Sival 2025 : accélérer le biocontrôle par le partage du risque
Par Stéphanie Ayrault | Le | Protection des cultures
Lors des 11èmes rencontres du biocontrôle, qui se sont tenues le 14 janvier 2025 au Sival à Angers, les acteurs ont souligné l’importance du partage du risque, qui repose actuellement essentiellement sur l’agriculteur. Si des distributeurs, comme Océalia et les Ets Charpentier, mettent en place des stratégies pour prendre leur part du risque, les acteurs de l’aval, les assurances et les pouvoirs publics sont également plébiscités. Un appel à projets du ministère de l’Agriculture est attendu au premier semestre 2025 pour partager les coûts et les risques le long de la chaîne de valeur alimentaire.
Pour développer les solutions de biocontrôle, le partage du risque est un enjeu majeur. « Aujourd’hui, c’est l’agriculteur qui prend la totalité du risque. L’activité agricole devient de plus en plus fluctuante, et face à ce risque, on choisit la solution la plus simple. Nous voyons des coopératives et des négoces qui s’organisent pour prendre une part du risque. Nous avons besoin que les assurances, l’aval et les pouvoirs publics s’impliquent davantage », indique Quentin Matthieu, responsable entreprise et consommation au sein du think tank Agridées, lors des 11èmes rencontres annuelles du biocontrôle, qui se sont tenues le 14 janvier 2025 au salon des cultures spécialisées Sival à Angers (Maine-et-Loire).
Des coopératives et des négoces s’organisent pour prendre une part du risque
Le thème de la rencontre était « Accélérer l’intégration du biocontrôle dans le quotidien des producteurs : un défi à partager entre acteurs de la filière », organisé par Alliance Biocontrôle. « Notre priorité est d’accélérer l’accès à l’innovation des solutions de biocontrôle, d’accélérer le déploiement des solutions existantes, mieux valoriser les productions agricoles utilisant des solutions de biocontrôle et fédérer les acteurs », rappelle Denis Longevialle, directeur d’Alliance Biocontrôle.
Tester les solutions de biocontrôle
Les coopératives et les négoces jouent un rôle central. « Les biosolutions sont au cœur de notre stratégie. C’est un moyen de nous différencier. Il faut d’abord une conviction de la direction pour convaincre l’équipe. Nous les combinons avec des produits phytosanitaires, qui restent une assurance tout risque. Tout le monde n’est pas ouvert aux biocontrôles, car le coût par hectare est plus élevé et le résultat n’est pas toujours garanti. Cependant, ces solutions nous aident à réduire les Indicateurs de fréquence de traitement (IFT) et à atteindre notre objectif des CEPP », explique Nicolas Charpentier, directeur des Ets Charpentier.
Avant de commercialiser, le distributeur procède à des tests pour valider l’efficacité de la solution.
« Les solutions de biocontrôle passent par un référencement technique dans notre centrale 3A. Il faut d’abord convaincre la coopérative pour référencer la solution à notre niveau. Nous les testons ensuite dans nos microparcelles, comme un produit phytosanitaire classique, et au sein de la plateforme InVivo Openfield », explique Matthieu Denier, directeur agrofournitures d’Océalia.
Océalia mise sur sa démarche « Le Sillon responsable » pour accompagner les agriculteurs. « C’est un cahier des charges que nous avons créé, avec des leviers comme les semences, les biostimulants et le biocontrôle, explique-t-il. Nous valorisons les productions des agriculteurs engagés dans cette démarche et nous visons 70 % des surfaces de nos adhérents dans le Sillon responsable. »
Le conseil reste l’une des pierres angulaires du développement et de la réussite des biosolutions. « Le conseiller porte la bonne parole, mais il faut le convaincre et le former », ajoute Matthieu Denier. Les distributeurs pointent les limites des outils d’aide à la décision. « Ils ne sont pas adaptés aux solutions de biocontrôle, et le conseil d’intervention est parfois trop tardif », souligne Nicolas Charpentier.
L’économie de la fonctionnalité, pour partager le risque
Economie de la fonctionnalité : rien n’empêche d’y associer des offres combinées incluant des biosolutions
Un nouveau concept émerge pour partager le risque : l’économie de la fonctionnalité, qui consiste à garantir un niveau de production avec le fournisseur.
« Nous l’avons testé en 2024 et y croyons beaucoup. Nous allouerons 10 % de nos surfaces de céréales cette année. Les fournisseurs qui s’engagent dans cette démarche proposent des outils d’aide à la décision (OAD) et des produits performants. Mais rien n’empêche d’y associer des offres combinées incluant des biosolutions », indique Matthieu Denier.
L’agriculture régénératrice pour impliquer l’aval
Il est essentiel de quantifier les coûts et de déterminer comment les répartir dans la chaîne.
Le partage du risque doit couvrir toute la chaîne de valeur de l’alimentation. « Il n’est pas encore bien défini, car le schéma de financement de la transition reste flou. Il est essentiel de quantifier les coûts et de déterminer comment les répartir dans la chaîne. L’agriculture régénératrice suscite un intérêt croissant dans l’aval, incitant les acteurs à adopter une approche plus systémique », reconnaît Fanny Lange, associée du cabinet Deloitte Sustainability.
Les pouvoirs publics ont également un rôle important à jouer pour déployer ces solutions. « Nous avons fait des efforts pour réduire les délais d’autorisation des mises sur le marché, mais ils demeurent longs, avec des obstacles au niveau européen. La réglementation doit évoluer pour s’adapter, notamment au niveau européen », déclare Odile Cornard, coordinatrice de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
PRAAM, une logique amont-aval
Le ministère lancera un appel à projets PRAAM (Prise de risque amont-aval et massification de pratiques visant à réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques) au premier semestre 2025. « Nous sommes dans une logique amont-aval, portée par des acteurs économiques pour déployer des alternatives combinées. Les lauréats devront proposer des contrats de production tripartites et des modèles assurantiels », précise Odile Cornard. L’appel à manifestation d’intérêt a été publié le 16 juillet 2024.
PRAAM : la participation d’acteurs assurantiels est encouragée.
Le programme s’adresse aux opérateurs économiques impliqués dans la valorisation des produits agricoles et en lien direct avec l’amont agricole : coopératives, négoces, producteurs organisés ou liés à leur transformateur, ainsi qu’aux acteurs de l’aval. La participation d’acteurs assurantiels, ainsi que des agences de l’eau, des services déconcentrés, des collectivités et des entreprises de services, est encouragée pour avoir un impact significatif sur la transition.
La séparation de vente et du conseil, « un frein pour le biocontrôle »
La réglementation doit aussi évoluer en France, avec la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires. « C’est un frein pour le biocontrôle, estime Quentin Matthieu. C’est un sujet à remettre en question, c’est en cours. »