Stratégie pour une chimie durable, les phytosanitaires seront impactés
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La stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, lancée en octobre 2020 par la Commission européenne, va largement impacter l’encadrement des produits chimiques au sens large et donc également toucher le secteur des produits phytosanitaires. Explications avec Julien Durand-Réville, responsable santé chez Phyteis, qui suit le dossier de près.
Le 14 octobre 2020, la Commission européenne publiait une stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques (Chemicals Strategy for Sustainability). Cette stratégie, qui fait partie de l’ambition « zéro pollution », un engagement clé du Pacte vert pour l’Europe, comprend plus de 80 actions qui vont considérablement modifier l’environnement de la chimie au sein de l’Union européenne. Restrictions sur des familles de substances, interdictions des produits les plus nocifs, création d’un concept d’usages essentiels, critères harmonisés pour les perturbateurs endocriniens, prise en compte des effets cocktails lors de l’évaluation des risques, refus d’exporter les produits chimiques interdits dans l’UE, révision des règlements Reach et CLP (Classification, Labelling, Packaging)… autant de sujets travaillés qui sont susceptibles de modifier également le secteur des produits phytosanitaires. Ces modifications devraient en outre arriver rapidement : la volonté politique est forte.
Des effets collatéraux sur les phytosanitaires
« En définissant un cadre général pour les produits chimiques, cette stratégie européenne peut, selon les critères et définitions qui seront adoptés, prendre le pas sur les réglementations sectorielles, comme celle relative aux produits phytosanitaires », souligne Julien Durand-Réville. Pour le responsable santé chez Phyteis, ex-UIPP, l’Union des industries de la protection des plantes, le diable se cache dans les détails. « La réglementation relative aux produits phytosanitaires est très en avance et sera nettement moins touchée que d’autres secteurs chimiques, mais les éventuels effets collatéraux sont à étudier », précise-t-il. Car les réglementations transversales devront être prises en compte dans les réglementations sectorielles.
« La Commission européenne envisage par exemple d’unifier les évaluations des substances, de les faire réaliser indépendamment de leurs domaines d’usages, reprend Julien Durand-Réville. Elle réfléchit par ailleurs à mettre en place des procédures pour restreindre/interdire des substances dangereuses par familles entières, plutôt que substance par substance. Une telle réflexion est en cours sur les micro-plastiques. En fonction des définitions retenues sur les microplastiques, par exemple, des produits chimiques, dont les produits phytosanitaires, pourront ou non être touchés par les restrictions. Les formulations encapsulées, certains polymères de coformulants ou d’enrobages de semences, par exemple, risquent d’être incluses dans les micro-plastiques interdits. »
Phrases de danger, effets cocktails : des sujets à suivre
De même, le travail européen sur de nouvelles phrases de danger, qui sont en train d’être définies dans le nouveau règlement CLP, va modifier les étiquetages des produits chimiques et donc ceux des produits phytosanitaires.
Autre sujet à suivre de près : les effets cocktails. Bruxelles travaille à la mise en place d’une nouvelle marge de sécurité, qui viendrait s’ajouter aux facteurs de sécurité actuels, afin d’écarter les éventuels risques liés à l’exposition simultanée à plusieurs substances. « Le secteur phytosanitaire était le premier à prendre en compte « l’effet cocktail », en évaluant ensemble des groupes de substances qui agissent sur les mêmes organes ou fonctions du corps, explique le responsable santé chez Phyteis. Devra-t-on alors conserver cette procédure sectorielle actuelle, adopter le nouveau facteur de sécurité supplémentaire qui sera appliqué à toute la chimie, ou bien encore cumuler les deux approches ? »
Les interrogations se révèlent nombreuses. Les réponses ne seront apportées qu’avec les détails des textes adoptés. Affaire à suivre, donc.