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VRTH, compensation, rendements… l’Inrae aborde la biodiversité sous toutes les coutures

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Les mois de décembre et janvier ont vu la parution de trois études scientifiques abordant le lien entre biodiversité et agriculture. L’Inrae contribue activement à cette dynamique. Retour sur les enseignements de trois de ces publications.

VRTH, compensation, rendements… l’Inrae aborde la biodiversité sous toutes les coutures
VRTH, compensation, rendements… l’Inrae aborde la biodiversité sous toutes les coutures

« La recherche s’intéresse de plus en plus aux liens, très forts et essentiels, entre l’agriculture et la biodiversité. L’approche ne se cantonne plus à l’étude des impacts de la première sur la deuxième, mais aussi sur les services mutuels que se rendent ces deux éléments. » Le 2 février, Christian Huyghe ouvrait, par ce commentaire, un webinaire consacré aux projets Casdar abordant la biodiversité. Il parle en connaissance de cause : l’Inrae, dont il est le directeur scientifique pour l’agriculture, a contribué à la publication de trois études sur ce thème, ces deux derniers mois.

Les effets collatéraux des VTRH investigués

En 2010, la France a approuvé l’utilisation de variétés de tournesol tolérantes à deux substances actives herbicides (VRTH). Un moyen de lutter, notamment, contre l’ambroisie à feuille d’armoise, botaniquement proche de la culture. Ces variétés de tournesols peuvent en effet être traitées en post-levée, pour un meilleur contrôle de l’ambroisie, sans avoir d’effet négatif sur la culture. Avec un impact plus fort sur la biodiversité environnante ? Pour le savoir, des chercheurs ont étudié la diversité de la flore de 239 champs de tournesol et de leurs abords, dans trois régions françaises entre 2017 et 2019. Verdict : « aucun effet non-cible des VRTH n’a été observé sur les bords de champs, mais les pratiques associées à ces cultures conduisent à une diminution de la diversité d’espèces adventices au centre des parcelles », conclue l’étude. En revanche, l’efficacité des traitements n’est pas totale : l’ambroisie reste présente dans les champs de VRTH après désherbage.

Étude publiée le 11 janvier dans Weed research.

Réorienter la compensation écologique

Inscrite dans la loi depuis 2016, la séquence « éviter, réduire, compenser », ERC, s’applique aux projets susceptibles de causer une dégradation de l’environnement. Le programme CompAg, coordonné par l’Inrae, se base sur un travail bibliographique pour aiguiller cette compensation en faveur de la transition agroécologique. Premier constat, qui porte sur le territoire où a lieu la dégradation : la séquence ERC s’applique en particulier à ceux qui concernent des espèces ou écosystèmes « notables ». L’Inrae suggère de l’élargir à la « nature ordinaire », dont font partie les agroécosystèmes, qui peuvent fournir des services écosystémiques même en agriculture conventionnelle. Autre conclusion : les mesures compensatoires sont actuellement pensées à l’échelle des parcelles, ou de ses bordures, « alors que les gains écologiques impliquent de se projeter à l’échelle de l’exploitation, voire du territoire », selon l’Inrae.

Rapport publié par l’Inrae en janvier 2022, synthèse proposée ici.

La biodiversité pèse dans les rendements

Dans une troisième publication, l’Inrae analyse l’effet des pratiques agricoles et du paysage sur la biodiversité et ses fonctions écologiques, tout en prenant en compte les rendements. Réalisés dans le Sud-Ouest de la France, sur un site d’étude à long terme, ces travaux montrent que la biodiversité agricole « contribue tout autant aux rendements des cultures que les pratiques agricoles elles-mêmes ». Certaines pratiques instinctivement associées à la hausse des rendements, comme l’usage d’intrants chimiques, en nuisant à la biodiversité agricole et ses fonctions écologiques, auraient ainsi des effets « deux fois moindres que ce que l’on pourrait en attendre », si l’on prend en compte les services écosystémique que leur utilisation annule. L’étude souligne l’importance de l’hétérogénéité des paysages agricoles dans le maintien de la stabilité des rendements, face à des événements climatiques défavorables plus fréquents.

Étude publiée en 2022 dans Agriculture Ecosystem and Environnement.