Mélanges variétaux, la recherche veut « éclairer une pratique qui progresse »
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Dans les champs, les mélanges variétaux gagnent du terrain. Cette pratique, associée à des bénéfices en termes de productivité, a été analysée sous le spectre génétique par une équipe de recherche. Les enseignements de leur étude, qui demandent à être approfondis, intéressent d’ores et déjà certains semenciers.
L’idée est désormais bien établie en agriculture. Mélanger plusieurs variétés au semis est en général porteur de bénéfices pour la culture, notamment en termes de productivité et de résistance vis-à-vis des maladies. Ce mécanisme recèle toutefois une grande variation de résultats : si certains mélanges produisent plus et sont plus résistants qu’attendus, d’autres ont des rendements plus faibles et sont plus affectés par les pathogènes. Dans une étude publiée fin janvier, Inrae, le CNRS et l’Institut Agro Montpellier se penchent sur les mécanismes génétiques qui se cachent derrière ce constat. La productivité et la sensibilité à la septoriose de 200 mélanges de deux variétés de blé dur ont été suivies de près, au regard de leurs profils génétiques.
Analyse génétique des mélanges variétaux
Les chercheurs concluent, sans surprise, à un effet globalement positif de ces associations sur les deux critères suivis : les mélanges sont en moyenne plus productifs et moins malades que leurs composantes pures. Plus intéressant, une zone du génome semble centrale : plus cette zone de l’ADN est diversifiée entre les deux variétés du mélange, moins celui-ci est productif, et plus il est malade. « C’est une conclusion contre-intuitive, explique Germain Montazeaud, auteur de l’étude. La diversité végétale est classiquement plutôt associée à des effets bénéfiques. »
Ce travail demande à être poursuivi. Inrae va donner une suite à ce projet, pour identifier le gène précis qui régit ce phénomène, « car pour le moment, la zone du génome que nous avons repérée en compte une cinquantaine », glisse Germain Montazeaud. Les pistes de travail sont multiples, et pourraient s’appliquer à d’autres cultures, car selon le chercheur, « rien n’indique que ce phénomène ne soit pas également valable pour d’autres espèces ».
Des conclusions qui intéressent les semenciers
Les semenciers peuvent-ils, à ce stade, s’emparer des conclusions de l’étude ? « Certains nous ont contactés, en vue de créer des marqueurs pour cette zone du génome, indique Germain Montazeaud. Nous sommes encore en amont d’une application directe. D’ailleurs, les variétés utilisées dans l’étude ne sont pas représentatives de celles utilisées par les agriculteurs aujourd’hui : nous avons tablé sur une diversité très grande, en utilisant notamment des croisements avec des formes ancestrales du blé. Ceci étant, rien n’empêche les semenciers d’approfondir le sujet, ou de se poser en partenaires des suites de cette étude. »
Car l’objectif des chercheurs est bien d’inspirer le marché. « Nous espérons que cette étude contribue, à terme, à un changement dans la filière, abonde Germain Montazeaud. Les mélanges variétaux font partie des techniques associées à l’agroécologie, et ils pourraient permettre des économies d’intrants. Mieux comprendre leur fonctionnement serait un atout non-négligeable. » D’ores et déjà, cette pratique progresse. Selon France AgriMer, pour le blé tendre, par exemple, 1 % de la sole nationale était cultivée avec des mélanges en 2007, contre 12 % en 2019, et la tendance se poursuit.