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« Pour la protection intégrée, les alternatives font encore défaut », Nathalie Verjux, Arvalis

Le | Recherche-developpement

La Commission européenne plaide pour le déploiement de la protection intégrée des cultures afin d’atteindre l’objectif de baisse de 50 % d’utilisation de produits phytosanitaires d’ici à 2030. Pour Nathalie Verjux, les changements de pratiques en grandes cultures n’interviendront que lorsque la palette de solutions s’étoffera. La cheffe du service protection intégrée des cultures chez Arvalis-Institut du végétal appelle à une recherche soutenue et concertée.

« Pour la protection intégrée, les alternatives font encore défaut », Nathalie Verjux, Arvalis
« Pour la protection intégrée, les alternatives font encore défaut », Nathalie Verjux, Arvalis

« Le déploiement massif de la protection intégrée des cultures ne pourra se faire qu’en étoffant les solutions opérationnelles à proposer aux agriculteurs. » Pour Nathalie Verjux, cheffe du service protection intégrée des cultures chez Arvalis-Institut du végétal, le principal frein à l’adoption de ces principes de protection en grandes cultures ne réside pas tant dans la résistance au changement que dans le manque d’alternatives.

Besoin d’une recherche soutenue et concertée

Les principes généraux de lutte intégrée contre les ennemis des cultures, énumérés à l’annexe III de la directive 2009/128/CE et obligatoires depuis le 1er janvier 2014 dans tous les États membres, n’ont jamais été largement mis en œuvre. La Commission européenne, avec sa proposition de règlement pour une utilisation durable des pesticides, montre clairement sa volonté de les remettre sur le devant de la scène afin de parvenir à une baisse d’utilisation de produits de synthèse de 50 % d’ici à 2030.

Mais pour Nathalie Verjux, la gamme de solutions alternatives disponibles pour les producteurs de grandes cultures demeure insuffisante et la baisse de 50 % d’utilisation de produits apparaît encore difficile. « Une recherche plus soutenue est nécessaire, plaide la responsable. Une recherche publique et privée, fondamentale et appliquée, qui mobilise de façon concertée toutes les ressources. Il en va de la compétitivité des exploitations et, avec elles, de filières agricoles entières. » Nathalie Verjux regrette entre autres la dispersion des financements du plan Écophyto qui, selon elle, devraient davantage être fléchés sur la recherche ciblant les alternatives ou la combinaison des leviers.

Trouver des solutions pour tous les systèmes de production

« Penser que la ferme France va reconcevoir ses systèmes et passer à des rotations de huit ans partout et dans toutes les exploitations est illusoire, reprend-elle. Parce que, entre autres, les productions pouvant remplacer les productions les plus fréquentes, tout en étant rentables, en disposant de débouchés et en réduisant l’utilisation de produits phytosanitaires, ne sont pas légion. Nous devons aussi trouver des solutions pour les producteurs qui resteront sur des rotations de trois ou quatre ans. Étoffer la gamme d’alternatives permettra à chacun de trouver la combinaison de solutions répondant au mieux aux besoins de son exploitation. »

La recherche s’avère d’autant plus indispensable que les bioagresseurs évoluent sans cesse, tout comme les résistances, et que la réglementation se renforce, avec une montée en puissance des interdictions de molécules et des restrictions d’usages des produits. « Le temps d’accès aux nouvelles solutions ou de changement des pratiques reste long, alors que la perte de solutions de protection est sur une tendance plus rapide, ajoute Nathalie Verjux. Nous devons aller plus vite. »

Des progrès, mais lents

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« Pour la protection intégrée, les alternatives font encore défaut », Nathalie Verjux, Arvalis - © D.R.
« Pour la protection intégrée, les alternatives font encore défaut », Nathalie Verjux, Arvalis - © D.R.

Source : Communication faite dans le cadre de la Conférence sur les moyens alternatifs de protection pour une production intégrée (Comappi) organisée à Lille par Végéphyl en mars 2022.[/caption]

« Des progrès ont été faits et nous remarquons que dès qu’une alternative est opérationnelle, elle est adoptée, relève Nathalie Verjux. À titre d’illustration, le soufre est très utilisé contre la septoriose du blé, comme le sont les variétés de blé tendre plus résistantes aux maladies foliaires. Par ailleurs, de nombreuses solutions émergent, comme par exemple les retards de dates de semis sur blé tendre et orge d’hiver pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse nanisante de l’orge et contre les populations de graminées. La caractérisation des risques a également progressé. Elle repose sur les observations, les pièges, les modèles et OAD.

La lutte directe tels que le désherbage mécanique, la pulvérisation de précision, le biocontrôle ou encore les plantes de service, permettent également de baisser l’utilisation de produits phytosanitaires et font l’objet de travaux multiples. Mais les besoins de recherche sont encore nombreux sur grandes cultures. Et ce, sur les trois niveaux d’action de la lutte intégrée que sont la prophylaxie, la caractérisation du risque et la lutte directe. »