Pollinisateurs, l’Anses prépare sa prochaine autosaisine
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Dans le cadre de sa nouvelle ouverture aux sciences sociales, l’Anses mène actuellement une étude visant à détailler le cadre politique et réglementaire applicable aux pollinisateurs. L’Agence en en présenté les contours lors d’un colloque dédié à la santé des abeilles organisé le 7 décembre à Paris.
Depuis quelques années, l’Anses s’ouvre plus largement aux sciences sociales. Celles-ci pourraient devenir centrales dans le cadre d’une prochaine autosaisine sur les politiques dédiées aux pollinisateurs. Une étude lancée en septembre 2023 par l’agence vise « à faire un état des lieux de la réglementation dédiée aux pollinisateurs, à recenser les acteurs impliqués, et à analyser le positionnement de l’Anses pour mieux formuler les questions de l’autosaisine », a expliqué Émeline Hilly, économiste de l’environnement au sein de l’Anses, lors d’un colloque dédié à la santé des abeilles organisé le 7 décembre à Paris.
Le travail mené par deux stagiaires de l’école des eaux et forêts (Engref) a permis d’établir la liste des textes législatifs et réglementaires dédiés aux pollinisateurs. Un travail d’inventaire qui a déjà recensé près de 500 textes européens et 50 textes français. « Il y a une opposition forte entre une approche très cadrée, centrée sur les produits phytosanitaires, et le reste des approches non-réglementaires, encourageant des échanges plus informels entre acteurs », analyse Anna Antraygues, l’une de ces élèves ingénieures.
Une politique des pollinisateurs qui cherche son capitaine
Pour compléter le tableau, l’équipe de l’étude a également mené une vingtaine d’entretiens auprès de tous les acteurs concernés par ces politiques, des services du pôle produit réglementé de l’Anses en passant par les organisations d’agriculteurs, d’apiculteurs, ou encore la société civile. « Éviter la surreprésentation des acteurs des produits phytosanitaires a été l’un des points délicats », reconnaît la polytechnicienne Éléonore Chevenois.
L’étude ne devrait pas être publiée avant le mois de février, mais plusieurs conclusions se dessinent déjà. « Entre l’aménagement, les pesticides, la protection des milieux et l’activité agricole, le sujet des pollinisateurs est tellement transversal qu’il a du mal à trouver sa gouvernance », analyse Éléonore Chenevois. Preuve de ces difficultés, le plan pollinisateur, dévoilé en 2022 comme une réponse à la prolongation des néonicotinoïdes, « a du mal à se mettre en place et à être suivi, à cause d’une forme d’inertie », complète Anna Antraygues.
Les apports de la recherche fondamentale
L’équipe se penche également sur les arguments au cœur des débats politiques et réglementaires. « Il y a une vision assez utilitariste de la pollinisation chez la plupart des acteurs », note Anna Antraygues. En clair : les discussions sont souvent centrées sur la manière dont le service de pollinisation peut améliorer les performances techniques, et donc économiques, de l’agriculture. « Même des acteurs qui partagent la vision d’une valeur intrinsèque de la pollinisation, c’est-à-dire en-dehors de tout lien avec la production agricole, adoptent eux aussi le discours utilitariste pour mieux dialoguer avec les autres », complète Éléonore Chenevois.
Si ces concepts peuvent sembler loin du quotidien des agriculteurs, ils n’orientent pas moins les politiques, tout comme la recherche fondamentale en biologie, rappelle Gilles Salvat, le directeur général délégué à la recherche et référence de l’agence. « Sur les abeilles et les pollinisateurs en général, il y a une forte corrélation entre la recherche et la science réglementaire. C’est grâce à des travaux de haut niveau sur les larves, ou le temps de retour à la ruche que les procédures d’AMM ont été modifiées », rappelle le docteur vétérinaire.