PLOA : « Que l’eau puisse bénéficier au plus grand nombre » (V. Marchesseau, Confédération paysanne)
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La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a auditionné, le 10 avril 2024, Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne, ainsi que Stéphane Galais, secrétaire national, dans le cadre du cycle d’auditions préalables à l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
« Des leviers majeurs devaient apparaître dans cette loi. Le premier, permettre de dégager du revenu dans les fermes. C’est un facteur d’attractivité. Sans revenu, on ne peut pas maintenir les fermes et assurer le renouvellement des générations. Le second levier est de permettre l’accès au foncier pour toutes les personnes qui désirent s’installer en agriculture. Or la gestion existante du foncier va plutôt vers l’agrandissement des fermes existantes. Il y a la nécessité de faire apparaître une autre façon de se partager le foncier », déclare Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne, lors de son audition devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024. Cette commission auditionnait Véronique Marchesseau, ainsi que Stéphane Galais, secrétaire national, dans le cadre du cycle d’auditions préalables à l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
« Un problème de gouvernance dans les chambres d’agriculture »
« Sur le principe, nous ne sommes pas opposés à la mise en place de France service agriculture, le guichet unique pour garantir les accompagnements à l’installation et à la transmission. Ce qui nous inquiète terriblement, c’est que ce guichet unique soit confié aux chambres d’agriculture. Nous dénonçons un problème de gouvernance dans les chambres d’agriculture. Si cela doit rester en l’état, il faut l’accompagner d’une modification de la gouvernance des chambres d’agriculture pour assurer que tous les syndicats puissent siéger et influer dans les prises de positions des chambres d’agriculture, afin d’avoir un accompagnement réellement pluriel.
Beaucoup d’associations accompagnent les porteurs de projet. Il faut s’assurer que tout ce travail qui a fait ses preuves puisse continuer dans ces nouveaux parcours. Il y a la nécessité d’une garantie de labellisation de toutes les structures d’accompagnement existantes qui permettent d’accompagner la diversité des porteurs de projet.
Le réseau de l’agriculture paysanne accompagne un tiers des personnes s’installant en agriculture, et notamment 60 % des personnes non issues du milieu agricole. Il nous paraît nécessaire que ces parcours qui se sont construits puissent perdurer dans le temps », a déclaré Véronique Marchesseau.
« Que (la PAC) soit plus juste et qu’elle soutienne plus les petites fermes »
« Nous regrettons le détournement sémantique de la souveraineté alimentaire. Nous rappelons que la souveraineté alimentaire en tant que concept a été déposée au niveau international. Il s’agit du “droit des peuples à choisir leur alimentation et à coproduire leur alimentation ; le droit des peuples, en étant informé de façon démocratique, à accéder à une alimentation de qualité pour toutes et tous, qui garantit la santé et le maintien des ressources”.
Il y a des failles pour garantir cette souveraineté alimentaire, telle que nous l’avons définie :
- les politiques qui favorisent l’agrandissement ;
- la concentration de la production ;
- la concentration des acteurs de l’industrie de l’agroalimentaire ;
- la captation de la valeur produite par le secteur agricole par l’amont et l’aval ;
- l’absence de transition agroécologique qui fragilise nos ressources ;
- la mise en concurrence de l’alimentation et de l’énergie.
L’agriculture doit avoir une fonction nourricière et non pas être un support de marchandisation et de production énergétique.
Nous militons pour la réforme de la PAC, pour qu’elle soit plus juste et qu’elle soutienne davantage les petites fermes. Il faut sortir des aides surfaciques favorisant l’agrandissement et l’intensification des fermes.
La priorité est la régulation du foncier. Pour pouvoir s’installer et accéder à du foncier, il faut travailler sur les outils de régulations :
- affirmer la transparence et la régulation foncière comme objectif des politiques publiques ;
- dresser un inventaire des unités de production agricoles ;
- mettre en place des observations opérationnels du foncier ;
- étendre le contrôle des structures à l’ensemble des transactions ;
- unifier la régulation du foncier ;
- prioriser l’emploi et la création de valeur ajoutée par hectare en favorisant la pratique agroécologique ;
- attribuer les autorisations d’exploiter sur la base des surfaces agricoles utiles pondérées par les priorités du Schéma directeur régional des exploitations agricoles (SRDEA) », a indiqué de son côté Stéphane Galais.
« Que l’eau puisse bénéficier au plus grand nombre »
« Nous voulons une spécialisation des régions, avec une relocalisation de l’agriculture et donc une politique publique qui accompagne la création de nouvelles filières relocalisées avec des outils de proximité, comme des abattoirs de proximité ou d’autres outils collectifs.
Nous ne sommes pas d’accord avec le fait d’accélérer la vitesse de révision des contentieux. La Confédération paysanne se bat depuis longtemps pour la répartition et le partage de la ressource en eau. Nous ne sommes absolument pas opposés à l’irrigation, mais pour qu’il y ait des paysans et des paysannes nombreux, il faut que cette ressource puisse bénéficier au plus grand nombre pour maintenir un maximum de fermes en activité. Ce qu’on nous propose comme stockage massif de l’eau ne répond pas à cette notion de répartition et de partage de l’eau. Cela permet à quelques fermes de pouvoir continuer sans changer leur façon de produire et cela empêche à d’autres fermes de pouvoir sécuriser leur production. », reproche la secrétaire générale de la Confédération paysanne.
« La ferme France est celle qui évitera l’hémorragie du nombre de paysans et paysannes »
« Pour nous, la ferme France est celle qui évitera l’hémorragie du nombre de paysans et paysannes. Dans les années 1990, nous étions 1 million de paysans. Nous sommes 400 000 aujourd’hui et l’Anses prévoit, à l’horizon 2030, 270 000 paysans en France. Dans les années 2050, nous arriverons à moins de 200 000. La ferme France que nous voulons est celle qui garantit un maillage sur le territoire de paysans et paysannes nombreux, de fermes à taille humaine, et qui permet de rémunérer les paysans correctement.
Une ferme France garante des ressources et du maintien de la biodiversité et qui accompagne les enjeux climatiques et écologiques. La ferme France s’émancipe de la marchandisation de l’agriculture. Elle sort de la compétition des paysans entre eux au profit d’une agro-industrie. Elle sort du modèle productiviste qui nous a été imposé depuis les années 50. Le rôle de l’agriculture n’est pas de faire des flux financiers au profit des géants de l’industrie mais de faire de la nourriture pour nos concitoyens.
Cela me permet de rebondir sur la filière miel, qui est en grande souffrance. On ne mesure pas l’enjeu à maintenir cette filière, au-delà de l’enjeu économique. Les abeilles participent à maintenir notre pouvoir agronomique, elles participent à la pollinisation. On a l’exemple parfait de la marchandisation, de la catastrophe qui est de mettre les agriculteurs en concurrence les uns avec les autres, l’exemple parfait de la prédation de la valeur par l’industrie et par les négociants. S’il y a un exemple de ce que nous ne voulons pas voir en agriculture, c’est cela », conclut Stéphane Galais.