« Les usages phytosanitaires mal pourvus prennent le pas sur les usages pourvus », Jean-Claude Malet, DGAL
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Selon Jean-Claude Malet, expert auprès de la direction générale de l’alimentation, certaines cultures et filières sont mises à mal en France en raison d’usages phytosanitaires de moins en moins bien pourvus. Explications.
La Conférence sur les moyens alternatifs de protection pour une production intégrée (Comappi), organisée à Lille les 8 et 9 mars 2022 par Végéphyl, a donné l’occasion à Jean-Claude Malet, expert auprès de la direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère chargé de l’agriculture, de faire le point sur les usages phytosanitaires orphelins.
La France a en effet mis en place en 2008, un dispositif collaboratif pour répondre à la problématique des usages orphelins : la Commission des usages orphelins. Ce dispositif est intégré à l’organisation européenne « minor uses », mise en place en 2015.
L’analyse de la situation montre la fragilité de certaines cultures et filières. « Or ces filières, comme la mâche en région nantaise, le houblon dans l’Est… participent à la préservation de la diversité de l’agriculture française », a précisé Jean-Claude Malet.
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Des usages de moins en moins bien pourvus
« Les usages orphelins ne concernent pas uniquement les cultures mineures pour lesquelles les sociétés phytosanitaires n’investissent pas ou peu en raison de faibles surfaces implantées, a spécifié l’expert. Certaines cultures majeures manquent de solutions, comme le colza, par exemple, pour lutter contre les méligèthes, les altises. »
En 2021, étaient dénombrés 30 % d’usages majeurs (518) et 70 % d’usages mineurs (1231). Les usages majeurs étaient pourvus à hauteur de 74 %, les usages mineurs à hauteur de 59 %. Mais si, depuis dix ans, la part d’usages pourvus reste relativement stable, ces derniers sont de moins en moins « bien pourvus » (nombre de substances et modes d’actions disponibles, efficacité des solutions, risques de disparition des substances…). Les usages bien pourvus étaient de 28 % en 2011, ils n’étaient plus que de 13 % en 2021. « Les usages mal pourvus prennent le pas sur les usages pourvus », a alerté Jean-Claude Malet.
Un quart des usages phytosanitaires avec un seul mode d’action
« Un quart des usages ne dépend que d’un seul mode d’action pour leur couverture phytosanitaire », a complété le spécialiste. Le risque est alors de voir apparaître des situations d’impasse technique par le développement de résistances chez certains bioagresseurs.
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Modes d’actions disponibles par usage (en 2020)[/caption]
Des méthodes alternatives encore peu développées
Les méthodes alternatives identifiées par les experts filières, à savoir tout moyen de lutte n’entrant pas dans le champ des produits phytosanitaires avec autorisation de mise sur le marché (AMM), ne sont pas légion. Elles ne sont largement mises en œuvre que sur 89 usages. Car si ces méthodes sont généralement accessibles, leur efficacité et leur faisabilité constituent souvent des freins à leur développement. Seuls 24 usages ont au moins une méthode alternative disponible et réellement mise en œuvre, accessible, efficace et faisable.
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Couverture des usages par des méthodes alternatives de lutte (en 2020)[/caption]
Un maître-mot : anticiper
Le dispositif français pour les usages orphelins a pour objectif d’anticiper l’évolution des usages au regard des solutions existantes, du devenir des substances actives et des solutions à venir, des parasites émergents… Sont ainsi suivis de près le calendrier communautaire de révision des substances actives, le niveau de menace et les possibilités de substitution qui sont offertes. Mais « l’anticipation se fait souvent au pas de course », a signalé Jean-Claude Malet.