par Élisabeth Borne, alors Première ministre, il constitue la première composante de la stratégie Écophyto 2030. Pour Christian Lannou, directeur de recherche Inrae et coordinateur pour le Parsada, ce plan, qui anticipe, réunit les pouvoirs publics, les filières, ainsi que la recherche, et qui est doté d’un budget de 146 M€, constitue « enfin la bonne méthode » pour revisiter la protection des cultures et réduire la dépendance aux produits phytosanitaires de synthèse. Selon lui, le Parsada est « une occasion à ne pas manquer » et « une réelle opportunité pour le développement du biocontrôle », lequel fait partie des moyens de lutte alternatifs à promouvoir.
Travailler par plateformes
Tous les instituts techniques agricoles ont priorisé leurs problématiques, anticipé les futures potentielles impasses techniques, par molécule et par usage. Mais l’objectif de Christian Lannou est de chercher des solutions génériques à décliner. « Nous souhaitons travailler par plateformes », précise-t-il. L’idée est de mettre en place les moyens de trouver des alternatives susceptibles de satisfaire plusieurs problématiques à la fois.
« Parmi les 106 lettres d’intention déjà reçues, beaucoup ont trait à des produits de biocontrôle à base de substances naturelles, informe le directeur de recherche. Mais leurs conditions d’utilisation demeurent peu connues et ces produits proviennent souvent de petites sociétés. L’idée est donc de les tester dans toutes les conditions, de manière systématique et organisée au niveau national, et de partager les informations recueillies. » Christian Lannou souhaite pour ce faire multiplier les plateformes expérimentales comme celle créée par Inrae et l’Institut français de la vigne et du vin, BC2Grape, dédiée à l’évaluation de nouveaux produits de biocontrôle de la vigne. « Le déploiement de ces plateformes pourrait être géré par le Grand défi Biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie, précise le directeur de recherche. Le Grand défi et le Parsada constituent deux instruments différents et complémentaires. Nous devons trouver cette complémentarité. »
Médiateurs chimiques, un levier principal
Les médiateurs chimiques, qui regroupent les phéromones, les kairomones et les allomones, représentent, selon Christian Lannou, la famille de produits de biocontrôle ayant le potentiel de développement le plus important. « Les attentes sont nombreuses, explique-t-il. Les médiateurs chimiques seront un levier principal dans la lutte contre les insectes, car ces solutions sont ciblées, elles sont spécifiques de l’espèce. »
Le directeur de recherche compte, avec le Parsada, passer à l’étape supérieure en termes de recherche sur les médiateurs chimiques. « Nous allons passer de l’âge de la cueillette à l’âge industriel, avance-t-il. Et ce, en séquençant le génome de l’insecte, en repérant les gènes des récepteurs olfactifs puis, à l’aide de l’intelligence artificielle, en synthétisant les molécules. »
En couplant ces solutions à une approche prophylactique (dates de semis appropriées, plantes compagnes, etc.), « nous serons en mesure, d’ici cinq à dix ans, de nous passer d’insecticides », déclare avec optimisme Christian Lannou. Son projet est de voir émerger, d’ici à cinq ans, une collaboration étroite entre trois laboratoires Inrae, des acteurs du développement et des entreprises. « La coopération de ces acteurs s’avère très importante pour aller jusqu’à la solution opérationnelle et son déploiement sur le terrain », souligne-t-il.
Avancer sur la diversité de luttes biologiques
Contre les parasites émergents, Inrae vise une lutte fondée sur l’introduction de parasitoïdes. « La méthode, utilisée contre le cynips du châtaignier, s’est révélée performante ; elle a permis de sauver la production, note Christian Lannou. Mais cette lutte biologique, très ciblée, exige une certaine technicité et s’avère peu rentable pour une entreprise. Raison pour laquelle elle doit relever des pouvoirs publics. » Inrae va donc proposer un projet, dans le cadre du Parsada, pour renforcer son équipe de Sophia Antipolis. Objectif : créer une plateforme en mesure de réaliser cinq opérations de lutte biologique simultanées, ainsi qu’un transfert de connaissance vers des opérateurs du développement.
Les recherches d’Inrae vont également s’orienter sur la lutte biologique inondative, qui consiste à lâcher de manière massive et répétée des macro-organismes auxiliaires vivants, et sur la lutte biologique de conservation. « En aménageant les parcelles, le territoire, en développant l’ensemble des pratiques permettant de favoriser la régulation biologique, nous pouvons réduire les incidences de dix à vingt pour cent », explique Christian Lannou.
Retrouvez l’intégralité de l’article ainsi que toute l’actualité du biocontrôle dans notre Mag en ligne dédié à ces spécialités alternatives, paru le 11 avril.